à l’oreille





Grandinote Mach 2
Quand l’intransigeance côtoie le familier

Par LeaBeauSon - Juin 2022


Perception d’ensemble

Auditeur A : après de longues semaines en compagnie des Grandinote Mach 2, si je n’ai pas retrouvé exactement le caractère fort des Mach 4 et Mach 9, celui-ci a fait place à une bienveillance plus universelle de la reproduction musicale.

Des points communs avec les grandes sœurs, certes il y en a ! Nombreux ! Au profit d’une approche moins, comment dire ? Radicale sans doute… qui visait une éloquence maximale au risque d’un serment fort.

La Mach 2 ralliera sans doute plus de suffrages, acceptant des compromis un peu plus « hifi », avec pour corollaire un engagement expressif possiblement moins pittoresque, pas paresseux pour autant.

Tous les auditeurs lors de nos tests ont été très impressionnés par le résultat à la fois résolvant et spectaculaire, probablement aussi épatés par une présence affirmée dans le bas du spectre qu’on n’aurait certainement pas attendue d’une colonne aussi fine

Auditeur B : pour moi la Mach 2 est une Formule 1. Elle n’est pas docile et ne cherche pas à l’être. Elle mérite une attention particulière pour être pleinement exploitée et apprivoiser ses caprices. Mais une fois pilotée avec finesse et sérénité, elle devient un instrument de plaisir addictif.

DIAMs 6 ROUGEs

NB : Code couleur pour ce banc d’essai : Rose (de 6 500 à 12 000 €) la Grandinote Mach 2 (oui, enfin, la paire) étant suggérée de 10 500 à 11 700 € selon la finition.

Mach2 1

3ème paire de la série MACH de l’Italien Grandinote que nous testons dans nos colonnes, après :

https://lebeauson.fr/a-l-oreille/206-Grandinote-mach-4-massimiliano-persiste-et-signe

et

https://lebeauson.fr/a-l-oreille/203-Grandinote-mach-9-la-liberte-de-la-verite

Celle-ci est la Mach 2 sachant que deux modèles partagent l’appellation : la colonne et une enceinte format moniteur nommée Mach 2 R.

De la série Mach, la M2 reprend les mêmes haut-parleurs et le principe d’une sorte de ligne de transmission appelée SRT pour Semi Resonant Tube.

Toutefois, munie de 2 haut-parleurs grave/médium, la notion de ligne acoustique (expliquée dans l’article consacré à la Mach 9) est évidemment ramenée à un d’Appolito, ou « sort of… », à savoir deux transducteurs grave/médium entourant un tweeter à dôme de fort diamètre, qui, théoriquement dans le principe d’Appolito, est raccordé assez bas en fréquence.

Ce n’est vraisemblablement pas le cas ici puisque les deux 11 cm (visibles donc 13 dans la classification usuelle) ne sont ni filtrés ni compensés.

Ce qui n’empêche pas Grandinote de revendiquer une impédance de 8 ohms et un rendement de 92 dB (1W/1m). Peut-être y a-t-il quand même une légère différence entre les transducteurs 13 cm d’un modèle Mach à l’autre pour expliquer la constance d’impédance.

A noter que les haut-parleurs, fixés par l’arrière, sont très enfoncés dans la paroi qui leur fournit une amorce de pavillon.

Massimiliano, M. Grandinote, semble avoir renoncé au Carbone pour la réalisation de ses enceintes (après avoir testé l’aluminium également) et revenir au bois sous une forme qui lui donne entière satisfaction. C’était déjà le cas de la Mach 4 que nous avions testée et grandement appréciée.

Les dimensions de la Mach 2 en font une colonne très élancée : 1160 x 240 x 230. Millimetri.

Et lourde. Elle doit dépasser les 30 Chilogrammi ; comme moi ; mais je n’ai pas l’indication exacte. Pour moi non plus : je préfère ne pas savoir.

L’enceinte est posée sur une plaque de métal rigide prévue pour recevoir 3 pointes de qualité que nous avons parfois remplacées par des B1 Neodio et des Franc Audio.

Un bornier simple mais de grande qualité à l’arrière (WBT) et une finition au choix entre brillante, mate (je suppose que ça concerne les joues en bois gris) et noire.

Conditions d’écoute : Lumin, Atoll ST300, Eera Majestuoso II, Métronome Technologie Le Player 3+, Gato CDD-1, Atoll DAC300, Mitchell Orbe + Sorane + Hana ML, Aurorasound VIDA, Accuphase E380, Grandinote Shinai et Supremo, ensemble Alef, Tsakiridis Ultima, Aurorasound, câbles Absolue, Legato, Neodio, Wing, Nodal.

Soit énormément de variables.

Car la Mach 2 m’a déstabilisé.

Je n’ai pas retrouvé le caractère des M4 et M9. Des points communs, certes, mais aussi une approche moins, comment dire ? Radicale sans doute… qui visait une expressivité maximale au risque d’un serment exigeant.

On dirait que la M2 cherche à rallier plus de suffrages, acceptant des compromis plus « hifi », avec pour corollaire un corps-à-corps « beauté/vérité » possiblement moins engagé.

Le pari est-il réussi ? Oui, je crois.

Le temps de me remettre de ma surprise.

Heureusement, la plupart de nos tests – surtout dès que l’un de nous a un doute - se font en deux lieux très différents avec des approches tout aussi différentes, ce qui a permis de mieux comprendre une enceinte que personnellement j’ai trouvé très intéressante mais capricieuse.

Une fois n’est pas coutume : je serai l’auditeur A et le Boss (salut Boss) l’AUDITEUR B. Comme Boss. D’où les majuscules.

Je vous préviens ça va faire un peu désordre…

Mach2 4

Réalisme des détails :

Le difficilement classable Former Things de la définitivement inclassable LoneLady (Julie Campbell) cultive la contradiction entre minimalisme et maximalisme ; à moins que ce ne soit une forme de maximalisme allégé.

On a connu la Mancunienne plus directement influencée par le post-punk, mais ne suivant en aucune manière les codes du Nu-New Orders : son approche est au contraire très ouverte et dépouillée alors que lourde de sens ; ce qu’elle appelle Edgeland, à savoir la surcharge d’informations de souvenirs, de possibilités et d’associations sur n’importe quelle parcelle de terrain, qui probablement explique la sensation d’une musique palpitant de sous-éléments granulaires, créant une tension quasi-formelle.

Il semble que Former Things ait été préalablement pensé comme un album techno enregistré sur des synthés et séquenceurs Vintage ; ce qui s’entend, tout en regorgeant d’arrangements intriqués en blocs internes architecturant autant de supports bouclés au chant frappé lui aussi de cellules courtes qui rebondissent sans cesse sur les Bumpers et Slingshots d’un flipper.

Cette agitation pétillante, faussement festive, plombée de gravité en apparente légèreté, ne connaît que peu de phases de repos.

C’est un disque délibérément décalé dans le temps par toutes sortes de moyen qui laisse mal à l’aise avant même de se risquer à plonger dans les textes aussi tortueux que le puzzle musical. Pas l’album du siècle, peut-être, mais la confirmation d’un talent hors du commun et d’une personnalité forte.

En tout cas, diffusés par la Mach 2, les éclats « glitch » permanents, les séquences heurtées et les babillages électroniques issus d’un Wall-E culbuté au marteau-piqueur, palpitent, étourdissants, aussi brillants et tranchants qu’un jet de billes d’acier dans un miroir. Et le parfait pointage de chacun des nœuds constituant le tressage limpide d’une trame fourmillante fait de la Mach 2 un possible jalon.

Pour rester dans la création assénée par une femme et ne pouvant que naître d’une femme, la musique de chambre d’Ewa Fabiańska-Jelińska visite un panel multiple ; à commencer par le début sombre de la Toccata pour Accordéon et Piano où le pouvoir de résolution élevé de la Mach 2 sait creuser des nuances de jeu absolument nécessaires pour ne pas passer à côté de ce petit bijou rythmique et harmonique.

Les oppositions de timbres, notamment dans le système colorimétrique parfois sublime de l’accordéon (chromatique ici ?), sont peut-être mieux servies par Mach 2 que l’intensité dramatique ou le mystère poétique, lecture pointée de chaque doigt sur chaque note, qui révèlent une particularité tonale que nous avons eu du mal à circonscrire, apparaissant surtout lorsqu’on sollicite beaucoup le grave ou le niveau et qui nous demandera pas mal de réglages de placements et d’associations pour la contourner (cf chapitre Scène Sonore)

Lors des frappes pas idéalement identifiables, mais qui évoquent des talons façon flamenco sur les premières et des paumes sur le corps du piano ensuite, l’énergie délivrée est saisissante de vraisemblance.

Nous avons troqué l’ampli pour le Tsakiridis avant de passer aux deux pièces suivantes sur ce même fichier : Meditation I pour Piano, Clarinette, Trombone et Violoncelle, et Meditation III pour Piano et Trombone ; on s’interroge sur la sensation de profondeur et perception d’une atmosphère de salle prononcée alors qu’on ne parvient pas à déterminer une scène sonore précise. Quand le trombone s’impose (Meditation III), la granulation, le raclement sur les passages glaçants en sont excellents ainsi qu’une perception de swing très structuré, piqué, pouvant même nous amener à nous interroger sur l’instrument : trombone à coulisse ou à pistons ? Rapidement cependant, le délié particulièrement phrasé unissant les sinuosités de l’instrument et surtout la justesse innégociable induisent la réponse : trombone à coulisse.

Pour vérifier un questionnement, même après plusieurs replacements des Mach 2, j’ai réquisitionné une vielle connaissance : l’album grandiose St Vincent de la grandiose St Vincent (oui, bon, Annie Clarke) où les entrechats dans le grave posent problème à pas mal de système. C’est le cas ici, où je comprends mieux ce qu’on avait remarqué sans parvenir à l’analyser : le grave tend à faire cavalier seul ; pour tout dire, tout le bas du spectre, impressionnant surtout rapporté aux dimensions fines de l’enceinte, n’est pas dans la même géométrie que le reste mais dans son univers propre, coupé du haut médium ; point particulièrement perceptible sur des musiques complexes, remplies ou énergiques où, par manque de lien avec le haut, la définition et la précision n’en suivront pas l’opiniâtreté, la minutie finaude ou le swing et isoleront un grave puissant dans un roulement coincé dans la boîte.

Est-ce rédhibitoire ? NON, à condition de vraiment, plus qu’avec beaucoup d’enceintes, trouver un apostement au cordeau dans la pièce pour remplir le creux tonal et aussi d’éviter un ampli qui ne verrouillerait pas parfaitement le bas du spectre tout en ne le saturant pas énergétiquement. Chez moi, je n’y suis pas idéalement parvenu et c’est parce que l’Auditeur B était arrivé à une conclusion contraire que j’ai persisté. Oui, bon, c’est pas chronologique car l’auditeur B avait écouté avant moi. Côté ampli, par exemple chez Grandinote : un Shinai oui ! Un Supremo ? Pas sûr : si de fait il va plus loin sur tous les critères, il a aussi tendance à envoyer un peu trop pour l’enceinte, la déborder un tantinet. Sauf évidemment à simplifier à la source. Mais à quoi bon alors ?

DIAMs 5 Rouges

 

Auditeur B : sur ce point, je ne contredirai pas l’auditeur A du tout au tout. Malgré la définition de l’enceinte au-dessus de la moyenne endormie des labélisées haut-de-gamme, je n’ai pas trouvé une totale probité, une vraisemblance indubitable. Est-ce le fait d’une coloration comme l’évoque l’auditeur A, ou la conséquence d’une énergie de titan ? J’ai eu du mal à me laisser convaincre totalement.

En revanche, après des essais divers de placement (je développerai plus loin, ce n’est pas moi qui ai choisi l’ordre de la narration), j’ai réglé cette gêne de l’intégration du registre grave.

DIAMs 5 Rouges

Mach2 2

 

Qualité du swing, de la vitalité, de la dynamique :

Puisque qu’on a commencé à évoquer le swing et la musique innovante des femmes : qui mieux qu’Esperanza Spalding et le fascinant Songwrights Apothecary Lab pour en parler ?

Sur son huitième album, la chanteuse, contrebassiste, exploratrice a choisi une voie difficile, celle d’un lyrisme expérimental exigeant une concentration de tous les instants chez l’auditeur tant les virevoltes à géométrie variable contraignent à l’introspection. Les structures très ancrées sur la force des tonalités - sans négliger les interventions millimétrées ou sous-couches d’une ornementation instrumentale diaprée – suivent ou franchissent des pistes inattendues pour filmer les meurtrissures ou blessures stigmatisant nos vies.

Il paraît en effet que les compositions, enregistrées sur plusieurs mois (côté production, ça ne s’entend pas), s’appuient sur des échanges avec des musicothérapeutes et des neuroscientifiques que la jolie tête chercheuse a intentionnellement convoqués pour une catharsis destinée à un effet thérapeutique sur l’auditeur. Ce disque est d’ailleurs supposé être accompagné d’un guide, que je n’ai pas cherché afin de ne pas corrompre la puissance artistique de cet objet artistique.

La 8ème plage (Formwela 8) est particulièrement troublante, déstabilisante ; d’abord parce qu’elle marque une sorte de rupture avec les précédent(e ?)s Formwelas mais surtout parce que, fondée sur une boucle rythmique courte et constante répétée pendant 11’39, le morceau s’égare rapidement dans ses repères, aussi bien par les décalages harmoniques que les errances déroutantes et permanentes des cadences… sacrée expérience en tout cas à la fois anesthésique mais astringente abordant au mal de mer… il faudra attendre la Formwela 13 pour retrouver une rassurante terre ferme…

La profusion d’information et les nombreux paliers de flottements et glissements rythmiques - car il n’est pas rare que les musiciens fluctuent dans un mouvement personnel au sein d’une homogénéité pourtant irréprochable, ici la contrebasse de Madame Spalding, là le piano enchanté de Leo Genovese, ou la guitare farfelue de Matthew Stevens -, sont un chalenge pour un système de reproduction sonore.

Et alors ?

Pas un souci pour la Mach 2 où une large partie du haut du spectre est à la fête, tandis que… le corps de la contrebasse est un rien embourbé, un poil grassouillet et moins chantant si on n’a pas été particulièrement méticuleux lors de la mise en œuvre…

Précaution oratoire : cette particularité qui me contrarie peut aussi correspondre à ce que beaucoup adorent dans la reproduction haute-fidélité : le « un peu trop » dans le bas qui rend la tambouille plus gourmande.

Je suis simplement un peu surpris, parce que ce réglage – qui est aussi une conséquence de la longueur de la ligne chargée par seulement deux petits HP - ne correspond pas à ce que j’ai écouté précédemment des enceintes Grandinote.

 

Puisque ce BE semble avoir été consacré à la musique des femmes, je vais oser un pas de côté, comment dire, pas #Me Too # Du Too, en choisissant Don Juan.

De Richard Strauss. Pas exactement un grand séducteur.

Message destiné à sa fiancée Pauline de Ahna ? Allez savoir.

Dans la superlative interprétation de Von Karajan dirigeant en 1960 le superlatif Wiener Philharmoniker dans une superlative édition en DSD…

A ma grande honte, entre Salomé, La Femme sans Ombre, Elektra ou le Chevalier à la Rose, j’aurais pu trouver une œuvre plus directement dédiée aux femmes chez Strauss

Que dire ? La dynamique de l’orchestre est flagrante, contrastée entre l’exubérance chaotique (straussienne déjà avant la folie quasi hystérique de certaines de ses compositions majeures. Je ne parle pas du Chevalier à la Rose mais de Salomé ou d’Elektra avant l’apaisement résigné des derniers lieder !) de la jeunesse du « héros », en passant par une scène de séduction jouée par un hautbois qui pourrait aussi bien être celui d’un grand soliste, à la lente montée poignante du final sombrant dans un silence de tombe…

Mais cette dynamique dérive aussi du fait d’une variante de corps d’un orchestre dont la somptuosité globale est transformée (transfigurée ?) par des traits certes modulants mais jaillissant comme aléatoirement… en soit, ce n’est rien d’autre que la confirmation du caractère précédemment analysé, à savoir un équilibre tonal connecté à une intransigeance de placement pas toujours facile à déterminer.

C’est dommage et ne doit surtout pas être la raison d’un rejet, car la vie, la magnificence expressive de l’orchestre sont sans faille et même plutôt du côté des exceptions.

DIAMs 5 Rouges

Mach2 3

 

Scène sonore :

Attention : lisez cette rubrique de fond en comble, s’il vous plaît !

Car elle relativise des comportements qui ont brouillé notre jugement.

 

Une petite singularité que je n’avais pas notée apparaît sur la musique de chambre de Charlotte Sohy (1887-1955) à commencer par le Premier Quatuor, Op 25 (1933) joué (avec une implication totale) par le Quatuor Hermès (deux femmes, deux hommes, la parité, quoi…).

Du début mystérieux, quasi sombre d’un mouvement pourtant appelé Allégresse, le tempo s’accélère rapidement pour évoquer des feuilles mortes promenées par le vent. La partition est faussement classique, certaines audaces tonales la situant bel et bien dans le 20ème siècle ! Curieux choix de la compositrice d’avoir fait de ce Quatuor une œuvre à programme car les mouvements – Allégresse, Sérénité, Badinage, Volonté – sont empreints de contradictions volubiles, d’une forme d’agitation voire de tension qui n’évoquent que fugitivement les titres. Une œuvre à découvrir en tout cas.

La petite singularité, c’est un effet de matière parfois bizarre, un côté légèrement « verroterie » sur les violons. Alors que les couleurs en sont superbes. Oh, c’est fugace et probablement lié à un des nombreux changements dans les combinaisons du long test. Concomitamment, la lisibilité des traits de chacun des instrumentistes est impeccable et tant pis si les envols de papillons devenant fulgurances angoissantes, nostalgie poétique, sont un rien synthétiques, trop appuyés.

Mais ce qui a longuement persisté, dans ma pièce, c’est une scène sonore pas franchement compréhensible. Avec quelques constantes ; par exemple, une scène située un peu haut depuis mes fauteuils. Et peu structurée. Sur l’œuvre précitée, on sent certes une atmosphère, tandis que situer les instruments dans leurs « géométries » est impossible !

Avec même la curieuse perception que les notes basses et hautes ne jouent pas sur le même plan.

Plus précisément, les sons selon les fréquences ne sont pas à la même hauteur (physique, pas tonale) et c’est sans doute ce qui nuit à la scène. Certains sons « hauts » voltigent en hauteur tandis que le reste rase le sol. Quant au bas grave, on sent qu’il n’est pas naturel, costaud mais contraint, issu de petits HP qui se débrouillent bien mais ne l’affranchissent pas au point que, pour tout dire, ça peut même devenir assez fatigant, quand bien même c’est impressionnant au regard des dimensions de l’objet.

Puisque c’était un point qui nous avait décontenancés sur les disques déjà écoutés - pas de scène sonore définie. Parfois une sensation de profondeur, oui, mais floue, et, au mieux, une image compactée, très centrée et stable - dans ce cas - mais quasi mono - et que nous savions par ailleurs que le Boss avait résolu ce problème par une disposition inhabituelle dans sa pièce, inhabituelle et pas problématique, j’en ai parlé au distributeur de la marque.

Qui m’a donné immédiatement la solution : "penche-les vers l’arrière en jouant sur le réglage des pointes…"

Hum… J’aurais quand même pu y penser dans la mesure où, pour donner suite à l’impression que la scène était meilleure en nous tenant debout, nous avions effectué quelques tests en remplaçant les fauteuils par des tabourets de bar, essais concluants à défaut de tout résoudre.

Et en effet, cette nouvelle implantation remet les choses en place ! L’équilibre tonal est d’ailleurs plus stable et la disposition des musiciens dans l’espace prend un tout autre sens.

Scène sonore :

6 ROUGE copie

 

 

Auditeur B :

Alors là, pas d’accord du tout :

Dizzy (Gillespie) On The French Riviera, capté pour Philips au Festival de Juan les Pins en 62, entouré de Lalo Schifrin (svp !), Leo Wright, Elek Bacsik, Chris White, Rudy Collins, Pepito Restra et, sur quelques titres, de Charlie Ventura et de José Paula. Le tout produit par … Quincy Jones : excusez du peu !

Large, étagée, la scène sonore propose plus que de l’air entre musiciens : ceux-ci évoluent librement devant nous. Les proportions des protagonistes présentent une telle évidence qu’elles ne questionnent jamais. La hauteur des colonnes, le placement des haut-parleurs grave-médium autour du tweeter dans un montage dit d'Appolito favorisent peut-être cette prise de possession de l’espace sonore particulièrement jubilatoire.

DIAMs 61 rouges

 

 

 

Richesse des timbres et équilibre tonal :

 

Auditeur A : et puis tiens, je reste dans une thématique féminine (féministe ?) avec Lili Boulanger et les profondément émouvants Vieille Prière Bouddhique (et le solo de flûte guidant vers l’Extrême Orient) et surtout le Psaume 130 « du Fond de l’Abîme » (et la structure évoluant sur des divergences d’échelles modales menant à un dépassement répété de la tonalité), deux œuvres pour ténor, chœur et orchestre, Julian Podger, le Monteverdi Choir et le LSO, dirigés par John Eliot Gardiner, publié par Deutsche Grammophon en 2002.

Dans une large partie haute du spectre, les timbres satinés (par opposition à mats ou brillants) ornementent joyeusement les complexes partitions et rendent honneur à des musiciens tous profondément inspirés, alors qu’on discerne une possible nasalité du ténor et des chœurs, plus particulièrement sur les forte, dénotant un équilibre tonal un rien fluctuant qui creuse une zone mobile du bas-médium.

Soit, en jouant sur le positionnement des enceintes – notamment en les inclinant comme indiqué au chapitre précédent - ou en écoutant à un niveau très raisonnable, on aboute plutôt bien les extrémités du spectre… Pourtant cette affectation est quand même ce qui ressort de nos longues heures d’écoute.

C’est bien sûr très beau et ne nuit pas à la merveilleuse expression de musiciens en transe, mais peut rendre l’écoute fatigante si on n’a pas pris le temps de cerner les ajustements indispensables. En outre, on s’habitue peut-être.

La coquetterie tonale apparaîtra plus ou moins selon le type de musique et le niveau d’écoute donc : elle est par exemple peu détectable sur de la musique de chambre, ou sur un Kate Bush (The Dreaming) écouté en vinyle, alors que la voix de la dame est pour le moins délicate à passer.

Le Lied (Duette) extrait de l’Opus 63, Abschiedslied der Zugvögel, Angelika Kirchshlager et Barbara Bonney, accompagnées par Malcolm Martineau, est, en dépit d’une captation un peu dure, une merveille absolue de grâce où l’on parvient comme trop peu souvent à isoler les timbres et personnalités de chacune des Divas dans un entrecroisement pas simple de lignes mélodiques aussi sublimes que grâcieuses où le piano (dont la réverbération est curieuse dans l’enregistrement) participe de la même magie.

Comme quoi, il ne faut pas se tromper !

Sur Kilumi, le très recommandable (premier ?) album de la DJ Emma Mbeke Nzioka (Coco Em)les nombreuses collaborations (Sisian, Kasiva, MC Sharon, Wuoad Baba, Ndunge Wa et j’en oublie) tout comme les variations de beats afro-house sinuant entre l’amapiano, le trap, hip-hop ou que sais-je encore, offrent une ballade dans des couleurs exotiques bigarrées que la Mach 2 reproduit en Technicolor, quand bien même l’infra parfois visité par la Kenyane grommelle un peu lourdement, oh certes de façon spectaculaire et plaisante sur ce style de musique. Mais…

 

Équilibre tonal : 

DIAMs 4 ROUGEs

 

 

Richesse des timbres :

DIAMs 6 ROUGEs

 

 

Auditeur B : pas foncièrement d’accord.

Que ce soit l’album de Nick Drake : Five Leaves Left, écouté en vinyle et en démat, où, soit dit en passant le songwriter est clairement placé debout au milieu de ses acolytes ou Such Sweet Thunder de Duke Ellington (quand le Duke rend hommage à Shakespeare !!!), l’équilibre tonal est à la faveur d’un médium-aigu luxuriant, fin et riche en timbres.

Si le grave n’est pas abyssal, il n’en est pas moins présent, vif, tendu et capable d’asséner des chocs au plexus. Sa cohérence dans l’équilibre tonal se peaufine en ajustant le placement des enceintes en fonction du mur arrière. Dans mon cas, à 80 cm du mur arrière, j’ai trouvé une assise très bien intégrée aux autres fréquences au point même de ressentir cette notion chère à l’Auditeur A : le grave incarné jusque dans l’aigu.

Une fois ce placement déterminé, on ressent à peine un équilibre légèrement montant. 

L’aigu délicat, léger et précis, contribue à l’apport en définition en donnant le sentiment qu’aucun détail n’est oublié. 

Un médium, sublime de délicatesse et de modulation, procure la délectation des timbres de tous les instruments. 

Equilibre tonal, susceptible :

DIAMs 5 Rouges

 

 

Richesse des timbres, quelque peu sublimés. 

DIAMs 61 rouges

 Mach2 6

 

 

 

Expressivité :

Evoquer les femmes musiciennes (c’est venu sans préméditation ; débrouille-toi avec ça, chef !) sans accorder une place à La Callas interprétant (c’est le moins qu’on puisse dire) Tosca (avec Carlo Bergonzi, Tito Gobbi et Georges Prêtre) n’est pas envisageable, n’est-ce pas ?

Vinyle ou DSD ? Je vote pour le DSD (le report est magnifique) et toute la fin de l’acte 2, incluant l’assassinat de Scarpia par Tosca.

J’aurais pu choisir Carmen, mais puisque le crime passionnel est maintenant entré dans la catégorie « féminicide », on ne pourra me reprocher d’avoir privilégié une page d’opéra où une femme poignarde un salaud perfide.

La Mach 2 élève ce formidable fichier qui fait démentir ce que l’on a longtemps cru des enregistrements de La Callas : performance vocale de tragédienne ayant créé une nouvelle idée de l’opéra, possiblement jamais égalée, mais captations souvent décevantes.

Cette fois tout y est, y compris la fragilité d’une voix un peu fatiguée qui perd le contrôle de justesse sur quelques vibratos dans les moments portés si puissamment, y compris l’extraordinaire volubilité tragique de la plus grande des comédiennes de l’art lyrique… Tout cela, la Mach 2 le transmet quasiment sans l’ombre d’une réserve si ce n’est qu’une incarnation plus prégnante nous eût conduits au Paradis.

Et alors ? Quelle concurrente sait le faire ? Dix dans le monde ? A ce prix ? Mmmhhh, peut-être, mais on ne s’en souvient guère.

DIAMs 5 Rouges

 

 

Auditeur B : je trouve l’équipe A encore un peu frileuse sur le sujet.

Claironnons maintenant le triomphe de cette enceinte : son éloquence, sa capacité à conduire tout droit au frisson en jouant sur la harpe de nos cordes sensibles. 

Le corollaire est que cette faculté à créer un lien direct avec les artistes lève le voile de complaisance préservé par bon nombre d’enceintes. Alors que certaines tempèrent la pauvreté des productions de divers artistes, les Mach 2 ne passent rien, n’estompent rien. Et, bien au contraire, lorsque le disque est de qualité, elles révèlent une réalité vraisemblable, immanquablement envoûtante.

All Them Witches, Live On The Internet sorti en mars 2022 chez New West Records, propose un Rock viril et psychédélique. Les Mach 2 restituent la réverbération des guitares saturées. En face du groupe de Rock progressif (indé ?) All Them Witches, on se laisse envahir par la densité d’une basse cogneuse, l’énergie originelle de la batterie étoffée en relief et épaisseur accompagnant magnifiquement les « effets de manche » de la guitare d’une complète transparence. 

Les différents mouvements « figuratifs » de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvořák interprétée par le CSO sous la direction de Fritz Reiner dévoilent une transposition d’amplitude telle qu’il faut tendre l’oreille sur les passages pianissimo, puis se rencogner dans son fauteuil lorsque gronde la tempête fortissimo, le tout dans une sensation de naturel infiniment bouleversante.

DIAMs 61 rouges

 

 

 

Plaisir subjectif :

Quelques visiteurs impromptus ou habitués des lieux en découvrant la Mach 2 ex-nihilo ont tous été très impressionnés par le résultat à la fois résolvant et spectaculaire, probablement aussi épatés par la présence dans le bas du spectre affirmée par une colonne aussi fine.

De notre côté (je parle de l’équipe d’oreilles dite « Auditeur A »), nous nous sommes un peu perdus dans la multiplication des combinaisons et déménagements pour garder encore de la fraîcheur. Mais on ne s’est jamais ennuyés…

Auditeur B : de mon côté, je n’ai aucun doute, ni besoin de multiplier les disques : King Hannah, I’m Not Sorry, I Was Just Being Me, paru chez City Slang en février 2022 - rock alternatif indé, où un peu de PJ Harvey et de Beth Gibbons coulent dans les veines d’une part et, d’autre part : BashungL’Imprudence, suffisent à mettre en valeur une énergie peu commune, une définition remarquable, une transposition probante des dimensions des musiciens, une fougue captivante à condition de soumettre la Mach 2 à une amplification qui saura les dompter…

La Mach 2 propose une présence hypnotique. Elle est capable d’asséner des chocs au plexus et ainsi donner corps à notre plaisir intégral. Les sonorités délicates d’un Glockenspiel semblent étoffées d’une densité sans trahir leur éclat naturel.

DIAMs 62 rouges

 

 

Perception d’ensemble :

 

Auditeur B : pour moi la Mach 2 est une formule 1. Elle n’est pas docile et ne cherche pas à l’être. Elle mérite une attention particulière pour être pleinement exploitée et gommer ses coquetteries. Mais une fois pilotée avec finesse et sérénité, elle devient un instrument de plaisir addictif.

DIAMs 6 ROUGEs

 

 

 

Rapport Qualité/Prix :

Il est indéniablement favorable, ne serait-ce que grâce à un faisceau de qualités, dont l’éloquence, la vitalité, la connexion aux musiciens, qui peuvent faire merveille dès lors que tout est réuni pour rendre hommage à la musique.

Ces aptitudes sont suffisamment rares dans cette catégorie pour que nous donnions une note optimale.

DIAMs 6 ROUGEs

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