à l’oreille





Métronome Technologie Le Player 3+
Susceptible mais performant !

Par LeBeauSon - Juin 2022


Perception d’ensemble

Convertisseur / Lecteur CD de la gamme Classica du fabricant français Métronome Technologie, Le Player 3+ nous laisse déconcertés et crée peut-être un cas de figure sans précédent :

- il est à la fois un des meilleurs convertisseurs dans sa catégorie de prix, par la palette de timbres qu’il sait épanouir, la beauté de la scène sonore, les swing, enthousiasme rythmique, et éloquence habitée…

- mais est entravé par une errance tonale en dynamique qui peut le rendre totalement incompatible avec certains éléments aval sans que l’on parvienne à modéliser une équation.

Toutefois, puisqu’il est à même de procurer des frissons trop rares dans la concurrence directe, nous ne pouvons pas lui refuser une excellente appréciation générale.

A vous de vous laisser guider par des conseillers compétents.

DIAMs 6 ORANGEs

LePlayer MetronomeTech 2

NB : Code couleur pour ce banc d’essai : Aïe. Cet appareil proposé à 6 500 € se situe pile sur la frontière entre deux catégories, à savoir Orange (de 3 200 à 6 500 €) et Rose (6 500 à 12 000 €)

Comprendre les hiérarchies de gamme du fabricant français Métronome Technologie, et les fonctionnalités au sein des gammes n’est pas toujours simple.

Je rappelle pour les étourdis que Métronome Technologie est une des très rares sociétés françaises de l’audio à oser le High-End avec la marque Kalista (de 40 à 70 000 € !).

L’objet du jour s’appelle Le Player 3+ et entre dans une gamme pour le compte compréhensible, appelée Classica.

Il est appelé « hybride convertisseur + lecteur CD » par Métronome et vient rejoindre dans sa gamme le lecteur CD Le Player 3 lancé il y a quelques années ; il reprend, outre l’esthétique de ses ainés, une partie du convertisseur sobrement appelé Le DAC.

Conçue et manufacturée en France selon les standards de fabrication chers à Métronome, chaque unité est soigneusement assemblée, testée dans ses ateliers par des techniciens qualifiés. La durée de fabrication d’un seul lecteur, incluant 48 heures de rodage et vérification, représente 3 jours complets de travail.

Le châssis est réalisé en acier de 2 mm d’épaisseur, la façade étant usinée dans une plaque massive d’aluminium de 10 mm d’épaisseur, le tout concourant à une grande rigidité éliminant toute vibration.

Le mécanisme de lecture est un Philips Gyr Falcon 8 optimisé par Métronome et entièrement enfermé dans un boîtier métallique pour un découplage et une isolation efficaces ainsi que l’annulation du bruit de fonctionnement.

La conversion numérique => analogique est confiée à un AK4493 en mode double-mono dont la résolution atteint 32/384 en PCM ou DSD512 natif sans DoP ni suréchantillonnage pour l’entrée USB asynchrone. Une seconde entrée numérique coaxiale sur RCA accepte jusqu’au format 24/192.

La sortie analogique est disponible au format asymétrique sur RCA ou symétrique sur XLR.

Comme toujours une grande attention a été portée sur l’alimentation distribuée par 3 transformateurs taureaux hideux (ça ne doit pas être ça…) encapsulés avec filtre Schaffner (Franklin ? L’immense réalisateur ? ça doit pas être le même !) suivis de 4 régulations indépendantes. Ouais. Et alors… Rien de bien nouveau. Les slogans importent moins que les astuces, me semble-t-il…

 

L’appareil est livré avec une télécommande plutôt bien pensée et élégante, et des cônes en Delrin. Gadgets ? Oui !

Il est disponible en silver ou black.

Les dimensions ? : 450 x 115 x 435 mm

Poids : 12 kg

Ça au moins, on ne le contestera pas.

Conditions d’écoute : électroniques Lumïn, Alef, Accuphase, Atoll, Tsakiridis, enceintes Atlantis Lab AT21 avec et sans Sub AT33, Davis Courbet 8, ppfff AVA 2, Grandinote Mach 2, Living Voice R25.

Je précise d’emblée que nous avons beaucoup apprécié cette louable machine en tant que convertisseur là où nous sommes plus réservés sur la même en lecture CD.

Le fabricant lui-même présentant la machine comme « convertisseur/lecteur CD », on ne peut pas dire que nos conclusions soit particulièrement révélatrices.

Je suis d’autant plus séduit que ce n’est pas une marque qui m’a toujours emballé par le passé.

Cet essai nous donne envie de connaître, de Métronome Technologie, le DAC, même gamme Classica mais convertisseur seulement.

 

Scène sonore :

Je choisis de commencer par la rubrique scène sonore pour une raison simple : ça va aller vite.

Elle est à la fois large, ouverte, proportionnée et permanente. Tous les disques écoutés pendant nos journées d’essai en ont témoigné ; mais puisqu’il faut bien en choisir un (ou deux. Ou trois), je commence par une bizarrerie :

Tancade, de Gaspar Claus, un « truc » inclassable bien fait, mélodiquement ou rythmiquement pas génial génial, qui charme néanmoins par l’ambiance et les arrangements rappelant par instant du Philip Glass (en moins abouti).

Musique néoclassique, parfois paresseuse mais qu’on écoute avec un intérêt plus soutenu quand on comprend - après s’être pas mal interrogé - qu’il n’y a qu’un seul instrument ! Un violoncelle. Les morceaux sont donc bâtis d’empilage de séquences, de pistes, blocs plus ou moins brefs, boucles et montages, quelques effets révélant des facettes très inhabituelles des possibilités sonores d’un violoncelle.

L’architecture sonore est soignée, habile, pouvant faire douter si on n’a pas le mode d’emploi, d’autant que l’instrument est utilisé sur un ambitus large évoquant parfois un alto.

Les placements sont donc majoritairement apostés en post-production, mais la scénographie, dans ce théâtre inventé, relève d’une minutie parfaitement agencée en trois dimensions ; qui plus est, pour certaines phases sonores, placées en dehors du cadre (latéral) des enceintes. Précision et extension que le Player 3+ réussit sans le moindre flou, la moindre imprécision ou tremblement.

Le Player 3+ Métronome souligne lors d’un bref passage par Jacques Dutronc (Il est cinq heures, Paris s’éveille) pimpant et emballé, un mixage foncièrement artificiel. On a l’impression que guitariste, bassiste (joyeux et animé), chanteur ou flûtiste génial ne jouent jamais dans la même pièce ni ensemble. La voix est très éloignée en fond par une réverb surdosée alors que le flûtiste, à droite en avant semble vouloir venir vous délabrer l’oreille.

Intransigeance confortée à l’écoute d’un disque consacré à trois compositeurs italiens du 20e siècle, inspirés eux aussi par le violoncelle (non ce ne sera pas une thématique !) à savoir Gian Francesco Malipiero (1882-1973), Giorgio Federico Ghedini (1892-1965) et Alfredo Casella (1883-1947) par Nicolay Shugaev, Dmitrii Prokofiev, violoncellistes, le Restov Academic Orchestra sous la direction de Valentin Uryupin.

Le boss va râler parce que c’est pas politiquement correct d’évoquer des musiciens de cette partie de l’orient, mais qu’y puis-je : on m’avait envoyé ce truc avant et j’avais commencé le test avant aussi.

Le premier mouvement du Concerto pour Violoncelle de Malipiero est ennuyeusement académique, pas loin de la musique au mètre.

Le deuxième mouvement renferme quelques belles idées d’instrumentation, tel ce beau dialogue initié par des flûtes babillantes, un cor inspiré, suivi d’un adorable échange entre bois et cuivres qu’un violoncelle lyrique semble survoler rêveusement - alors que situé plus au sol que bois et cuivres par Le Player 3+ -, ponctué par de lentes montées de cordes…

L’Olmeneta de Ghedini (Concerto pour deux Violoncelles et Orchestre) est bien plus prenant dès l’intro, à commencer par des figures harmoniques plus ouvertes, les répétitions de boucles en variations ondoyantes, situant plusieurs instants dans un mystère mélancolique qui hésiterait entre Debussy et Pettersson.

On est au spectacle grâce au Player 3+ si le système suit : les proportions des pupitres et divers solistes impeccablement respectées, cohérentes, même en hauteur (oui, je sais, c’est pas possible… Bon, pour ne pas polémiquer, disons en hauteur relative si vous préférez) révélant une acoustique de salle très équilibrée.

Les violoncelles se distinguent plus par le placement que par les couleurs et peut-être, alors que les résonances en sont matérialisées, manquent-ils un peu de corps…

… mais pas de lisibilité !

DIAMs 6 ORANGEs

LePlayer MetronomeTech 3

 

 

Réalisme des détails :

… En effet, Le Player 3+ sur le même concerto pour deux violoncelles adhère à toutes les particularités d’une partition garnie, pas tant en complexité mélodique qu’en trame orchestrale et Le Player 3+ fait partie de ces trop rares engins qui permettent à l’esprit de se promener au gré de la curiosité pour observer l’intervenant de son choix, sans la moindre mise en avant, extraction ou au contraire escamotage de qui que ce soit, et ce dans un long déploiements des enveloppes de chaque notes, évitant l’aspect clinique de nombreux convertisseurs prétendus analytiques. Le Player 3+, bien au contraire est finement attentif et « stylé ».

Extrait de la BO minimaliste souvent planante de Only Lovers Left Alive (film pas vraiment planant, mais ambigüe mimesis d’un romantisme désuet) réalisée par Sqürl (Jim Jarmusch en personne à la guitare) et Jozef van Wissem au luth, Sola Gratia implique un irréprochable boisé du luth tandis que l’acidité de la guitare électrique - dont les distorsions sont extrêmement documentées, longues et développées - est pile à l’intersection du crispant et du « jolie ».

Est-ce un cumul d’overdrive, disto et fuzz ? Je ne sais pas (je ne sais plus) mais les envolées en sont saisissantes, affichant une sorte de pureté alors que saignantes car, précisément plus saignantes que crades, imprimant une expression paradoxalement humaine et froide. La reproduction confirme le maître mot de l’écoute : élégance.

Suit The Taste of Blood, où la rythmique plombée, pour ne pas dire écrasante est impeccablement tenue tout en révélant un idéal détourage des divers intervenants, mis en place et en scène au cordeau par un travail de production appliqué, huilé, et surtout d’un goût admirable. La basse puissante s’engouffre à fond de tempo suivant une ligne qui se satisfait de deux notes ; que voulez-vous, quand c’est fait avec engagement, ça suffit à envahir la goinfrerie mélomane.

Pour affiner notre rapport perplexe à ce DAC/Lecteur CD, nous avons comparé deux visions de Méditation (Faist) sur ma Mort Future (est-ce le film de Jarmusch qui nous y a amenés ?) de Johann Jacob Froberger, œuvre composée au et pour le clavecin, lue d’une part par Gilbert Rowland et Akiko Kuwagata d’autre part.

Alors que la première version est déroulée par un claveciniste hautement réputé - et certes son approche est indéniable de profondeur et application expressive -, la livraison profondément recueillie déposée à nos oreilles par l’artiste japonaise implique au sens premier une « méditation » développée en une minute et 20 secondes supplémentaires (5.42 mn contre 4.21).

Comme s’il y avait un hasard (et en l’occasion, la concordance est dérangeante) la captation du noble clavecin de Rowland est trop, comment dire ? … Balèze ? forcissant les traits d’un instrument fragile pour le porter au pinacle d’un Steinway, erreur fréquente sur les prises de son du Harpsichord.

Là où la prise de son de l’instrument de Madame Kuwagata est bien plus plausible, bénéficiant de magnifiques glissements des sautereaux en « caresses de plume », quand bien même le terme n’est pas adéquat, favorisant la différence d’approche qui n’est pas que de tempo mais tout autant de sensibilité face au sujet complexe évoqué avec gravité et résignation par ce grand voyageur du baroque frappé par la mort de son mentor.

Le Player 3+ creuse à fond le sillon des écarts aussi bien de ciselé ou d’aplomb physique que d’expression entre les deux éclairages d’une œuvre qui peut aussi bien être profondément intérieure qu’extérieurement exercice de style.

La préciosité permanente qui caractérise la reproduction, via le convertisseur Métronome, favorise bien évidemment ce genre de musique.

Afin d’éprouver la qualité de lecture CD, nous sommes passés par un instant de délectation avec Adam Laloum dans un disque de premier ordre consacré à Schumann, à commencer par La Grande Humoresque Opus 20, 2013 chez Mirare, et ce par trois niveaux de visionnage.

Fichier HR chez Qobuz en streaming (par opposition à fichier stocké sur notre serveur) : l’interprétation supérieure de Laloum - d’une diaphane délicatesse sur ces épisodes « hors sol » du prussien moderne torturé hyperromantique hypersensible hypocondriaque – est immédiatement perceptible en HR où la pureté des timbres est élevée par la diversification des attaques de notes particulièrement chamarrée. Du début de chaque phonème, ou accord, à son épanouissement harmonique, son extinction naturelle et l’enchaînement naturel à la suivante, tout y est, tissant le lien poétique entre les contrastes nombreux des « Stimmung » qui quintessencient l’œuvre.

En passant au fichier FLAC non compressé issu du CD, disparaissent certes quelques infimes prolongements des notes, ou informations d’atmosphère ou résonances de l’instrument majuscule… Rien pour autant qui bouleverse l’interprétation infiniment « féminine » au sens de contradictoire (euh…).

En lecture CD, une partie de la grâce s’effondre, le piano s’épaissit… Oh, certes, le jeu de Laloum reste magistral, mais son Steinway est arrondi d’épaisseurs pas tout à fait justes, relativement savoureuses mais graissant l’ensemble d’une onction étouffant quelque peu la liberté aussi bien expressive qu’harmonique. L’achèvement méticuleux fait place à une beauté chaleureuse un peu empruntée.

Afin de clarifier notre propos : autant nous avons affaire, avec Le Player 3+, à un convertisseur entièrement à son aise dans une gamme de prix déjà élevé, autant notre jugement eut été plus sévère si nous avions eu affaire au lecteur CD seul.

En lecture CD

DIAMs 4 ORANGE.2

 

 

DAC :

DIAMs 6 ORANGEs

 

 

 

Qualité du swing, de la vitalité, de la dynamique :

En ce qui concerne le swing, rien à reprocher.

On aurait pourtant pu douter en écoutant le dernier Marc Turner, Return from the Stars.

Un disque assez vite agaçant, pas tant par carence d’idées de la part de Turner (saxo ténor) et Jason Palmer (trompette) mais parce que la rythmique est complètement à côté de la plaque entre un batteur en mode énervé - qui en met de partout et dans n’importe quel sens sans écouter un seul instant ses partenaires, chargeant tellement sa partition par des mitraillades incessantes que l’ingénieur du son l’a embastillé dans un espace totalement improbable - et Joe Martin, un bassiste pourtant pas mauvais, qui ne trouve absolument pas sa place entre des partenaires ne partageant que quelques très rares phases de fusion.

Ce complet désordre déboulonne définitivement toute approche de swing alors que Le Player 3+ fait ce qu’il peut, notamment en mettant en lumière le travail de chacun ; rien qui puisse sauver la pauvreté musicale du résultat.

Ce désastre artistique déclenche l’envie immédiate de retrouver la lumière, et profiter de la réédition en HR des deux albums enregistrés par Ornette Coleman, Something Else !!!! (mars 1958) et Tomorrow Is the Question (entre janvier et mars 1959) pour Contemporary Records.

Le premier avec Don Cherry, Walter Norris (piano), Don Payne (contrebasse), et Billy Higgins.

Le second avec Don Cherry, Percy Heath et Red Mitchell (contrebasse), Shelly Manne (batterie)

Eh bien voilà : ça dépote, ça décoiffe, ça groove à chaque note, ça emballe l’auditeur comme l’Italie de Mastroianni a fait rêver plus d’une bourgeoise (ce qui vaut pour Gina Lollobrigida chez les bourgeois) et renvoie Mark Turner (que l’on connaît par ailleurs plus inspiré, j’ai d’ailleurs un excellent souvenir d’un concert il y a… je ne sais plus, trois ans ?) vers les bancs du conservatoire.

Entre Blues et Bop, avant l’inspiration Funk, Something Else !!!! (clin d’œil appuyé à un célèbre collègue ?) sidère par l’énergie, l’euphorie créative barrée mais implacablement contrôlée (on n’est pas encore dans les élucubrations du free) ; énergie et inventions sont partout : dans les dialogues des thrillers ou pochades que racontent Don Cherry et le jeune (quoi que) Coleman médusants de phrasé, soit dans une totale unité harmonique soit en échanges circonstanciés ; dans les interventions décontractées de Walter Norris dont la main droite ne semble pas avoir de limite entre agilité et affirmation, ou encore dans l’urgence joviale d’une rythmique qui va créer, hélas, des codes fatigants dans les pattes de tous ceux qui n’ont pas évolué depuis mais ici écrivaient les fondamentaux de la « rythmique américaine ».

Le Player 3+ est à même de prouver que le blues (When will the blues leave ? par exemple) peut – à travers sa simplicité d’accords – prendre mille formes passionnantes, ce dont je parle d’autant plus volontiers que le blues moderne codé (de Rory Gallagher ou Johnny Winter à Robben Ford) me casse fondamentalement les pieds. Surtout Robben Ford.

Passage à l’album qui va révéler Coleman et exciter l’ire des Coltraniens : Tomorrow Is the Question. Le changement de son explose sous la lumière du Player 3+, aussi bien par la répartition beaucoup plus vraisemblable des virtuoses dans l’espace : quand, dans Something…, Contrebasse/Batterie/Piano tenaient la droite et trompette/saxo la gauche (personne au milieu), ils occupent une scène large et respirante dans le second où le corps et le malaxage des matières prennent une tout autre dimension.

Dans l’un autant que dans l’autre, le swing relève de l’anthologie, avec une section rythmique plus groovante dans Tomorrow, et des solistes plus chien et chat par rapport à l’unité miroir de Something…, toutes variantes, personnalités, implication artistique que Le Player 3+ élucide aisément.

Je ne sais pas si dans le domaine il est un champion mais, indubitablement, on ne ressent aucune insuffisance, aucune frustration, et si on peut espérer plus, on ne le saura que par comparaison.

Est-ce à dire que ce la partie conversion est sans tache ? Ah…

Nous arrivons là au moment d’analyser une singularité que nous avons eu beaucoup de mal à comprendre dans la personnalité de ce très intéressant objet.

L’explication est venue à l’écoute de l’album Riptide de Robert Palmer (aucun lien avec Jason Palmer. Oui, un banc d’essai fait de jeux de miroirs) en 1985 (après donc que je l’aie rencontré).

Autant le titre éponyme est délicieux, balançant, décalé, disséminant une forme dégingandée d’ébriété sous contrôle, telle la joie au ralenti d’un dandy délicatement ivre dansant gracieusement d’un réverbère à l’autre, dont la démarche élastique et arythmique est apposée par le grave présent, incluant le poids – sans embonpoint - d’une grosse caisse de cortège funéraire swinguant à la nouvelle Orléans, autant les passages plus crus, rocks, griffus (snobs aussi ! On parle de Robert Palmer tout de même, pas de Nightwish. Groupe à ne surtout pas négliger) tel Addicted to Love - accompagné d’au moins deux des musiciens restés fidèles après l’aventure The Power Station – instillent une frustration antithétique …

Soit, le détourage et l’énergie des musiciens sont excellents ! Cependant apparait, sur ce genre de musique à la fois baraquée et concentrée, une carence de poussée dans le bide, possiblement due à une trop extrême décantation dès lors que la cargaison est drue. Si la batterie de Tony Thompson est rapide, tendue, la ligne de guitare (Andy Taylor) nerveuse et l’ensemble nourri de petits jeux de dynamique interne, procurant beaucoup de vie, manque une constance de poids sur la base rythmique qui déséquilibre la dynamique.

On a poursuivi, précisément, avec The Power Station (les musiciens de Duran Duran et Robert Palmer au chant) – un disque pas subtil subtil mais qui envoie du plomb en fusion, les musiciens pas foncièrement virtuoses compensant par l’exhibition fitness - où se précise que, sur les segments pêchus, le raffinement dégraisse exagérément une vitalité par ailleurs indéniable, mais où charpente et appuis de densité font défaut.

Il nous a fallu beaucoup de temps pour comprendre ce que nous percevions comme une gêne pas suffisamment évidente pour être rédhibitoire, les qualités d’expressivité du Player 3+ étant assurément robustes.

On remarquera ce phénomène sur la dynamique, épanouie, très progressive et nuancée d’un grand orchestre, telle la très intéressante proposition de la troisième symphonie « Rhénane » de Schumann par Sakari Oramo à la tête du Royal Stockholm Philharmonic, un peu moins aventureuse que les deux premiers volets, néanmoins somptueuse, avenante et voluptueuse entre les mains du Player 3+.

Sur les épisodes de grande amplitude où tous les pupitres se lâchent, on perçoit le même allégement - très relatif – de la corpulence des matières dans une zone basse du médium (environnement violoncelles, contrebasses, cors…).

Cette particularité qui empêche le sans-faute est, on s’en doute, moins perceptible en lecture CD, exactement pour les mêmes raisons que précédemment : la simplification générale des profils d’attaques de note et de l’effusion harmonique enrobe et enjolive.

DIAMs 5 ORANGEs

 

LePlayer MetronomeTech 4

 

Richesse des timbres et équilibre tonal :

Comme relaté plus haut, il nous a fallu longuement chercher pour comprendre un ressenti parfois surprenant sur les timbres, la sensation de quelques zones suréclairées, « blanchies », qui correspondent donc plus à une perfide variation tonale dynamique.

Tout cela à prendre avec des pincettes puisque le même épiphénomène peut aussi s’intégrer à merveille dans d’autres combinaisons, comme nous l’avons constaté, multipliant la précarité de l’analyse sans pouvoir en tirer des constantes.

Ne passez surtout pas à côté de ce formidable appareil pour ce qui est une réserve non pas formelle mais de précaution !

Ce serait bien dommage parce que, à côté de ça, le convertisseur livre une grande variété de couleurs : là encore le maitre-mot est élégance, une sorte de soyeux qui n’est pas de lenteur mais de foisonnements, colorimétriques comme dynamiques.

Le Royal Stockholm PO nous fait une démonstration de teintes et de souplesse où aucun pupitre n’est en reste, ce que Le Player 3+ se fait une joie de célébrer et tant pis si la moindre consistance de corps peut parfois surexposer les instruments « hauts ».

Ce qu’on ne remarquera pas sur le fort beau piano d’Adam Laloum précédemment cité !

Ni sur Bloodline, de Gabriels où la voix magnifique de Jacob Lusk prospère d’une articulation et élocution admirables qui évoquent quelques seigneurs du gospel… Ah, pardon : dans le Gospel, il n’y a qu’un seul Seigneur.

Ça aurait pu être un beau moment si le Métronome avait été un peu plus conciliant envers un mixage pas très finaud.

Puisque, si tout le talent expressif du chanteur est bien là (Innocence), si les cordes pleurent à souhait sur la complainte, ils ne sont pas assez poignants, ramenant l’ensemble à un engagement global plus artificiel que sincère, sous l’erreur d’une production qui compte trop sur le chanteur en survolant unanimement le reste, notamment par la faible intensité expressive de sons pauvrets, peu habités, pas du tout incarnés. Un travail bâclé que l’intransigeant Player CD 3+ ne soulage pas.

Tandis qu’il nous permettra d’admirer le vibrato de Kelsey Lu (Blood en 2019, on dirait décidément que je travaille par associations d’idées) et même la suavité des arrangements, transcris avec distinction et plasticité, faisant fi de la petite coquetterie de répétition des couleurs en haut du spectre.

Timbres

DIAMs 5 ORANGE copie

 

 

Equilibre tonal

5 ORANGEs copie

 

 

 

Expressivité :

Tous les ingrédients sont réunis dans les rubriques précédentes pour faire espérer un engagement expressif de l’appareil Métronome Technologie.

Et c’est bien le cas.

Alléluia !

Sur l’album Let Love In (1994) Nick Cave a marqué les esprits avec Red Right Hand

Tout ce qui fait le charme (vénéneux ?) de ce titre à commencer par le timbre de voix, la gorge, la gouaille, l’intention rageuse du poète australien est forée façon injection intracardiaque. Le reste balance merveilleusement. Les petits claquements du début très matérialisés (certes pas engagés par la dynamique, donc trompe-l’œil), tout comme la mise en scène globale, comment ne pas être emportés par ce petit bijou de cœur, de mordant, d’ironie qui aurait pu trouver sa place dans le film de Jarmusch !

La grosse caisse de grand orchestre qui ponctue le riff d’orgue désuet revêt une profondeur déliée, peau et développement harmonique de la résonance très réalistes, tendue mais ample, tenue et ouverte.

Et sur l’album le plus sensible de Sinéad O’Connor, Universal Mother, (1994) Le Player 3+ distille dans nos veines toute l’ambiguïté fondamentalement sensible du titre final - intensément bouleversant quémandant la sensibilité d’un système musical, trop souvent misérabiliste organe de transmission médiocrement technique - Thank you for Hearing Me qui veut exorciser la séparation avec Peter Gabriel, probablement un des plus sublimes éclairs de déclaration passionnel de toute l’histoire des amours dans la musique, désornementée (néologisme sans ambiguïté, n’est-ce pas ? ) de la parure opératique.

Dès lors, on s’en fout de la possible faiblesse, dans quelques combinaisons sur lesquelles il est urgent de s’interroger, d’une zone limitée de la « justesse ».

Sachant que, le même disque, lu en CD, nous bouleverse moins, oui, bon…

DIAMs 6 ORANGEs

 

 

 

Plaisir subjectif :

Cas de figure peu fréquent, c’est peut-être sur ce point que notre avis est le plus hésitant.

Nous, on a été comblés par ce qu’on écoutait mais dans les cas bien sûr où la combinaison était optimale. Par exemple avec le couple Alef et les AVA 2, ou les Living Voice.

Comme cela arrive sur des appareils qui offrent de grandes qualités expressives, on n’éprouve pas le besoin de comparer et si on l’a fait quand même, l’expérimentation n’a pu que justifier une hiérarchie cohérente entre notre sélection d’appareils et le Métronome.

En revanche, il y a eu aussi les compositions de chaîne dans lesquels le déséquilibre dynamique était quasi-rédhibitoire, et, comme nous l’avons expliqué, sans pouvoir tirer des conclusions sur ce qui soudainement devenait excluant, ou définir une typologie particulière d’une enceinte ou d’un ampli pour étayer une thèse.

Cette sociabilité à géométrie variable est d’autant plus regrettable que nous n’étions pas loin de décerner un Diamant sur Canapé à cet objet. Mais ajoutée à des qualités un peu en-dessous en lecture CD, elle nous en a retenu.

DIAMs 6 ORANGEs

 

 

Ou

6 ORANGE copie

 

 

 

Rapport Qualité/Prix :

A condition d’intégrer l’idée de bien cerner l’environnement idéal, la question ne se pose plus : le Métronome Technologie Le Player 3+ entre dans la petite poignée des lecteurs d’exception dans cette catégorie de prix.

Donc :

DIAMs 6 ORANGEs

 

LePlayer MetronomeTech 1

Banc ecoute