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Par LeBeauSon - mars 2018


Dans la liste des caractéristiques techniques des enceintes acoustiques apparait une donnée qui n’est pas forcément parlante pour tout le monde, à savoir :
Ha, le rendement…
Parfois exprimé aussi sous le nom de « sensibilité ».

Afin d’éviter immédiatement la confusion, notez qu’il n’y a pas encore de mesure de la sensibilité émotionnelle ; par conséquent, ce qui suit n’a aucun rapport avec la capacité d’une enceinte à vous coûter plus cher en mouchoirs qu’en disques.

Le « rendement » est de ces spécificités annoncées à côté de « puissance admissible » et considérée comme une valeur aussi sûre que les dimensions ou le poids de l’enceinte, tout en étant aussi douteuse que “la puissance admissible”.

Avouez que ça commence bien.

En vérité, même lorsqu’on a assimilé le principe de la mesure du rendement d’une enceinte, il faut bien comprendre que ce principe est loin :

  • 1 : d’être toujours fiable
  • 2 : de répondre à toutes vos questions concernant la compatibilité de l’enceinte concernée avec tel ou tel amplificateur
  • 3 : de vous donner une idée de ce qu’elle est capable de défendre musicalement.

Ce dernier point parce que vous lirez, çà et là, des avis tranchés dans un combat (de tranchées ?) opposant les partisans du haut-rendement contre les zélateurs du bas-rendement.

Nous allons donc vous expliquer le plus clairement possible (il y aura des plaintes !) ce que représente cette donnée (le rendement d’une enceinte acoustique, restons concentrés svp), les incertitudes qui l’environnent et pourquoi, pour l’interpréter et en tirer parti, il vaut mieux se rendre dans un magasin spécialisé compétent plutôt que de compter sur des infos tombées du net (pas si net) ou de sites éhontément simplificateurs.


Alors que signifie le rendement d’une enceinte ?

Il s’agit d’une valeur de référence mesurable qui exprime la pression sonore (le niveau sonore si vous préférez) que produit une enceinte à une puissance électrique déterminée à l’avance délivrée par l’amplificateur.

Afin de normaliser cette donnée, on procède de la façon suivante :

  • Un micro est placé à 1 m de l’enceinte
  • On envoie aux bornes de l’enceinte une puissance de 1 watt électrique.
  • On mesure la pression obtenue.

Comme toute pression en physique, on devrait l’exprimer en Pascal mais non : on la mesure en décibels et plus précisément en nombre de décibels pour 1 watt à un mètre.

Abrégée en X dB/W/m.

Pour info : 1 Pascal = 94 dB.

En quoi cette donnée (le rendement, pas les Pascal) est-elle importante ?

Tout d’abord il faut savoir qu’un écart de rendement de 3dB entre deux enceintes différentes impose une production énergétique deux fois supérieure demandée à l’ampli pour égaliser le niveau.

Comparons une enceinte acoustique dont le rendement est 94/dB/W/m à une enceinte dont le rendement est 88 dB/W/m soit 6 dB d’écart.

Pour obtenir 94 dB sur la première, il faut 1 watt électrique, alors qu’il faut 4 W pour la deuxième.

Pour une enceinte dont le rendement est 85 dB il faut 8 W, histoire d’être clair.

On commence à entrevoir l’importance de cette indication : associée à la puissance que l’enceinte peut accepter avant distorsion excessive ou risque de casse, elle est un indicateur de la pression maximale que la chaîne pourra émettre.

Si nous continuons cette comparaison, et sachant qu’il faut doubler la puissance (2 x X watts) pour grimper de 3 dB nous obtenons :

Enceinte 1                                          Enceinte 2

1 W : 88 dB                                       1 W : 94 dB

2 W : 91 dB                                       2 W : 97 dB

4 W : 94 dB                                       4 W : 100 dB

8 W : 97 dB                                       8 W : 103 dB

16 W : 100 dB                                   16 W : 106 dB

32 W ; 103 dB                                   32 W : 109 dB

64 W : 106 dB                                   64 W : 112 dB

….                                     

Abaque qui commence aussi à expliquer les catégories que l’on voit apparaître çà et là : enceinte à bas rendement, enceinte à haut rendement etc…

Oui : nous avions évoqué la guéguerre ci plus haut dessus. Cherchez bien.

Ça commence à devenir plus clair cette histoire de rendement ?

Non ???

Bon. Tant pis. Continuons :

Y a-t-il une vraie norme définissant où s’arrête le bas rendement et (ou) où commence le haut rendement ? Pas vraiment.

Mais admettons par exemple qu’on considère qu’en dessous de 92 dB/W/m on est dans le bas rendement et au-dessus de 96 on est dans le haut-rendement (chacun bougera le curseur selon son envie) on constatera avant tout que bon nombre d’enceintes est dans une sorte de moyenne domestiquement acceptable.

Quoi qu’il en soit, à partir de ces données, on devrait pouvoir se créer une petite échelle d’association amplificateur / enceinte pour contourner les aberrations.

Ainsi une enceinte de rendement bas associée à un ampli de faible puissance ne pourra atteindre qu’un niveau maximal limité et, théoriquement encore, une dynamique moins étendue.


Mais est-il important de pouvoir atteindre des niveaux sonores élevés ?
Encore une question qui conduit à une réponse ambivalente. D’abord, ça dépend de vos envies.

Cependant, on constate aussi que parfois, écouter fort est le seul moyen d’avoir des sensations, quand l’ensemble ampli / enceinte n’a pas grand-chose à dire.

On peut aussi partir du postulat qu’un couple ampli / enceinte capable de franchir les 105 dB sans effort sera en pleine zone de confort à des niveaux raisonnables, distordra moins, sera plus stable en équilibre tonal et scène sonore.

Oui mais, certaines enceintes à rendement faible encaissent des puissances phénoménales sans broncher. Or, il existe des amplificateurs capables de livrer des milliers de w(h)att sans broncher davantage.

Donc une pression acoustique élevée est atteignable avec du bas rendement et sans distorsions marquées. Sans broncher.

Soit mais, à force de ne pas broncher, est-ce qu’on exprime encore quelque chose ?

Prenons par exemple Jason Statham, Steven Seagal, Jean-Claude Van Damme, Gerard (Gérard ????) Butler, Vin Diesel, un héros de cinéma avec des gros muscles : il encaisse les coups sans broncher, mais exprime-t-il quelque chose ? A part « honkkrrrr » ? Ce qui, musicalement correspond à… euh… du mauvais rap ? Celui qui glorifie les grosses bagnoles avec des gros pneus et des jantes en diamants, les chaînes en or et les demoiselles pas farouches mais très vulgaires. Le rap qui n’a rien compris au rap et tout compris au libéralisme. Si si, ça existe.

Une enceinte peu gourmande en testostérone exigera moins de l’amplificateur et donc lui permettra de fonctionner dans de meilleures conditions. Sans tomber dans la pâmoison du poète béat, mais dans la justesse de l’équilibre.

Donc ça compte. Mais est-ce si simple ? Non, bien sûr.
Si votre serviteur, Tonton Sérieux, sollicité par son ami Lebeauson, était parfaitement impartial, ça serait aussi ennuyeux que la moyenne de la hifi.

Non bien sûr …
parce qu’il y a aussi des enceintes dont le rendement est élevé mais qui saturent vite ou perdent l’équilibre (tonal) à la première pichenette dynamique.

Et enfin : non bien sûr, ne serait-ce que parce que la notion de haut ou bas rendement n’est pas qu’une question de chiffres mesurés.

Techniquement si (j’entends déjà les râleurs). Mais non.
Car en pratique, on peut aussi parler d’une pensée, un état d’esprit lors de la conception.

Par exemple, un des musts des audiophiles, le petit haut-parleur FE83 Fostex, monté dans une charge simple et saine, est dans l’esprit du haut-rendement, large-bande : pas de filtre, charge TQWT ou petit pavillon arrière (des termes que nous expliquerons lors de futurs tutoriels, mais on ne vous interdit pas de poser des questions). Pourtant à l’arrivée, le rendement est faible, de l’ordre de 88 dB, parce que le HP est tout petit et brasse peu d’air.

Pourtant, envisager ce vaillant petit bonhomme avec un amplificateur mono-triode de faible puissance - vous avez peut-être entendu parler, entre autres, des fameux amplis équipés de tubes 300B qui développent 8 W par vent favorable et font se pâmer de nombreux audiophiles (dont votre serviteur) ? - n’est pas absurde.

Certes on n’aura pas de quoi sonoriser le Festival des Vieilles Charrues ou le Hellfest, mais la vitalité, la richesse dynamique (si l’ampli est bon car la 300B n’est pas toujours magique) pourront parfaitement y retrouver leur compte. Avec une pureté et un naturel sidérants. Pas de grave, pas d’aigu, pas de corps sinon tout le monde le ferait. Mais la vie, la sensualité, oui.

Alors que, parallèlement, des enceintes considérées comme à haut-rendement sous prétexte qu’elles utilisent des chambres de compression (JBL K2 par exemple) ont un rendement qui ne dépasse pas celui du transducteur le plus faible, soit un 38 cm chargé en bass-reflex et dont l’équipage mobile est plutôt lourd pour descendre en fréquence dans un volume pas encore cinglé. Résultat : 92 dB de rendement.

Certaines enceintes annoncées avec des rendements très élevés, comme les Klipsh de la série RF, obtiennent ces résultats par l’emploi de haut-parleurs de grave soit nombreux, soit de fort diamètre, soit les deux, et de HP médium et aigu dopés par des pavillons avant (en gros des porte-voix sophistiqués). Peuvent-elles se contenter de petits amplis vifs et réactifs mais pas puissants ? Non ! Sont-elles rapides comme le laisse supposer leur rendement annoncé ? Non ! Plutôt dans le confort roboratif.

Enfin, prenons des enceintes réellement à haut-rendement, utilisant des pavillons avant chargeant des chambres de compression hyper rapides, des 38 cm légers par exemple montés eux aussi en pavillon, etc… et affichant plus de 105 dB de rendement.

Peut-on facilement et impunément les mettre en œuvre avec un superbe mono-triode 2A3 (hum : un truc à l’ancienne avec des qualités harmoniques dont vous n’avez même pas idée. Sauf si vous vivez avec une cantatrice. Talentueuse. Ou une violoniste. Talentueuse. Ou un cantateur, si vous êtes une femme. Ah tiens, un mot qui n’existe pas au masculin ?) qui s’époumone à 3 W (l’ampli, pas la cantatrice) ?

Pas sûr. Pas n’importe lequel en tout cas. Pour des problèmes de mise en mouvement d’un 38 cm chargé dans un pavillon - soit un gros volume d’air à mouvoir -, d’impédance acoustique, de structure de filtres, de compensation de rendements entre HP, etc…

NB : A chaque fois que j’emploie un terme technique, je mesure la quantité de boulot qui me reste pour les expliquer. A 1 m et 1 W.

On comprend donc que le rendement est un indicateur insuffisant, un chiffre qui, à l’instar des puissances annoncées en Watts ne raconte rien à lui seul.

Et d’autant moins qu’il faut aussi évoquer la validité ou caution des données affichées dont on ignore le plus souvent le protocole, sachant qu’il n’y a pas d’obligation de normes ou qu’en tout cas bon nombre de fabricants s’accommodent bien volontiers du flou.

On notera en premier que le rendement est présenté de deux façons :

  • X dB/W/m, soit X décibels pour 1 watt délivré par l’amplificateur, résultat mesuré à 1 m de l’enceinte
  • X dB/2.83V/m, idem mais pour 2.83 Volts délivrés par l’amplificateur

Est-ce la même chose ? Oui et non.

Les habitudes de mesure sont calibrées sur une impédance de sortie 8 ohms, comme par exemple pour annoncer la puissance d’un amplificateur. Ainsi lit-on souvent puissance nominale 50 W sous 8 ohms. Quatre termes à expliciter en une seule phrase. Rendez-vous à plus tard.

2,83 V sous 8 ohms dissipent effectivement 1 Watt. Donc si l’enceinte a un module d’impédance de 8 ohms (en général c’est indiqué aussi), 2,83 V ou 1 Watt ça en revient au même.

Mais si l’enceinte a un module d’impédance de 4 ohms, 2.83 V ne font plus 1 W.

Alors, si pour une enceinte d’impédance donnée pour 4 ohms on annonce un rendement de 90 dB/W/m, on doit supposer que la puissance délivrée par l’ampli a été ajustée (doublée). Autrement dit, si on ramène la mesure à 2.83 V, le rendement réel de l’enceinte est 87 dB/W/m.

Hum… Compris ?

Non ? En bref : une enceinte annoncée pour 92 dB/W/m impédance 8 ohms, considérez que c’est compréhensible. Une enceinte annoncée 92 dB/W/m impédance 4 ohms, c’est sujet à caution. Et à l’arrivée ça veut souvent dire : 89 dB/W/m rapporté à 2.83 V.

On pourrait dire que ça n’a pas d’importance puisque théoriquement un ampli qui délivre par exemple 50 W sous 8 ohms est censé en délivrer 100 sous 4 ohms.

Trop facile, car il est important de noter que rares sont les amplificateurs de 50 W sous 8 Ohms qui génèrent vraiment, conformément à la théorie, 100 W sous 4 ohms et 200 W sous 2 ohms.

Sans parler des amplis à tubes dont la puissance délivrée est identique sur les différentes sorties (4/8/16).

Que nous apprennent ces chiffres alors, à condition d’avoir toutes les données ?

Au premier degré, ils donnent les besoins électriques d’une enceinte pour atteindre une certaine pression acoustique, comme expliqué précédemment et aussi les difficultés que l’ampli va devoir affronter. Porter 20 kgs sur les bras, ça va, 40, ce n’est plus tout à fait pareil. Sauf peut-être pour Jason Statham, Steven Seagal, Jean-Claude Van Damme, Gerard (Gérard ????) Butler, Vin Diesel. Honkrrr ?

On supposera donc facilement que le comportement de la plupart des amplificateurs n’est pas le même quand ils doivent produire 16 W ou 64 W.

Car évidemment les jolis graphiques ne disent pas tout. Si beaucoup d’enceintes à rendement faible sont capables d’encaisser des fortes puissances souvent pour les mêmes raisons qu’elles n’ont pas de rendement (répartition du signal sur de nombreux haut-parleurs, petits diamètres et/ou équipages mobiles lourds, forts débattements parfois même par manque de tenue de charges excessives, bobines larges et longues, ferrofluide, filtrages complexes à pentes raides protégeant les HP), elles sollicitent plus rudement les amplis et surtout interdisent l’usage de quelques perles de la reproduction musicale, axées sur la sensibilité (au sens émotionnel cette fois), les nuances ou subtilités de divers ordres.

Ainsi un ampli mono-triode 300 B de 8 W (encore lui ? Oui, c’est une référence !) sur une enceinte 4 voies de 88 dB ne va certainement pas donner le meilleur de lui-même quand le résultat ne sera pas tout simplement ridicule car totalement déséquilibré du fait de l’inertie que l’enceinte impose au signal qui la traverse. Ou encore de très beaux amplificateurs Classe A de puissance moyenne seront dépassés par des enceintes goinfres.

On ne demande pas à un karting de tirer une caravane et encore moins une remorque de 30 tonnes.
J’y songe : et une enceinte 4 voies, ça vous cause ?

Le rendement d’une enceinte (à condition que la donnée soit juste et compréhensible) ajoutée à son architecture globale et les matériaux employés pour les cônes, est aussi un indicateur, intuitivement ou à force de nombreuses écoutes, comparaisons ou autres, du caractère global d’une enceinte. Pas infaillible, soit, mais on peut quand même dégrossir l’approche.

Vous ne comprenez rien à mon charabia ? On vous a prévenu depuis le début : adressez-vous aux professionnels de la profession. Un auditorium compétent vous expliquera les finesses de la chose.


Allez, on continue :

Autre zone de flou : il y a beaucoup à dire sur la justesse des mesures parce que sans même parler de lire une courbe pondérée (comment dire ?... La courbe mesurée d’une enceinte sans pondération correspond en gros aux moments où on vomit dans un manège de montagnes russes en sortant d’un repas de mariage, au Nouvel An), elle suppose que le module d’impédance soit linéaire à 8 ohms ou 4 ohms par exemple et ça évidemment ça n’existe pas. Une impédance de haut-parleur et à fortiori celle d’une enceinte est tout sauf linéaire et certaines irrégularités ne plaisent pas forcément à tous les amplificateurs (pensez aux montagnes russes). Quant aux enceintes dont les modules d’impédance sont linéarisés par moult composants dans le filtre (cellules appelées « correcteurs d’impédance »), inutile de dire que si la méthode crée de jolies courbes, la traversée du filtre relève du marécage. Dans « le salaire de la peur », après l’explosion de la nitroglycérine.

Il conviendrait également de connaître les protocoles pour avoir des comparaisons parlantes : milieu anéchoïque ou semi-anéchoïque, 1kHz en sinusoïdale, signal continu ou impulsion, bruit rose etc…

Bref, d’une part nous connaissons rarement le détail des mesures mais en plus le rendement annoncé ne permet pas tirer des conclusions pratiques gravées dans le marbre.

En résumé. Ou conclusion. La hifi ne tient pas dans les chiffres.
Ni en 2724 mots.

Honkrrr.

Banc ecoute