ÉPICURE





Banc d'essai : la Crash en Audi A4

par LeBeauSon - mars 2021


À la création de ce site, nous avions l’intention de ne pas nous adresser aux seuls férus de haute-fidélité ou musique, mais bel et bien aux amateurs de toutes formes d’art de vivre.

D’où la rubrique « Epicure » dont, il faut bien l’avouer, nous nous occupons trop rarement.

Et donc, bien conscients que nous sommes un peu à la traîne, nous avons décidé de compenser par le spectaculaire.


Aussi ai-je testé pour vous :

Les systèmes de sécurité et protection d’une Audi A4 toute neuve !

Eh oui : la direction ne recule devant aucune dépense !

Aïeeeuuu

Pas une moitié de test donc, ni de la théorie ! Un vrai test en live.

Permettez-moi de vous narrer les circonstances.

Parti un matin - début août, les vacances, youpi - de mon hôtel situé en France à quelques encablures de Basel (une ville magnifique où toutefois le degré de bagnoles renvoie l’Audi de mon test du côté des vélos), j’avais passé une belle journée à arpenter la belle ville de Zürich où, soit dit en passant, j’ai été surpris de voir l’absence totale de précautions Covid : en dehors des transports, zéro masque, y compris dans les magasins pourtant achalandés ou les restaurants bondés, personnel comme consommateurs !

Marche de plus de 5 heures dans les ruelles ou sur les berges du lac, par un bon 35/38° à l’ombre, chapeau sur le crâne pour protéger mon cerveau toujours bouillant (hihi), rafraichi régulièrement à coups de deux litres de flotte sachant qu’une fois la première bouteille d’eau achetée, on trouve des fontaines partout dans la ville pour la remplir continuellement.

Je reprends donc mon véhicule - une Audi A4 TFSI toute neuve (2 mois et 3 800 kms), bourrée d’options - dans un parking situé sous un sympathique théâtre. Rentrer à mon hôtel en France demandait théoriquement entre 1 h 30 et 1 h 40 de route par l’autoroute suisse. Vignette achetée le matin même. Faut pas plaisanter avec la maréchaussée helvète.

Sauf que… Je tombe dans un embouteillage monstrueux à la sortie de Zürich et le temps s’accumule, s’accumule sous un cagnard violent.

Fidèle au précepte qui veut qu’on ne demande pas à la clim un différentiel dépassant une dizaine de degrés, voire moins, et sachant que le thermomètre Made in Germany indiquait une température extérieur oscillant de 35° à 38° (à l’ombre, et sur une autoroute, on n’est pas à l’ombre), j’avais réglé la clim automatique à 24°…

Bref, alors que j’étais en pleine forme en quittant la ville, l’agacement commençait à me peser un peu. Mais bon, encore au tout début de mes vacances, j’étais décidé à rester zen.

Un embouteillage kilométrique n’était certes pas le meilleur moyen de tenir le défi que je m’étais fixé, à savoir consommer le moins possible pendant les quelques 5 000 kms que prévoyaient mes divers déplacements estivaux. Or, 1 800 kms après le départ, j’en étais à 5.6 litres au 100, conduite tranquille au régulateur et le plus souvent l’auto confiée au mode prédictif, celui qui lit les panneaux et s’adapte tout seul aux zones de vitesse (faisant fi de la pression des énervés qui grognent quand on roule vraiment à 30 km/h dans les zones protégées ou à 80 sur la majeure partie du réseau gratuit !)

Passée une distorsion anormale du temps, j’avoue que l’accablement commençait à grimper, mais il ne me restait alors qu’environ 20 mn avant l’hôtel par des petites routes de campagne sympa.

Mais voilà… Est arrivé le moment où…

… franchissant une voie de chemin de fer en sortie du village qui marque la frontière franco/suisse, je ressens tout à coup une brutale montée de chaleur en moi, dégouline de sueur en quelques secondes et comprends que ça ne va pas du tout.

Tu dois t’arrêter immédiatement ! – songé-je aussitôt. Mais, levant les yeux vers le rétro, je vois une petite voiture rouge qui me colle au train et j’ai à peine le temps de me dire : bon sang, pas de talus pour me garer, et si je pile il m’emplafonne !

… et hop…

… voile blanc ; un flash plutôt…

… vaguement somnolent, je discerne une voix qui répète :

- Monsieur, est-ce que vous m’entendez ?

C’est à moi qu’il cause ?

- Monsieur, est-ce que vous m’entendez ?

Oui je t’entends ; pourquoi tu me demandes ça ?

Et puis la même voix dit :

- il ne répond pas…

Qui ça ?

Alors une autre voix plus nasillarde demande, avec un sérieux de Pape :

- a-t-il des blessures apparentes ?

??? Bonjour Madame… Mais qui êtes-vous ? Et qu’est-ce que vous faites dans ma bagnole ? Ou dans mon rêve. Et de qui parlez-vous ?

- non ! - répond la première voix.

La Dame dans le poste enchaîne :

- a-t-il uriné ?

Hein ??? Non, mais oh, eh…

- euh, non… - répond la première voix, un peu gênée.

A côté de cet ubuesque dialogue onirique et comme en écho, je perçois une nouvelle voix féminine un peu plus loin qui semble tenir la même conversation mais toute seule. Ou comme si elle répondait à un interlocuteur au téléphone. C’est plus vraisemblable.

- il a bien les yeux ouverts ? – demande alors la Dame qui parle du nez dans mon automobile à moteur.

- oui !

- demandez-lui de les fermer…

- Monsieur, vous pouvez fermer les yeux ?

Mais alors… c’est bien à moi qu’il parle !?… Oui, Il semble définitivement que oui… Le ton est empreint d’inquiétude.

Allez, je vais lui faire plaisir…

- ça y est – commente l’homme, soulagé - il a fermé les yeux !

Tu parles d’un exploit. Mais on dirait que je lui ai retiré un fardeau douloureux. Il en faut peu parfois.

- demandez-lui de les rouvrir… - exige alors Madame outre-tombe dans le poste.

Faudrait savoir.

- Monsieur, vous pouvez rouvrir les yeux ? – répète le sympathique monsieur.

S’il n’y a que ça… Je m’exécute…

… émergeant du brouillard comateux, j’entrevois le capot complètement en vrac de ma bagnole qui surplombe mon nez de 30 cm, au bas mot.

… Merde !…

Une compression à la César. Le rideau des airbags tout dégonflés laisse échapper de minces filets de fumée et ça sent le brûlé…

Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Qui a fait ça ?

- Monsieur, vous m’entendez ?

Je tourne la tête lentement, dans le coltard quand même, mais je veux lui sourire, il a toujours l’air inquiet

- oui, je vous entends. Merci… - chuchoté-je d’un filet de voix paresseuse comme un suisse shooté au Xanax.

Pourquoi merci au fait ? Merci de quoi ? Pas bien clair dans mon esprit tout ça.

Je promène un (lent, très lent) regard circulaire. A ma droite les airbags sont tous déployés. Eux aussi fument.

Plus ou moins consciemment, j’essaye de me concentrer, vérifier si de la fumée sort aussi du capot tout bosselé bloquant ma perspective à moins d’un mètre.

- vous devriez éviter de bouger la tête, Monsieur – conseille aimablement l’homme qui a une bonne bouille.

Pourquoi ?…

Je me sens un peu vidé, trempé de sueur, mais je vais bien.

Mais bon, il est si courtois.

Une jolie dame vient alors s’agenouiller à la place du monsieur. Elle a un téléphone à la main. Elle aussi demande si je l’entends.

Mais qu’est-ce qu’ils ont tous ? Je serais possiblement devenu sourd ?

C’est le Big Boss de Lebeauson qui va pas être content si c’est le cas.

- oui, je vous entends.

- je suis au téléphone avec les secours, les pompiers sont en route et la voiture a aussi prévenu la gendarmerie.

La Dame dans le poste ? Elle a fait ça ? C’est gentil. Merci Madame.

Mais elle ne cause plus la Dame dans le poste. Je ne l’intéresse plus maintenant que je suis réveillé. Enfin, réveillé ou en plein rêve.

Je me sens bien, étrangement détendu.

Malgré les instructions, je ne peux m’empêcher de balayer les environs du regard. Il y a un gros 4 x 4 sur ma gauche dont l’avant est défoncé, planté dans un mur de rochers.

Je murmure à la dame qui n’a pas lâché son téléphone :

- il faut que je déplace la voiture, je dois gêner la circulation.

La dame a un sourire affectueux :

- je ne crois pas que cette voiture puisse jamais plus bouger, et puis ne vous inquiétez pas, vous êtes dans ma cour.

Pas sûr de bien saisir ce qu’elle me dit.

- il faudrait peut-être prévenir les gens pour le 4 x 4 ? – insisté-je alors.

Ai-je noté qu’il n’y a personne à l’intérieur ? Possible. J’ai un mal fou à relier les fragments d’impressions que mes sens diffusent.

La jolie dame sourit encore :

- ce n’est pas la peine : c’est mon 4 x 4.

Oh là… Sa cour ? Son 4 x 4 ?

On se connait ? Qu’est-ce que je fais dans sa cour ?

- euh… ah oui… ah oui, quand même… Et c’est moi qui ai fait ça ?

- oui. Vous ne vous souvenez de rien ?

- non.

Non. Rien.

 

Patatra2

Voisine

Je n’ai même pas la moindre idée de l’heure, alors que je me souviens précisément du moment où je suis parti dans les vapes : 18 h 44.

Bon, je vous épargne la suite, les papotages décalés avec la jolie dame à qui je propose de s’assoir sur le marchepied, c’est plus confortable qu’accroupie, les blagounettes que j’échange avec elle – ben oui, je la drague un peu, elle est si patiente et attentive et ne semble même pas m’en vouloir d’avoir détruit son 4 x 4, son compteur électrique, son jardin (ce que j’appendrai dans la foulée), enfin « leur » parce qu’il y a un monsieur dans sa vie (que je rencontrerai deux jours plus tard) -, les pompiers et le gendarme qui posent tout un tas de question (et me font passer un alcotest, quand même pour la forme : pourvu que la flotte gratuite de Zürich ne soit pas désinfectée au Kirsch), mesurent ma tension (ça doit pas crever les plafonds), font un ECG, écrasent mon chapeau en montant à l’arrière pour m’empêcher de bouger la tête en attendant de me coller une minerve, l’extraction de la bagnole (j’en sors tout seul en vérité, flageolant, supporté par un pompier), direction la civière où on me sangle comme un jambon…

Ou encore la ballade dans la camionnette des pompiers où l’un d’eux, très jeune, me dit « vous n’étiez pas à l’Auberge Pxxx hier soir, avec un livre à la main ?

- si, et vous derrière moi, une tablée de 8 ou 10, c’est ça ?

- oui, c’était nous. On n’a pas fait trop de bruit ? »

A dire vrai, si. Mais, c’est marrant : tout à coup je deviens beaucoup plus tolérant.

Oublions les 3 heures - plus ? moins ? - sur la civière dans un couloir frisquet de l’hosto, entre deux batteries de tests effectués par des infirmières toutes plus prévenantes les unes que les autres.

Je sais que j’en sortirai à 23 h 30, sans autre séquelle qu’une petite plaie au front et le nez et le poignet un peu douloureux.

Le médecin de garde, un black bougon, a répondu à mon inquiétude que : non, je ne suis pas un danger ambulant ; j’ai fait un malaise vagal dû à la chaleur caniculaire. Vasodilatation brutale, montée de chaleur puis évanouissement, entre 30 secondes et une minute de répit avant la perte de conscience.

Je n’étais pas déshydraté, ni en hypo ni en hyper glycémie, le cœur est impeccable, « vous avez un cœur de jeune homme ! », pas de cholestérol ni de diabète (je savais : je fais des analyses régulièrement).

- … alors dites-vous bien que vous êtes un sacré veinard vu ce qu’on m’a raconté de l’accident, mais ça aurait pu arriver à n’importe qui, même à moi qui suis plus jeune que vous… et noir…

Oui, j’avais remarqué.

Plus jeune, je veux dire.

- … car il y a des noirs qui supportent mal la chaleur. Dites-moi : vous aviez bien mis la clim ?

- … oui bien sûr. A 24°

Tout à coup, on dirait que le monsieur vire au rouge :

- 24 ? Monsieur, quand il fait 35 dehors, on met la clim à 16 ! L’important est de refroidir le corps !

- mais on entend partout que…

- … je sais ce qu’on entend partout, mais ce sont des conneries ! Vous expliquez que vous êtes resté coincé dans un embouteillage. 35 à l’ombre, ça veut dire 50 au soleil, dans une voiture noire, pare-brise athermique ou pas ! Moi aussi j’ai une Audi, et je sais que si je mets la clim à 24 dans ces conditions, il ne fait pas 24 dans l’habitacle, ce qui est déjà trop de toute façon !

- mais on parle de choc thermique en sortant de la voiture…

- Et alors ? On s’en fout que vous tombiez dans les vapes en descendant de votre véhicule ; au moins vous n’aurez tué personne. Et au pire, en mettant la clim à fond, vous attraperez une rhinite ou une bronchite – je suppose qu’il citait des exemples à destination d’un demeuré car il sait mieux que moi que ça n’est pas comme ça que ça se passe - et ça on sait le soigner ! Plusieurs victimes terrassées par un missile, non ! »

Mouais. Profil bas mon vieux. Car, dit comme ça, c’est imparable, n’est-ce pas ?

Toutefois, pour en revenir à mon sujet, le vrai choc je l’ai subi quand je suis allé chercher quelques jours plus tard, le temps de trouver une automobile de remplacement, des affaires laissées dans l’Audi toute neuve. Et que j’ai vu la qualité artistique de la compression réalisée en direct avec une auto quand même pas donnée. De l’art de luxe.

Pire choc encore ? Quand j’ai voulu refaire le trajet de l’accident.

Et troisième coup dans l’estomac : en reconstituant le parcours avec l’adjudant de gendarmerie, attentif et prévenant, qui s’est contenté de me dire que, en terme technique de gendarmerie, j’étais un miraculé. Mais surtout que, sur une route très fréquentée par des cyclistes et où il n’y a pas de talus mais un champ en descente brutale, sorte de verger en pente raide, j’aurais pu être un tueur.

Ça secoue, croyez-moi.

Car j’ai été effaré de constater qu’entre l’endroit où je m’évanouis et l’entrée du village où le choc a eu lieu, il y a près d’un km d’une route étroite incluant deux virages !!!!

Or, la petite voiture rouge qui me suivait (que conduisait le Monsieur qui me demandait si je l’entendais, celui qui a eu le courage d’ouvrir ma voiture ne sachant pas ce qu’il allait trouver à l’intérieur masqué par les airbags) confirme que la voiture a roulé normalement, à 80, sur cette portion de route et c’est seulement en entrée de village, ce qui a été confirmé par un autre témoin, que ma voiture a accéléré comme une fusée avant de se dérouter brutalement quelques centaines de mètres plus loin pour faucher par l’avant un lourd 4 x 4 garé dans une cour, le faire déraper sur 200 degrés et bondir dans un mur de rochers qu’il a descellé et fait reculer de quinze centimètres, après avoir fait ricocher mon A4 qui allait s’écraser dans le même mur de rochers et déplacer des blocs de pierre d’un demi-mètre cube au point de défoncer le compteur électrique de la maison.

Nous avons reconstitué la séquence : vraisemblablement, j’avais laissé la voiture en mode de contrôle total, aussi a-t-elle ajusté la vitesse à 80 kms/h en sortie de village, s’est calée sur la ligne blanche de la petite route, ligne qui s’arrête à l’entrée du village où la voiture a donné une impulsion au volant et probablement sifflé pour que je reprenne le contrôle, provoquant l’acte inconscient d’écraser l’accélérateur là où la voiture seule aurait ralenti en s’adaptant à la traversée du village et probablement freiné avant quelque obstacle que ce soit.

Là non, pas la moindre trace de freinage puisque j’avais enfoncé un pied de plomb sur la pédale de droite et, vue la brutalité de la sortie de route, le bolide lancé entre 80 et 100 n’a pas eu 5 mètres pour réagir.

Aussi, quand, en considérant tout ça, j’ai constaté l’état de l’épave, subjugué que le pare-brise ne soit pas même fêlé ni les rétros rayés et que j’ai ouvert et fermé les portes comme si l’auto sortait du concessionnaire alors qu’elle n’a littéralement plus de nez et que le moteur est sorti de son berceau pour remonter en angle violent de 45° sur près de vingt centimètres, je me dis que, quand même, la technologie moderne - et particulièrement de cet engin - n’est pas totalement vaine.

Merci Audi.

Et mon Ange Gardien.

Sainte pierre

Car à 30 cm prêt, je ratais le 4 x 4 qui a absorbé une grosse partie du choc. Or, il suffit de voir la dimension du rocher frappé de plein fouet pour comprendre que, technologique ou pas, un miracle reste un miracle.

La vraie question est : que serait-il arrivé si je n’avais pas enclenché toutes ces sécurités actives ?

Je ne le saurai jamais et je vais éviter, même pour vous, chers lecteurs, de renouveler l’expérience pour satisfaire une curiosité morbide.

Et ne me demandez pas non plus de comparer avec une autre marque.

Je n’ai pas d’humour.

 

A QuandMême

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