à l’oreille





ATC SCM19 MKIII

par LeBeauSon - Décembre 2020


Perception d’ensemble

Enceinte compacte, d’un dessin classique, l’ATC SCM19 joue la carte de l’honnêteté tonale plutôt que celle de la petite enceinte qui se prend pour une grosse.

Le moins qu’on puisse dire est que la scène sonore est ample… Si elle n’est pas tout à fait précise du fait d’un léger sentiment de dilatation de l’espace, elle recrée une vraisemblance spectaculaire par des dimensionnements relatifs impeccablement tenus.

On se réjouit de la totale homogénéité d’une très bonne transparence sur l’ensemble du spectre reproduit, ce qui rend l’écoute aisée et confortable, jamais contrariée par un bémol désinvolte.

Le phrasé et le swing sont tout particulièrement remarquables.

Les notes, à mon goût, manquent un peu de cœur, « silhouettant » plus que « incarnant » des êtres fictifs derrière les instruments. Je présume que, compte tenu de la qualité générale de la petite anglaise, j’en attendais peut-être un peu trop. En outre on peut bien sûr préférer ce style de restitution plus distanciée, moins impliquante, surtout lorsque, et c’est le cas ici, elle est fluide et variée.

Rien à reprocher sur le rapport qualité/plaisir/prix : l’esthétique sonore de l’ATC SCM19 n’est pas le résultat d’un compromis mais d’une philosophie et une probité qui font pleinement sens.

DIAMs 6 Bleu

 

NB : code couleur de nos Diamants pour ce modèle : Bleu (de 1600 à 3200 €) et Orange (3200 à 6500 €) si nous estimons que sur un des critères, l’objet aurait sa place dans une tranche supérieure de prix)

 ATC SCM19 7

 

ATC, encore un nom qui résonne dans de nombreux esprits pour avoir croisé quelques-unes de leurs créations dans des studios de musique.

Eh oui, une de ces marques fabriquant des moniteurs qui ouvrent leur savoir-faire vers le grand public, parfois même en transformant à peine les produits.

C’est le cas pour ATC qui présente sur le marché « grand public » une de ses spécialités en pro : les enceintes actives. Toutefois les modèles destinés aux amateurs sont à la fois plus nombreux, souvent redessinés et plus richement habillés.

ATC a été créée en 1974, c’est dire, je n’étais même pas né !

Si ? Ah bon ???

Bon…

La théorie d’ATC (et son créateur Billy Woodman) repose sur une amélioration constante des technologies existantes sans chercher l’innovation à tout prix.

Ainsi, une des volontés de la recherche dès l’origine a été d’améliorer la tenue en puissance des transducteurs sans augmenter la distorsion.

En 1976 (je crois) est créée la première version d’un des référents toujours utilisés sur les haut-de-gamme de la marque, à savoir le SM 75-150, un transducteur médium à dôme souple et double suspension, d’un diamètre inhabituel de 75 mm qui donnera naissance à l’enceinte trois voies S50 en 1977.

Passionnant, n’est-ce pas ?

L’arrivée des modèles actifs, multi-amplifiés, a lieu en 1985. Là, j’étais né.

Puis ATC ouvre la marque vers le marché grand public, en préservant l’idée des versions actives en parallèle des modèles « passifs ». Pour les néophytes : actif, ça signifie qu’il y a un ou des amplificateurs dans l’enceinte. S’il y en a plusieurs, la répartition des voies (soit entre chaque haut-parleur) se fait par un filtre dit « actif », c’est-à-dire en amont des amplificateurs.

La gamme est donc très vaste et s’élève même vers des sommets grâce à la monumentale SCM300 ASLT qui dans sa version Premium atteint les 60 000 € la paire. Est aussi au catalogue en ce moment une série limitée de l’emblématique SCM150 ASLT (22 exemplaires prévus qui peut-être seront vendues au moment de la parution, on aime prendre notre temps), évolution de la SCM150 ASLT dont la partie amplificatrice (6 amplis en tout) est sortie du coffret de l’enceinte. Là encore, on frôle les 60 K€.

Le modèle que nous testons dans cet article – la SCM19 - est un modèle passif de la série dite « Entry », ce que je regrette pour avoir eu entre les oreilles une SCM40A plutôt sympa il y a quelques mois, sans avoir pensé à en faire un BE.

Or donc, notre sujet du jour est un « monitoring » (c’est pour décrire le format, sachant que dire bibliothèque pour un objet mesurant 438 x 265 x 300 et 18 kgs n’est pas exactement approprié). Il s’agit du plus abouti de la gamme compacte passive de la gamme, troisième génération me semble-t-il.

Deux voies, deux haut-parleurs, on est dans le consensus.

On l’est moins quand on observe les haut-parleurs et c’est parti pour le nécessaire moment audiophile que je n’apprécie guère :

Le HP graave-médioum est un 195 mm dont la particularité est que le moteur est énorme, du même diamètre que la membrane et pèse 9 kgs, c’est dire. La bobine en cuivre plat couvre la moitié de l’équipage mobile, gage de tenue en puissance colossale. Pas d’indication de la nature de la membrane, mais ça ressemble à du papier traité, couvert par un large « soft dome » de 75 mm conforme aux préceptes de la marque.

Le haut-parleur d’aigu est un dôme souple à double suspension et moteur néodyme puissant coupé assez bas en fréquence (2,5 kHz). Sans plus de précision, mais en tout cas clairement réussi comme on s’en rendra compte à l’écoute. Pas si évident que ça au regard des technologies des haut-parleurs (pas difficile de deviner que l’équipage mobile du haut-parleur principal n’est pas un exemple de légèreté).

Des haut-parleurs maison, vous l’aurez compris.

Le rendement de l’enceinte est plutôt faible avec 85 dB/W/m pour une impédance 8 ohms, mais nous constaterons au fil de nos essais qu’elle n’est pas exagérément exigeante avec les amplis, pas gourmande ou compliquée à alimenter, au point que les moments avec un intégré à tubes (pas n’importe lequel, soit) ont révélé une facilité d’usage et une étendue dynamique pas forcément prévisibles en s’arrêtant aux données techniques.

Particularité de l’enceinte : il s’agit d’une charge close, finalement assez rare face à la quantité de bass-reflex.

Excusez-moi, je baille….

… Voilà, j’ai baillé.

Si la présentation de l’enceinte est soignée dans sa finition cerisier (disponible également en noir ou blanc satiné), le design est… euh… traditionnel ?

Forme incurvée tronquée à l’arrière, évidemment pour limiter les ondes stationnaires en interne, rien de nouveau sous le soleil, mais ça part d’une bonne intention.

Une grille de protection grise, incurvée et très très ajourée est fournie, honnêtement peu raccord avec l’esthétique générale. Mais bien faite. Elle n’a vraiment aucune autre fonction que de protéger les fragiles haut-parleurs de la baballe shootée par un garnement énervé.

                                  

Un double bornier incite au bi-câblage ; pas nous. C’est d’autant plus agaçant que les bouts de tôle fournis comme straps sont à jeter à la poubelle d’emblée.

                                                                                                            

Qui dit enceinte compacte dit soit une étagère très solide, soit un pied support.

                                                  

Dans notre pièce, l’expérience nous a fait préférer des pieds lourds (en l’occurrence des Music Tools Classic Line remplis de Fillin qui rajoutent 1000 € au prix des enceintes) à des PMC mi lourds.

C’est d’ailleurs un peu surprenant compte-tenu du poids élevé de l’enceinte, mais en la matière, les surprises sont fréquentes.

Ma pièce principale n’aimant pas toujours les enceintes bibliothèque (elle peut manquer de corps) je craignais un peu l’inadéquation, mais les ATC SCM19 ont un comportement d’enceintes déjà de bon volume. L’appellation bibliothèque fait souvent sourire quand on voit les dimensions d’objets assimilés à cette catégorie très vaste.

Les écoutes ont été menées par l’intermédiaire d’un DAC Accuphase DC37, une platine vinyle Kuzma Stabi R + bras 4Point 9 + cellule Hana Umami Red + préampli phono Aurorasound Vida VI6 sur un intégré Accuphase E380, un Atoll IN300, un Aeolos Ultra et un intégré Audio Research VSi75 de passage. Câbles Absolue Créations, Neodio et Wing, système de barrette modulaire PMS de MudrAkustik.

Ah oui, comme ça, pour voir, nous avons aussi tenté quelques passages musicaux en compagnie d’amplificateurs modestes : attention, à défaut d’être exagérément énergivores, les ATC demandent quand même des bras solides.

Autrement dit, un petit NAD ou Cambridge ne feront pas l’affaire.

Nous avons écouté quelques minutes à peine avec les straps d’origine que nous avons remplacés avec bonheur par des Absolue Créations.

Le prix des ATC SCM19 est de l’ordre de 3 000 € la paire.

Sans les pieds, mais le fabricant n’en propose pas. C’est donc un point à considérer avec votre magasin préféré.

 ATC SCM19 6

 

RICHESSE DES TIMBRES ET ÉQUILIBRE TONAL :

Premier constat sympathique, une fois le bon support trouvé : la plausibilité des timbres et de l’équilibre tonal.

Si on se trompe de pied (ce qui a été le cas dans un premier temps), une partie importante du médium est totalement creusée.

Avec les Music Tools (mais il y a évidemment d’autres combinaisons), tout est rentré dans l’ordre et implémente une appréciable rigueur, au sens de justesse.

Un exercice pas facile a été soumis d’emblée aux ATC SCM19 : la version animée, généreuse, très pure de La Création (Die Schöpfung) de Haydn par la désormais célèbre formation Il Giardino Armonico sous la direction de Giovanni Antonini.

On est vraiment à contresens de la majestueuse et même impériale proposition de Karajan en 1969 tout Philharmonique de Berlin déployé… ce qui ne retire pas à la version allégée d’Antonini une mémorable profusion orchestrale.

On profite via les ATC du raffinement (un peu cérébral, ou est-ce l’enceinte ?) des croisements de couleurs de l’ensemble italien ainsi que des solistes et peut-être plus encore du magnifique Chœur de la Radio Bavaroise.

A défaut d’aération - au sens d’air autour des musiciens, parce que pour le reste, la prestation respire -, les teintes si particulières des instruments anciens s’articulent vigoureuses, variées et lumineuses. Alors qu’on leur a connues plus de substances, de grain et aussi bien sûr de déploiement harmonique, le rayonnement colorimétrique est parfaitement cohérent sur l’ensemble du spectre ; aucune zone ne se détache, l’intégration des pupitres, solistes, chœur est impeccable même si on décide de monter le niveau sonore, ce qui n’est pas une mauvaise idée car la densité des pianissimi a tendance à s’estomper si on est trop timide sur le potentiomètre. En revanche on ne constate aucune perte d’homogénéité de la palette chromatique si on lâche les chevaux. Enfin, les watts. Ah là là…

La louable volonté de Giovanni Antonini de prouver que Haydn n’est pas que le petit Maître des grands Mozart et Beethoven mais un compositeur majeur qui sur diverses formes des nuances harmoniques, entre autres, reste le patron devant Wolfgang, est totalement compréhensible sur les ATC.

Harmonieuse suavité de la voix d’ALA.NI sur le joli album ACCA, où la SCM19 souligne délicatement le touchant parti pris d’arrangements et mise en ondes un peu vintages. La « petite » ATC confirme sa droiture tonale, où un grave évidemment un peu court en fréquence mais jamais frustrant en énergie est équilibré par un aigu mat, ne filant pas exagérément haut, évitant ainsi une courbe grimpante ou une brillance artificielle.

Quoique pas vraiment incarné par l’enceinte, l’organe de l’« aristocrate » grenadienne-britannique est vraiment élégant, aussi bien dans ses vibratos que ses ritournelles sur plusieurs octaves, au phrasé très personnel toujours impeccablement agencé ; elle cultive le bon goût de ne jamais abuser de ses surprenantes capacités vocales en jouant d’un dosage idéale de la gravité à l’humour ; les arrangements suivent savoureusement les élucubrations de la sympathique diva ; là encore pas de mise en avant de zone particulière qu’on aurait très vite détectée sur ce disque, notamment la deuxième plage (Le Diplomate) et la voix gutturale presque caricaturale d’Iggy Pop ou via la contrebasse introductive de Hide.

Clairement l’ATC SCM19 joue la carte de l’honnêteté tonale plutôt que celle de la petite enceinte qui se prend pour une grosse par une boursouflure d’un faux grave répétitif parce que, de surcroît, généralement mou.

Démarche que nous cautionnons vivement même si, en l’occurrence, on regrette que les surfaces soient un peu lisses ; c’est cependant un choix parfaitement affirmé de préférer le jus d’orange sans la pulpe…

A prendre en compte au moment de choisir son électronique et éviter de désigner un appareil sans relief.

 

 

 

TIMBRES ET ÉQUILIBRE TONAL :

DIAMs 5 Bleu 1 gris

 

 

Matières

3 diams Bleu

 

 ATC SCM19 5

 

 

SCÈNE SONORE :

Le moins qu’on puisse dire est que la scène sonore est ample…

C’est particulièrement prodigue sur les grandes formations, à preuve Romeo et Juliette de Prokofiev par Lorin Maazel et Cleveland en 1973, écouté en vinyle ; version qui, dans la liste de mes préférences, conquiert obstinément le podium. Souffle épique et intimité délicate, plasticité rythmique et placements de pupitres bien étagés, les SCM19 ouvrent une large perspective sur l’engagement brut de Maazel et son orchestre dans une version très scénique (au sens d’opératique) où l’urgence, la dramatisation, les sentiments exacerbés sont agréablement perceptibles.

Si la scène émise n’est pas tout à fait distincte du fait d’un léger sentiment de dilatation de l’espace, elle recrée une vraisemblance spectaculaire par des dimensionnements relatifs impeccablement tenus.

 

On constate en effet que son extension est possiblement toujours un peu semblable, mais ce spacieux gabarit - qui fait oublier les enceintes - est incontestablement délectable. Ce que confirme la parution récente de l’Opus 33 de Haydn par Doric : beaucoup de vivacité, d’engouement dans cette proposition par le Quatuor anglais, une alacrité que les ATC suivent avec fraicheur… Comme remarqué précédemment, on profite plus des timbres que de l’ossature des matières, mais la proposition vivifiante, pétillante tient tranquillement la route, rappelant un peu une écoute au casque. Enfin : un bon casque bien sûr ; les musiciens semblent s’être beaucoup écartés entre eux (geste barrière ?) dans une pièce de grande largeur et cependant cette image sans « grip » (les golfeurs ou tennismen comprendront) a du sens puisque la réverbération est proportionnée à la présentation. On ne souffre d’aucune aberration visuelle dès lors qu’on accepte la transposition. Aussi, cette réappropriation de l’espace crée un spectacle guilleret en cinémascope.

 

Analyse identique sur l’énergique (et hélas unique) album rock/fusion/funk/soul de Bullyrag en 1998 : Songs of Praise et particulièrement l’enchaînement de pistes I will learn / No Audio / Untitled (un morceau caché en quelque sorte) où les embrasements rythmiques, comme la fin de piste étrangement déstructurée, faite de frappes individuées de batterie et clusters cernés de vide doivent frapper le plexus. Ce n’est pas exactement le cas avec les ATC testées : ce ne sont ni des puncheuses ni des escrimeuses olympiques, mais le vaste firmament sonore, la liberté de souffle comme un plongeur après l’apnée, la pléthore rythmique, ouvrent sur la terrasse d’un jardin plus étendu que bien des enceintes ambitieuses, procurant en terme d’image l’embrasure d’objets plus volumineux et plus coûteux. Surprenant et séduisant constat que des options affirmées plutôt à l’encontre de nos aphorismes révèlent des plaisirs inattendus, d’autant que, en tournant le bouton de volume, rien ne décroche, ne s’embrouille, ne prend le pas.

La scène, très décontractée, l’absence de son de boîte, de projection, sont des constantes rassurantes quel que soit le niveau d’écoute et c’est assez impressionnant.

DIAMs 5 Bleu 1 gris

 ATC SCM19 1

 

 

RÉALISME DES DÉTAILS :

Là encore, on se réjouit de la totale homogénéité d’une très bonne transparence sur l’ensemble du spectre reproduit, ce qui rend l’écoute aisée et confortable, jamais contrariée par un bémol désinvolte.

Evidemment, sur le piano de Pogorelich (Ivo, pas le frère) dans la Fantaisie n°3 KV397 - dont la comparaison avec la toute chaude parution d’Hélène Grimaud est, comment dire, euh… ma diplomatie a des limites…-, le choix par l’artiste croate d’un instrument harmonisé très tendu, sans doute pour contrôler l’appui d’un frôlement de plume dans le vent ou « claveciniser » à loisir, les tensions extrêmes de notes ajoutées à la réverbération interne de l’instrument, peuvent entraîner une légère sensation de dureté par instant parce que la résolvance de l’enceinte n’est pas extrême. De même que les fronts d’onde ne sont pas les plus incisifs ou nets qu’on connaisse. Réserve très relative rapportée au prix ! Étant donné que la fluidité est irréprochable, le respect du phrasé également, et on apprécie tout particulièrement que la lisibilité de la main gauche ne soit jamais encrassée par la moindre épaisseur ou lourdeur. Bravo.

                                                     

Pour revenir à ce qui m’a amené à parler de cette « Fantaisie » de Mozart, à savoir le nouveau disque d’Hélène Grimaud, artiste et femme que j’aime profondément, il faut avouer qu’on se demande parfois comme oser certaines œuvres dès lors qu’Ivo Pogorelich a posé la main dessus, que l’on aime ou pas son affirmation iconoclaste ou seule vérité. En passant de l’une à l’autre, la magnifique maestria, douce et fruitée comme on ne l’attend pas forcément des mains de Brahmsienne attestée de l’aixoise, devient, face à l’engoncement métaphysique du croate, une babiole de fioritures sucrées, un château de Croquembouche.

Cette amusante comparaison entérine une petite particularité d’«enveloppe Soleau» autour des matières qui certes n’altère pas les timbres, résolument fins, mais « encellophane » les instruments d’une sorte de gangue (ténue) – au sens de ce qui entoure la pierre précieuse dans un gisement - engendrant une afféterie, une redite de texture discrète, un insensible lissage de la tonicité, sans doute parce qu’on ne dissèque pas, à proprement parler, les matières par leur relief, leur densité intime ou exploration des consistances somatiques, assez rares - il faut l’avouer -, voire inexistantes pour des enceintes de ce prix, ou alors caricaturales par une tricherie avérée.

On l’observe en écoutant « tinyLittlePieces » extrait de Dreaming in Pieces d’Hypnagog, expérience que l’on qualifiera de Trance ou Glitch : les pétillements et effets de distorsions ne crépitent pas concrètement dans l’espace comme autant de claquements de doigts mais s’agrègent dans une présentation atmosphérique, globale et conceptualisée, bénéficiant toujours de cette respiration qui dépasse le cadre des enceintes, jamais entachée d’une sonorité de coffre ou de charge. Un bon point de la charge close sans doute, mais aussi de la forme incurvée de la caisse et, plus encore, de la maîtrise de l’étude.

Clairement c’est un choix d’esthétique sonore que beaucoup priseront qui, pour éviter le mensonge, préfère ne pas aguicher par une fausse expression. Je parle de ces enceintes « faussaires » qui semblent rapides simplement parce que le maintien de note est simplifié après la montée ou « pleines » parce que molles.

4 Diams Bleu

 

QUALITÉ DU SWING, DE LA VITALITÉ, DE LA DYNAMIQUE :

La découverte du nouveau disque du Tingvall Trio (Dance) inquiète sur l’instant : ennuyeux à mourir même si le pianiste (Martin Tingvall) est incontestablement talentueux, on n’entend pas la moindre idée originale mais surtout l’ensemble dévide  un swing aussi guilleret qu’une porte de chambre forte obèse.

Un deuxième essai avec le Marcin Wasilewski trio et Joe Lovano Arctic Riff rassure immédiatement : ouf l’enceinte n’était absolument pas en cause. Rien de révolutionnaire non plus dans cette musique, Marcin, moins rasoir que Martin, se répète quand même un peu, pour tout dire. Quel contrebassiste en revanche (Sławomir Kurkiewicz) ! Mais la succession de titres jouit d’un beau lyrisme partagé entre piano et saxo, une élévation souvent contemplative, très généreuse, qui correspond bien à l’esprit de l’enceinte. Les passages plus animés, tels par exemple les deux reprises de Vashkar de Carla Bley, très inspirées, sont livrés avec enthousiasme par les « petites » ATC SCM19. Les couleurs bien déterminées du saxo ténor de Lovano révèlent la forte identité du musicien, très en verve dans ces passages.

Pas de souci, côté swing donc. Ce qu’un petit passage par Pres and Teddy en vinyle (The Lester Young-Teddy Wilson Quartet en 1957) corrobore : en dépit du côté très daté de la prise de son, phrasé et swing sont tout particulièrement remarquables. Avec la bonne source, le bon ampli les bons câbles. Dont acte.

Pour mesurer l’énergie sonore disponible, nous avons délibérément poussé le volume sur le Bullyrag déjà cité et l’altitude que l’on peut atteindre sans un début de distorsion est pour le moins sidérante. Il y a toutefois un niveau, pas nécessairement trop élevé heureusement, où soudain tout prend place : espace volumétrique, maintien de la densité, évidence du lien interne au discours musical, connexion au plaisir.

C’est un aspect intéressant que l’on vérifie sur tous les disques, parmi lesquels la proposition « coloriste » - de salon ? - de Sinfonietta de Leoš Janáček par Sir Simon Rattle et le LSO, pour le moins éloignée de celle qui a bercé mon approche du musicien tchécoslovaque, à savoir la version nerveuse, triomphale, engagée, intense de Sir Charles Mackerras ; et plus éloignée encore de la version steak tartare de Karel Ančerl assénant l’aspect militaire revendiqué par le compositeur ou, à tout le moins, la folie des fêtes populaires et flonflons, dans une habileté d’écriture qu’on néglige trop souvent : les neuf opéras de Janáček, Taras Bulba et la Messe Glagolitique ainsi évidemment que sa musique de chambre ou pour piano ne semblent pas connaître l’erreur ou l’hésitation le plaçant, de mon point de vue, sur une place plus haute d’un podium de créativité (idée que je déteste par ailleurs) que son célèbre compatriote Antonín Dvořák

Simon Rattle donc : passé un premier mouvement un peu tâcheron et un deuxième qui peine à trouver ses marques, installant toutefois d’intéressantes « ornementations d’orchestre » ainsi que, petit à petit, la curieuse mais pas désagréable sensation d’écouter une musique de ballet, on commence à goûter la délicatesse poétique distillée par le chef Anglais dès le troisième mouvement, le Monastère de la Reine, dont les clairs-obscurs relèvent de la dentelle ; puis on reste en immersion avenante dans cette belle prestance musicale raffinée, pas du tout tchèque, mais d’une grande élégance et souplesse orchestrales, où les ATC SCM19 déploient une admirable lumière scénique respectant globalement bien la dynamique d’orchestre en dépit de quelques négligeables effets de paliers, possiblement dus au fait que les éclats des aérophones manquent un peu de… laiton,  alliage, bois ? Conséquemment, ces « moniteurs » imposent de ne pas trop baisser le volume au risque de perdre les subtilités frémissantes et les prolongements de fins de notes de la foisonnante orchestration de l’œuvre.

DIAMs 5 Bleu 1 gris

 ATC SCM19 2

EXPRESSIVITÉ :

Ah… le vecteur essentiel de notre vocation à « écrire autrement », n’est-ce pas ? Mais qui ne semble pas un point essentiel de la haute-fidélité majoritaire, à notre grand regret.

Je suppose, fidèle lecteur (oui, Toi, le seul), que désormais habitué à ma prose, tu auras deviné que je ne serai pas totalement repu à ce chapitre. J’ai évoqué plusieurs fois la relativisation imposée par ces enceintes aux matières, au grain, à la vocalité en filigrane ou la prise de possession ciselée de l’espace.

Où j’ai définitivement ressenti un manque, c’est sur la « compilation améliorée » de ses albums solos que Robert Plant vient de publier

Comment ça qui est Robert Plant ?????

Led Zeppelin, ça vous dit quelque chose ? Ou bien Mozart est-il simplement une figure moche perruquée comme un avocat rosbif décati gravée sur un mug acheté lors d’une visite éclair à Salzbourg, banale ville autrichienne sans histoire et culture ?

Oui, je suis taquin.

Lors de l’écoute de In the Mood, extrait du deuxième album du vieux rocker éternel, alors qu’il n’y a pas d’erreur ni de déformation dans la restitution, je ne me suis pas senti pleinement investi : j’ai écouté avec grand plaisir, goûté la richesse mélodique et harmonique, mais en spectateur ; je me suis senti maintenu à distance de l’intimité.

Pourquoi ?

… C’est toujours difficile à expliquer ; je sais que nombreux sont ceux qui ne seront pas d’accord avec moi. Personnellement, j’ai trouvé le jeu de Robbie Blunt - dont la guitare lyrique rappelle le grand Billy Rush dans deux albums de Gainsbourg - ramené à des successions de beaux accords plaqués, démunis des nuances d’appuis et de variantes internes fignolées et finaudes ou de longueurs de réverbs millimétrées qui inondent de poésie des mélodies simples mais savoureuses, tout à coup moins infiniment célestes ; de même que la batterie de Phil Collins (rarement aussi inventif dans la simplicité) est un peu mécanique, que ce soit la caisse claire et les toms, charpentés, tournants, tendus et « peaussés » ou la Charley si particulière sur ce morceau, là où les frappes devraient glisser, rebondir dans des touches de matières et résonnances uniques.

Les notes, à mon goût, manquent de cœur, silhouettant des êtres fictifs derrière les instruments sans les incarner.

Je suis un peu embêté, car c’est surtout moi (au milieu de mes comparses d’écoute) que cela a interrogé et je suis conscient que les enceintes de ce prix capables de créer ce noyau d’humanité appartiennent à l’exception. Je présume que, compte tenu de la qualité générale de la petite anglaise, j’en attendais peut-être un peu trop.

D’ailleurs, pour être absolument honnête, même à des prix stratosphérique, ce grain, ce noyau organique, cette sensation de lien charnel à l’artiste relèvent quand même de l’exception…

Et on peut bien sûr préférer le style de restitution que propose SCM19, plus distanciée, moins impliquante, surtout lorsque, et c’est le cas ici, elle est fluide et variée.

3 diams Bleu

                                                                                        

PLAISIR SUBJECTIF ET RAPPORT QUALITÉ/PRIX :

Ben, rien à reprocher sur ces critères : si l’on fait abstraction du point précédent, on a passé un moment bien agréable en compagnie de ces objets à la fois rigoureux (mais pas spartiates) et « plus grands que nature ».

J’éviterai tout commentaire sur le look, chacun décidera, mais en ce qui concerne leur boulot, ces « petites » ATC sont passe-partout, ne craignent aucun genre musical faisant au contraire preuve d’une rigueur tonale et dynamique constante, ne concèdent rien au trop beau pour être vrai ni à une bonne grosse épaisseur dans le grave pour faire croire que…

L’ATC SCM19 ne vire jamais vers un flou racoleur, un moyennage (néologisme) honteux, une complaisance enjôleuse.

L’esthétique sonore n’est pas le résultat d’un compromis mais d’une philosophie et une probité qui font pleinement sens.

DIAMs 6 Bleu

Attention toutefois à la précaution du bon choix de « stands » ou pieds, ainsi que des straps ou bi-câblages.

 

Banc ecoute