à l’oreille





par LeBeauSon - Septembre 2020


Il révèle l’humanité, le sang dans les veines ou la sensualité …
Trop ?

PLAISIR SUBJECTIF

Passerais-je plusieurs années en compagnie de l’intégré Lector ZXT – 70 ? Est-il un des meilleurs de sa catégorie, de ceux que je conseillerais ?  Sans aucun doute !

Mais pas à n’importe qui.

Il me semble en effet que c’est le genre je joujou à qui on tolère certaines largesses : un léger manque de résolution aux extrémités du spectre sonore, pour une scène sonore un peu spectaculaire et des timbres sensuels…

… Soit : le ZXT Lector est d’un tempérament très joueur et un rien aguicheur. Et c’est tant mieux.

Un de ces appareils que j’aimerais pouvoir garder.
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En discutant avec l’importateur français des fabuleux Grandinote, je remarque une lueur dans ses yeux à l’évocation du petit intégré Lector ZXT-70 posé sur ses étagères.

Le langage du corps, quelques élans spontanés sont souvent de bons moyens de déceler l’inattendu. Je me laisse facilement convaincre puisque j’avais de toute façon une petite curiosité pour ce truc et l’embarque pour une écoute approfondie. Truc ? Oui, car il est un peu particulier : mi tubes, mi transistors.

LectorZXT70 LeBeauSon 5


Sur les infos glanées çà et là, on lit souvent que le concepteur italien, plus précisément lombard (M. Romagnoli) de Lector Strumenti Audio (c’est joli, non ?) est également historiquement le premier à avoir utilisé la technique dite hybride…

Bon… je n’ai pas cherché à vérifier qui, de la poule ou de l’œuf… Rien ne nous dit de toute façon qu’un autre expert n’aurait pas, dans d’autres lieux, fait les mêmes constats avant ou en même temps ?
Et puis surtout, est-ce vraiment si important ? Pas pour moi, qui me borne à ne m’intéresser qu’au résultat : il est probant, ou pas.

Donc : le Lector ZXT-70 (à ne pas confondre avec le ZAX-70) est composé d’un étage de préamplification à tubes, ça vous l’aviez deviné. Deux doubles triodes 6922/ECC88 de très faible bruit, en classe A. La polarisation automatique est effectuée en mode optique - est-il écrit sur le site ; j’avoue ne pas comprendre ce que ça veut dire, mais c’est très poétique.


L’étage de sortie est à transistors « MosFet » (Transistor à effet de champ à structure métal-oxyde-semi-conducteur). Une info utile, non ? Mouais… C’est vraiment pour vous faire plaisir alors.

Ce montage, sans le moindre circuit intégré sur le chemin du signal, revendique une réduction drastique des facteurs de distorsion ainsi qu’une qualité de restitution voulue équivalente à celle du « frangin » : le VFI-700. Le moins qu’on puisse dire est que les dénominations de la gamme sont ésotériques. L’amplificateur dispose de 5 cinq entrées ligne et d’une sortie d’enregistrement sur bande.

Là encore, rien d’affolant.


L’appareil, d’un volume conventionnel, adopte tout de même une ligne originale, justifiant de l’exposer dans un salon parisien. Pourquoi parisien ? Oui, c’est vrai ça, pourquoi ? Parce que certains estiment que c’est un signe de bon goût absolu ; les parisiens en tout cas.


Ah : 2 x 70W sur 8 ohms ou 2 x 100W sur 4 ohms.
Je n’ai pas trouvé d’indication de poids et ai oublié de le peser, mais le bougre doit avoisiner le 12/15 kgs.

Voilà… Ça c’est fait. Je me suis acquitté de la fiche technique.

Précision utile pour bien remettre les idées en place à la lecture du test : cet appareil est proposé à moins de 2 200 €. 

Evoquons également les conditions d’écoute :

Sources :
Lecteur CD Eera Tentation
Dac Eera Andante + Drive Legato
Streamer Bluesound Node 2

Platine vinyle Pro-ject 2Xperience SB DC
Cellule MC Hana

Préampli phono Jolida JD9

Puis, dans un deuxième temps

Streamer Stack Link
Dac Atoll DAC300

Enceintes :

Mulidine Cadence ++, Von Schweikert Audio Endeavor E3, Davis Courbet 5

Câbles :

Absolue Créations Ultim et Intim, O2A, Neodio

Ce coquet intégré Lector figurant dans la liste des appareils que je souhaitais soumettre à mes oreilles quelque temps - des personnes bien informées (hhmmppffff) m’en ayant dit tellement de bien – inutile de préciser que j’étais impatient.

Sur le papier, rien de révolutionnaire pourtant ; d’autant que, des hybrides, j’en ai entendus d’autres (à commencer par des Luxman des années 90 (LV105 et 107)) et tous m’ont laissé de bonnes premières impressions : Taga Harmony, Peachtree Audio Nova…. 

La recette n’est pas neuve. 

Cependant, pour la plupart, les agréables impressions d’écoute des premiers instants ont vite cédé place à un bilan moins enthousiaste. Les jolies couleurs, peut-être faussées par la chaleur des tubes d’entrée, sont accompagnées d’un manque de caractérisation des instruments sur une scène un peu molle, manquant de punch.


Alors pourquoi l’attrait pour le Lector ?
D’abord pour ne pas m’enfermer dans des aprioris et vérifier si les remarques issues de quelques camarades passionnés étaient fondées. 

Ben oui, on s’en parle de ce ZXT-70.

Ensuite, pour vérifier si effectivement le « créateur » de l’hybride dépasse le stade facile des premières impressions enthousiastes. 
Enfin parce que je reconnais avoir été intrigué par l’engouement du distributeur, attisant définitivement mon impatience.

Ce ZXT-70 (quel joli nom)… intègre deux tubes 6922/ECC88 pour assurer la préamplification, en classe A svp.

Ah oui… je l’ai déjà dit. Mi scusi.

Côté ergonomie, l’appareil n’a rien de très compliqué : pas de bouton veille en façade, ni d’interrupteur à l’arrière. L’unique interrupteur marche/arrêt est positionné sur le flanc gauche de l’objet ; c’est original et rigolo.

Je vous accorde qu’on n’aura pas droit à une fiche technique superlative, multiples usages, fanfares et trompettes des intégrés de la grande hifi internationale qui prétendent (comme tout le monde) être la pointe de la modernité.


Est-ce frustrant ?

Ben non ; pas si vous cherchez un bon ampli, appliqué à bien faire son boulot de base, sans fioriture.

Ah oui, j’oubliais la télécommande. Pratique quand même de ne pas se lever pour monter le son.
Alors forcément, en lisant le descriptif, vous vous dites que vous pouvez, sans regret, passer à côté à côté d’un appareil somme toute banal dans la vaste production mondiale.

Moi je réponds :

Préjugé !

Vous feriez la même erreur que moi.

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J’étais très loin d’imaginer ma surprise quelques jours plus tard ; certes après avoir adjoint au ténor (baryton) plusieurs sources pour constater que sans doute il n’était pas universellement associable.

Cette idée de « mariage » ou compensation va certes à l’encontre de ce que nous défendons en général, mais sans l’exception on deviendrait obtus.

Car le souvenir ému des soirées joyeuses et émouvantes que nous avons passées tous les deux (sniff) me taraude encore à l’heure d’écrire ce banc d’essai.

Même si, en me relisant, ça me fait bizarre à moi aussi.

Je me suis tellement régalé, embarqué dans un voyage avec cet intégré, que mon schéma de valeurs, en quête d’une impérieuse justesse, d’une intègre fidélité, s’en trouve tout chamboulé.

Allez, commençons par le meilleur : la gourmandise.

RICHESSE DES TIMBRES ET ÉQUILIBRE TONAL

L’élégance des timbres et la richesse harmonique sont indéniables.
Trop ?

6 diamants dont 2 dans une catégorie largement supérieure !

Le ductile grand orchestre accompagnant Joni Mitchell sur « You’ve changed » - album Both sides now - se déploie dans une langoureuse sérénité. Le saxo sonne naturellement, les violons respirent, vivants, et la voix de la dame avoue, avec détachement et une sorte de paresse alanguie, les paquets de cigarettes grillées, pleinement revendiqués sur la jaquette. Le charme de la maturité ajoute au récit des vieux amants perdus par la vie.

Le Stradivarius de Laurent Korcia virevolte sur Malagueña, extrait d’une des variations de « Mister » Paganini (c’est le nom de l’album). Les timbres de l’instrument jamais ne sont mornes. Le jeu du pianiste en arrière-plan accompagne avec légèreté les envolées prolixes du violoniste. Les instruments semblent plus caractérisés que d’ordinaire, plus intensément décrits en matières et couleurs. J’avoue n’avoir que rarement perçu autant de fruité côté timbres. Aussi, naturellement, la question s’impose : ce délicieux intégré Lector en fait-il trop ?

Passons à une contrebasse ; sur un standard s’il vous plaît : Fever, interprété par the King… Euh, lequel déjà ? BB King, Albert King, King Kong ?

Un peu de sérieux quand même : le grand, l’unique, LE King qu’y disent pour l’enfant du Mississippi : Elvis !
Appellation contrôlée, peut-être un peu surfaite. Un peu comme le 5 A pour l’andouillette. Passons, je m’égare.

Fever donc et la contrebasse : elle s’impose somptueusement, caisse de résonance large comme d’énormes poumons.

Mais pas seulement : l’instrument prend vie et place dans la pièce, matérialisé dans un volume considérable et plausible. Pour autant, c’est la sensualité des percussions, sous la caresse des peaux ou à l’impact des mains qui me surprend le plus.
L’ensemble est retranscrit avec une franche présence, des détails à foison et une finesse vibrante pour accompagner les vibratos hallucinants du King. On aime ou pas, mais honnêtement, quel érotisme dans la voix !

La richesse des timbres est le registre fort de cet ampli qui ne cesse de surprendre plage après plage. Quels que soient les genres musicaux, couleurs et matières des instruments sont gouleyants, charnels.

Toutefois, la réponse à la question de la justesse d’un tel foisonnement sera donnée en poursuivant sur un système passablement différent : oui, la différentiation des teintes par l’intégré Lector flirte du côté de ces amplis à tubes dont la richesse harmonique est un peu hors cadre, un peu plus jolie que nature.

 

Volta de Björk en fera une première démonstration par une agréable nasalité, possiblement liée à une légère emphase, qui procure paradoxalement un charme supplémentaire à la présence très physique de la dame en dépit de la médiocrité du mastering (1, 5 dB de dynamique).

Sensation confirmée à l’écoute du Quatuor n°3 Op 94 de Britten par le Doric String Quartet où le boisé est presqu’un peu excessif en dépit d’une notable identification des instruments par des couleurs nettement différentiées. Disque largement recommandé, by the way, réunissant les 3 Quatuors du grand Benjamin et des fantaisies de l’illustre Purcell, avec un talent prodigieux, capable de respecter la distance entre les époques tout en modernisant subtilement Purcell et en offrant une des versions les moins « austères » des Britten


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Note curieuse et en dehors des clous car, sur ce critère, l’appareil surprend au-delà de ce que l’on entend habituellement, et ce, même plusieurs classes au-dessus.

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ÉQUILIBRE TONAL

Cependant, il est temps de chipoter ! En fait, pas vraiment non plus, mais…

Certes, au regard du prix affiché sur la balance, je vais avant tout souligner à quel point cet intégré fait très fort. En effet, pourquoi vouloir comparer ce joujou à 2200 € avec un machin valant 10 fois plus ? Que trouve-t-on parfois de plus sur le thème de l’équilibre tonal ? Parce que franchement un paquet de produits plus chers, plus gros, plus célèbres ou adulés ne sont pas nécessairement des parangons de vérité.

Chipotons ? Soit : dans l’absolu alors.

On pourrait souhaiter une aisance supérieure dans les extrêmes ?
Oui c’est vrai …


Notre petit… non pas « petit »… Notre sympathique ampli intégré Lector n’étend pas les bras aussi loin que quelques géants. Il ne surligne pas un aigu filé vers des sommets souvent inutiles, ni ne rugit d’un extrême grave ravageur : il livre une partition cohérente, respectueuse et agréable sans trou ni bosse marqués. Oui agréable. Telle harmonie se déguste avec plaisir, sans retenue, comme une bonne vieille liqueur.


Mes rares reproches n’en sont pas en eux-mêmes. L’appareil tient son rang au-delà de son prix et fera blêmir de jalousie bon nombre d’amplis à tubes boursoufflés, plus d’un « totor » en mal de chair et d’âme, et de numériques aseptisés (y en a plein).

LullAby de Martina Topley-Bird est un instant féérique de détails croustillants. La voix de la Muse, tantôt cristalline, tantôt mutine, gagne aussi en épaisseur. 


Est-ce le bon dosage, le juste équilibre ? Probablement pas.
Et c’est à la faveur du constat que l’appareil est sciemment flatteur que je retrouve (très partiellement) mes appréhensions liées à la formule hybride. Pour autant, jamais ici on ne tourne à la caricature, ni à la mollesse, ni à l’ennui : le dosage tonal est clairement assumé, choisi pour nous prendre par la main.

Aussi, là où certains diront « trahison », je dis : « envoûtement ».

Sur la plage « New Word Symphony » du fameux Gratitude d’Earth, Wind & Fire, le Kalimba semble planer, délicat, tout en titillant par les sonorités métalliques. L’apparition par phase des cuivres, batterie, percussions… puis, dans le prolongement du thème, le groupe entier, met en évidence combien la différenciation des timbres caractérise chaque musicien en « live », le positionne individuellement, sans en submerger un seul lorsque l’exaltation gagne le groupe.

Or, là est l’essentiel !

Alors que la capture est datée, colorée « live » par nature, le Lector réussit à poser tout ce petit monde sans léser ni évaporer quiconque en arrière-plan, et encore moins agacer l’oreille. Les timbres faux de la prise de son restent bancals mais n’agressent plus. Et, chose remarquable, on se laisse convaincre sans réserve par tant de joie et d’éloquence.
Le bénéfice d’une option aussi réussie est indéniablement l’absence de fatigue intensifiant plus encore l’envie de musique.

Et si le séduisant italien n’est pas parfaitement étagé aux extrêmes, rien ne permet de dénoncer une bosse ou un creux redondants dans l’équilibre général ; à la rigueur, apparaît à la longue une petite « complaisance » loudness, très finement distillée et clairement volontaire, qui va procurer beaucoup de corps, de lien, une densité sur l’ensemble du spectre peut-être un rien excessive mais infusant un ressenti charnel d’une louable intensité. On comprendra que cette « cambrure tonale » discrète accompagnée d’une présence qui donne l’impression d’un appareil 3 fois plus gros (ou classe A) contribue à illuminer les timbres de flamboiements intempestifs.

C’est le bon pote rondouillard et jovial en somme.
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SCÈNE SONORE

Sur ce registre encore, le Lector surprend, campe un spectacle truculent.


Pas de flottement, pas de trou central, aucun tassement flagrant de la perspective, le généreux petit italien expose une scène plausible, légèrement plus large qu’à l’accoutumée, peut-être, mais sans excès.


Amateur de grand spectacle, le ZXT-70 est un candidat très appréciable. Ainsi, Schéhérazade (celle de Rimsky-K (on est entre nous)) dirigée par Yuri Temirkanov arbore des allures magistrales qui siéent à son rang. Imposant et fier lorsque le pouvoir, notamment le déchaînement de la nature, s’exprime, le bel italien se fait subtil et fragile dans les volutes plus féminines. Ce jeu de balancier narratif, remarquablement envoûtant par la complicité sensuelle du Lector, n’en dévoile pas moins les passages plus dissimulés, empreints de souffrance ou d’une colère agacée. Grandiose est le qualificatif qui semble le mieux définir une telle recherche esthétique.

Le Sacre du Printemps dans la présentation de Simon Rattle n’est pas forcément ma version préférée. On perd en puissance, en rigueur rythmique, ce que traduit magnifiquement la version de Neeme Järvi, par exemple. Mais livrée en HR, le découpage des plans éclaire l’œuvre par Sir Simon d’une grande lisibilité.

Superbe !


On notera tout particulièrement la netteté spatiale des pupitres. Les musiciens ne bougent pas de leur siège et se révèlent tour à tour dans un spectacle probant et lyrique. Il faut rappeler le prix du jouet qui s’envole bien moins que le plaisir musical. Parce que mon réflexe serait bien évidement d’en oublier quelques limites naturelles.

Alors oui, chipotons encore :

Siouplait m’sieur, un peu plus d’air entre les musiciens ?

Sans doute aussi un peu plus de profondeur ?
Oui peut-être ; ainsi qu’un peu plus de fermeté pour camper les instruments au sol, les installer vigoureusement dans la pièce.

Oui, je pinaille. Et alors ?
Je pinaille si je veux.

Mais reconnaissons que cet appareil fait des miracles en produisant une scène sonore large, étoffée, d’une lisibilité jamais contrariés par l’urgence ou l’abondance d’instruments.
Allez, je reprends une (Schéhé ?) rasade de Stravinsky avant de jeter mon verre derrière mon épaule.
Za zdorovie ! Approximativement, parce que les russes ont une tripotée de « toasts ».

Passons à un petit exercice facile (trop ?) pour clore ce chapitre : une petite formation de jazz, production léchée d’ECM.
Ça ressemble pas mal à un disque d’audiophile mais je vous épargne quand même le tiercé gagnant : Hadouk, un pianiste virtuose canadien mort et une chanteuse s’accompagnant au piano… pas le Concert de Cologne non plus.
Ah ça fait 4… quand même. Quand on dit que les audiophiles n’achètent pas de disques.

The Astounding Eyes Of Rita d’Anouar Brahem ; un de mes chouchous. 
Ma madeleine ? Peut-être.

Les premières mesures de la première plage - oud et clarinette basse - nous confirment ce que je clamais plus haut : cet ampli expose une exceptionnelle palette de timbres. La beauté et les multiples sonorités pleines et nuancées des instruments sont indéniablement superlatives. Effectivement la scène sonore s’épanouit amplement et les humbles virtuoses apparaissent peut-être aussi un peu plus grands ( X 1,5 ? Allez, je vous le fais à 1,3) que généralement. Mais le spectacle est bien là, embrasé par l’effet grossissant, d’autant plus plaisant qu’il reste mesuré et crédible car proportionné, homogène.

Sur ce genre de partition, les instruments sont définis avec limpidité. Leur jeu coule comme l’eau de roche. Les doigts glissés sur le manche ou les fines variations d’un phrasé sont perceptibles jusqu’à l’évanescence. Toutes les facéties sont évoquées, comme un échange de prises de paroles à tour de rôle et, sans effort, l’esprit peut choisir de se focaliser sur la dextérité des mains de l’un, du souffle de l’autre à tout moment, porté, charmé, ensorcelé.


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Et nous glissons, nous glissons sans retenue vers le chapitre suivant : le réalisme des détails.
Vous vous en doutiez ?

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RÉALISME DES DÉTAILS

Si le chapitre liminaire des timbres et de l’équilibre tonal fleure bon, il y a de bonnes raisons de penser que celui de la définition, du réalisme sera également une grande cuvée.

Soit, mais méfions-nous de toute forme de surprise.

Pas de mauvaises ici, à l’écoute du Lector. Mais une précaution d’usage, simple, bête, dirais-je même.


Les premières minutes, le temps d’installer le bestiau, le temps de vaquer à diverses occupations, j’étais un peu déçu, en me concentrant par intermittence, par une écoute un peu monotone, pas très animée.

Il faut donc bien comprendre que, si à un niveau d’écoute proche du fond sonore, on perçoit déjà matières et timbres riches, aux bouquets prometteurs, et une image sonore (à ne pas confondre avec la scène) déjà plutôt piquée, l’ensemble n’est pas très varié ou dynamique.

Quelques degrés de plus sur le gros potentiomètre libèrent totalement la musique et le jeu des musiciens.

Ben oui, c’est idiot. Je ne vous le fais pas dire. Il faut monter un peu le niveau pour entendre de quoi cet ampli est capable. Or, le réalisme des détails étant déjà cohérent à bas niveau, j’ai cru être rassasié et ne plus avoir rien à apprendre du trublion.

 

« Pas bien clair tout ça » - dites-vous ? Oui certes.
J’ignore à quel niveau sonore vous aimez écouter. Personnellement je ne touche plus au volume dès lors que j’ai le sentiment de tout entendre. En l’occurrence, je m’étais limité un peu trop tôt, bridant bêtement ma perception, trompé par la qualité de résolution à faible niveau.

Quelques décibels plus loin, j’ai compris que je ne faisais jusqu’alors que goûter du bout des lèvres (ou plutôt du bout des oreilles ici, mais … la métaphore est bizarre, non ?).

L’intégré ZXT Lector donne crédit et matière à faible niveau, mais demande qu’on le sollicite un peu plus pour révéler la vie ; sans avoir à faire trembler les murs, loin de là.


Toujours avec mon Anouar B. que je savoure de bout en bout… Ça ne vous fait pas ça vos madeleines ?

À peine le paquet ouvert, si elles sont délicieuses, on tombe dedans… Donc avec mon Anouar Brahem de Proust, la clarinette basse surprend, comme éclairée sur scène par la lumière franche d’une poursuite. Elle est fichée face à vous. Le pincement des lèvres délie, saccadés, les premiers filets d’air immédiatement perceptibles, puis les nappes de notes en suspension dans l’espace ouvert de la pièce. Le souffle de l’instrumentiste fait chanter l’intensité des lignes mélodiques, jouant de pressions délicieusement inspirées.

Les cordes du Oud d’Anouar résonnent en apesanteur. Par le biais de l’intégré italien, rien ne se perd, rien ne nous échappe de la poésie du jeu. En tout cas, cet ampli n’engendre aucune frustration. Il semble même nous inviter à approfondir la connaissance de nos morceaux favoris.

 

Un petit tour par le Selmasong de Björk ? Encore elle ? Oui : elle est dans le paquet de madeleines. J’ai cédé. Décidément je manque de volonté.

Bon, je baisse un peu le volume quand même si je ne veux pas donner à penser à mes voisins qu’ils sont invités à mon concert privé.
Et puis, ce sont mes madeleines ! Leur laisser les miettes ? Mouais, à la rigueur. Plus tard.

Quelle finesse de traits, de matières, d’exploration de la caractérisation des effets graphiques apportée aux compositions de Madame Björk !

 

On passe le Cvalda… trop fastoche. Après un Scatterheart captivant dès les premiers sons égrainés par sa boite à musique à disque perforé, je me pose sur les premières mesures de In the Musicals. Les pointes les plus aigües, donnant l’impression de rebondir en rythme accéléré, pourraient être captées d’une basket grinçant sur le parquet d’un gymnase. Curiosité ? Anecdote ?

Pas seulement.
En fait : on frise la gageure lorsque la mauvaise HiFi ne décèle que ce genre de détails, pauvres et caricaturaux pour tout dire, si, comme trop souvent, ils ne sont traduits que par jets, coups d’éclats, bribes plus ou moins pétillantes de véracité, contrebalancés par un épanchement grossier des sonorités basses.



Tout le contraire de la proposition Lector… C’est bien de réalisme qu’il s’agit. Les musiciens, les instruments sont tout simplement présents, suffisamment crédibles pour ne pas laisser place au doute. Et pour rendre l’expérience amusante et joyeuse, des instants de révélations illuminent nos vieux enregistrements appris par cœur. Un signe qui ne trompe pas.

On a certes entendu des intégrés qui procuraient une meilleure séparation des matières. Ce que « Back and Tan Fantasy » sur le génial the popular Duke Ellingon révèlera dans ces instants infiniment subtils où les superpositions des cuivres sur la même ligne mélodique sont un peu plus amalgamés que parfois, nous privant (tout est relatif) des sourires un rien divergents des musiciens surnaturels qui accompagnent le patron. Mais quand même, l’engagement naturel de la bande du Duke est total.

En choisissant un passage bien chargé dans le bas du spectre (« Everythem » par les Young Gods), on notera éventuellement un petit manque de tenu dans l’extrême grave, qui s’arrondit un peu ; c’est particulièrement agréable sur ce genre de musique, mais pas tout à fait juste. Il faudra bien veiller à ne pas choisir des câbles lents ou qui ne tiendraient pas bien l’ensemble.

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Nous voilà arrivé au critère suivant :
Ne vous plaignez pas, on fait le tour du propriétaire et forcément, ça prend plus de temps si l’appareil le mérite.

QUALITÉ DU SWING, DE LA VITALITÉ, DE LA DYNAMIQUE

Si le Requiem de Fauré me donne envie de danser, c’est gagné me dis-je.

Oui bon, peut-être pas danser, soit. Mais au moins battre la mesure, rester en communion (c’est la moindre des choses) avec la musique. 
Je l’avoue : je suis parti un peu loin avec mon exemple.

Pourtant… André Cluytens dirigeant l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire ne livre pas une version standard pour orner la discothèque. On dodeline volontiers du chef pour accompagner la mélodie. « Agnus Dei » se révèle particulièrement habité.
Je parle bien du Requiem de Fauré.


Le belge Cluytens et l’italien Lector nous offrent un somptueux moment d’une grande élégance et d’une implication humaine remarquable.

On est dans la rubrique swing, c’est ça ? Oui : j’y viens.

Un petit détour par la cuisine, mais j’arrive. Je vais en effet encore faire un peu n’importe quoi. L’écoute d’un appareil de la pièce voisine. Ah pas mal ça comme approche non ?

Je m’explique.

Parti vaquer à d’autres choses en laissant la playlist tourner, je profite d’un moment en musique comme beaucoup d’entre nous : en faisant autre chose. Comme écrire ces quelques lignes par exemple, mais aussi dîner sur le pouce, m’affairer en cuisine.


Alors que le niveau sonore n’est pas très élevé, et surtout je ne suis pas du tout en face des enceintes, je suis pourtant pris de l’envie de danser sur, il est vrai, un disque plus samba que le précédent : « Summertime » interprété en formation serrée par Herbie Mann extrait du live At the Village Gate.

Vraiment, même dans des conditions d’écoutes disons approximatives, je dansote, ou je dansouille (que mon correcteur s’empresse de traduire d’andouille). S’il s’y met lui aussi. Mais je l’ai un peu cherché avec mon 5 A quelques lignes plus haut.

Sur le célèbre morceau de James Moody « You Follow me », la répétition du thème repose sur l’exploration des possibilités musicales par les improvisations des musiciens… So what : c’est du jazz ?! Enfin oui, So What c’est du jazz.
Là, on est plus sur les errements du funk ou de la disco. Bref, ça groove à vous donner chaud, ou à filer la bougeotte à un grand père ronchon. J’en connais !

Et pour me répéter : la largeur de la scène sonore et le sens des matières et des timbres sont, une fois de plus, de la fête.

Parmi les critères essentiels, la qualité du swing nous en paraît un inévitable ; le Lector réussit à faire danser sur des cymbales et des bidons, ou à minima pour un jour d’enterrement (mon Fauré), à vous élever en musique.

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LectorZXT70 LeBeauSon


EXPRESSIVITÉ

Passons du disco et des rythmes de samba aux limbes tristes de Radiohead et voyons ce que Lex Luthor Lector en révèle.

Exploration nostalgique du titre Lucky (et non, ni in Limbo, ni King of Limbs !) au mix fouillé, bidouillé d’ajouts en tous genres. Avec cet opus mythique le groupe se hisse au sommet et marque la fin du cycle « guitareux ». Baigné par la moisson d’idées et de sons du puissant groupe britannique, on ressort de l’écoute particulièrement secoué, surpris de l’humanité contenue dans des arrangements aussi sophistiqués.

Comme sur les versions différentes du Sacre du Printemps évoquées plus haut, Lex Lector met en évidence les enjeux narratifs de chaque œuvre, (peut-être plus inspirées, plus sensationnelles qu’initiées par les artistes). Est-ce de l’empathie avec l’auteur ou une interprétation exacerbée ?

Sur la version de Sir Simon Rattle la volonté romanesque s’entend, tandis que celle de Järvi prend un parti quasi « martial» pour tracer l’expressionnisme militant de l’œuvre. Lequel sert le mieux l’auteur ?

Du moment que notre vaillant intégré ZXT permet de distinguer les approches, de mesurer l’intérêt des deux, qu’importe, n’est-ce pas ?


Via le Lector, les approches sont sans doute un rien exacerbées, mais nettement différenciées, expressives et c’est bien préférable à une banalisation ou unification par l’ennui.

J’ai certes vu des personnes s’interdire autant d’introspection, se protéger de cette surexposition d’engagement, tant un contact aussi inattendu désarçonne. L’émotion non filtrée, différenciée, passe sans réserve avec le petit italien. À chacun de la recevoir comme il le peut.

Car le Lector ne rate pas une occasion de vous prendre aux tripes.
Sur le morceau de Clipping : Nothing is safe, une note de piano, un thème simpliste, un chien, un rappeur, vif il est vrai. Ça marche. Rien n’est feint, tout est incisif, efficace et terrifiant par moment, comme cette dernière plage d’un incendie de piano (les claquements des cordes sont sinistres à souhait) annonciateur d’une proche mise en abime ou du basculement vers la nuit des temps.

Tout au plus pourra-t-on manquer d’un rien de rebond et de pouvoir de séparation sur le Britten par Doric où les lignes des deux violons et l’alto se superposant parfois manquent un tant soit peu de distinction, de frémissement. Mais bon, le prix, le prix !

DIAMs 5 Bleu 1 gris


PLAISIR SUBJECTIF

Passerais-je plusieurs années en compagnie du petit Lector ?
Est-il un des meilleurs de sa catégorie, de ceux que je conseillerais ? Sans aucun doute !
Mais pas à n’importe qui.
Il me semble en effet que c’est le genre je joujou à qui on tolère certaines largesses : un léger manque de résolution aux extrémités du spectre sonore, une scène sonore un peu spectaculaire, des timbres sensuels…

Rappelons trois points très importants :

- le Lector ZXT-70 est très abordable. Pour certains, c’est déjà du haut-de-gamme, mais précisément…
- … il surclasse de plusieurs têtes bon nombre de ses concurrents directs sur le terrain de l’épanouissement des timbres et de la qualité du swing. Même s’il reste évidemment deux ou trois challengers qui vous feront hésiter.
- il donne envie d’écouter et vibrer en musique. Indéniablement, bien entouré, les heures d’écoute s’enchainent avec gourmandise, à en redemander sans cesse.

Lector ZXT-70 peut devenir ce compagnon pousse-au-crime, qui vous titille du souvenir de la veille jusqu’à la délivrance par une nouvelle séance de spectacle.


Prenez le temps de l’écouter. Goûtez comme moi (à niveau suffisant), la qualité des timbres pleins, nobles, variés, subtils …
Appréciez la scène sonore large, étagée et sans flottement. Laissez-vous entrainer à quelques pas de danse.

Comparez-le, mais sur nos critères habituels.


Attention aux extrêmes d’un spectre, là où d’autre sur-jouent plus rondouillards, peut-être pour compenser l’absence d’engagement physique, de swing, des timbres mornes, un manque de définition, ou une coloration.

… Soit : le ZXT Lector est d’un tempérament très joueur et un rien aguicheur. Et c’est tant mieux.
Un de ces appareils que j’aimerais pouvoir garder.

DIAMs 6 Bleu

PERCEPTION D’ENSEMBLE


Attention de prendre le temps de faire le bon mariage avec la source. Il lui faut l’éloquence et le punch d’une championne pour révéler son talent. A tester, car toutes ne lui suffisent pas. Et oui, il n’est pas universel.


Mais une fois le bon mariage trouvé, c’est sans se poser de question un chouette jouet, agréable à écouter. Il semble capable de livrer l’essence et le sel d’une interprétation, comme de vous enivrer pendant pas mal de nuits blanches.

Je me suis régalé.
DIAMs 5 Bleu 1 gris

Banc ecoute