à l’oreille





QUALITON A75 - le Poète Athlète

Par Le Beau Son - décembre 2024


 

Perception d’ensemble

 

Je vais faire court : concernant nos critères d’écoute, le Qualiton A75 - d'Audio Hungary - a largement transcendé nos attentes les plus folles et surtout nous réconforte dans notre serment que la rigueur éloquente ne nécessite pas toujours un sacrifice financier relevant du divorce ; ni de s’esquinter le dos.

Un appareil de grande classe qui déstabilisera bon nombre d’amateurs d’amplificateurs à tubes plus beaux que nature cependant qu'il réjouira les mélomanes intransigeants.

Un tel défi à la réification impose un « Diamant sur Canapé » !

DIAMs 6 ROUGEs + DIAMANT Isolé ROSEDIAMANT Isolé ROSE

 NB : Code couleur pour ce banc d’essai : rose, de 6 500 à 12 000 €

L’appareil étant proposé aux alentours de 7 000 € avec des tubes de puissance KT120 (montés pour l’essentiel du test)

 

1942 !

Quand on découvre l’historique de la société Audio Hungary, on lit que ses bases remontent à une période peu glorieuse de l’Europe. Du Monde même…

Bon, certes, les époques ont changé.

Quoi que…

La Hongrie que l’on aime est avant tout la patrie parturiente de Von Neumann, les Voïvodes de Transylvanie, Liszt, Sándor Márai, Vasarely, Bartók, Annie Fischer, Kertész, Kokcis, Vajna (eh oui ! András), Reiner et j’en oublie tant…  

Nos commanditaires ont rencontré Audio Hungary par le patron de hORNS dont nous apprécions grandement les enceintes.

Les produits proposés par Audio Hungary, appelés Qualiton, ont le mérite de ne pas se consacrer à l’élite.

Le joujou testé n’est pas cadeau, soit. Toutefois, compte tenu de ce qu’il offre, il en devient un : issu d’une autre nation au pouvoir d’achat moins contraint (ça dépend où, le mètre carré à Budapest ayant explosé, mais bon on est quand même loin des prix d’autres grandes villes), il pourrait coûter le double. Ou le triple. Et encore, sans garantie de résultat.

Audio Hungary, comme Ortofon au Danemark, tire ses origines de l'industrie radio et cinématographique, sous le nom de « Rafilm National (Radio-and Film technical Company) », produisant une « large gamme » d'innovations.

Divers changements de noms et de directions n’ont pas empêché l’entreprise d’accumuler une étendue de connaissances techniques dans l'enregistrement et la reproduction, culminant peut-être dans la sonorisation des Jeux olympiques de Sotchi.

L'entrée dans l'audio grand public a lieu en 2015 avec l’amplificateur APX200 qui tire son nom d’une référence ancienne d’un des passés multiples de l’entreprise.

La gamme Qualiton n’est pas très étendue mais clairement ciblée :

Une ligne dite “Classic”, composée des :

- X 200 : intégré de 2 x 100 W (!), Push-Pull de KT120 (ou plus) pourvu de nombreuses fonctions ou particularités : une entrée XLR, une entrée phono MM, 4 entrées lignes, mais aussi une entrée RCA dite directe qui peut by-passer le volume, ce qui est aussi prévu pour l’entrée XLR, et des sorties Line, Sub et une qui s’appelle EQ (?), une sortie casque, un réglage grave et aigu à trois positions (bof). Environ 5 500 €

Nous l’avons écouté aussi. Cet engin est pour le moins hors norme… Il évoque un appareil français très célèbre pourvu toutefois d’une énergie mieux concentrée me semble-t-il. En attendant la preuve du contraire. Et la puissance subjective est délirante : il a fait talonner des enceintes françaises de notre panel à priori insaturables

- C200 : préampli, ligne et phono MM, 2 entrées et une sortie symétrique, 4 entrées et une sortie ligne + une sortie Sub… Moins de 5 000 €

- P200 : amplificateur de puissance (2 x 100 W), bridgeable (1 x 200) : 5 000 €

Une ligne dite « A-Series » incluant :

- A35, intégré de 2 x 35 W, petit châssis très élégant, même ergonomie que l’A75. Moins de 5 000 €. Je l’ai sous les yeux, il est minuscule !

Mais alors, comment il envoie du bois ! Bluffant pour le moins ! Nous l’avons en effet eu aussi, brièvement, entre les oreilles. Son format mini-chaîne trompeur est vite oublié, nous ramenant presto à l’essentiel de la musique : mais quelle sorcellerie utilisent ces gens dont nous ne comprenons pas l’organigramme ? Le sang de Dracula ?

- A75 donc.

- 300B : intégré Push-Pull de 300B de 2 x 25 W (j’ai hâte !) dans un châssis hybride entre série Classic et série A. 10 000 €.

je ne résiste pas à l'envie de vous montrer le 300B

- Phono Preamplifier, qui est ? Un préampli phono, bravo ! MM ou MC (bas et haut niveau) à tubes (l’utilisation des tubes en l’occurrence, n’est pas claire pour moi) : 3 500 €

- Step-Up Transformer, un transfo élévateur donc qui me rassure quant à la conception du modèle Serie-A Phono : 750 €

Je ne vais pas développer longtemps le côté technique du modèle A75. Mais quand même…

6 tubes entrée et driver, Push/pull de KT120 ou 150 ou 170 pour une puissance identique de 75 W, 1 entrée symétrique (!) clairement qualitative et 3 entrées lignes RCA, sorties 4 et 8 ohms.

Pas de réglage de bias. Il est automatisé. Toutefois, au moment de retuber, favorisez des quartets vraiment alignés. Ce qui est le cas de ceux fournis avec l’appareil. La course du potentiomètre est lente et, peut-être de type linéaire, celui-ci ne délivre pas toute la puissance sur quelques degrés et permet au contraire de jouer avec une large course de réglage.

 Une télécommande lookée - que notre photographe a oublié de photographier - est fournie avec cet objet joliment dessiné, très compact (ce qui rend ses vertus sonores plus surprenantes encore), recouvert d’une noble matière. Le couvercle, qui résiste quand on cherche à le retirer (bravo !) est lui aussi bien intégré. Pas sûr qu’on puisse l’utiliser sans devoir ajouter des rondelles en cas de KT170.

On constate le sérieux de l’entreprise dès le déballage de l’appareil, double emballage, mise en garde répétée concernant la mise en place des tubes, disposition soigneuse des boites contenant les tubes, dégagement pour les mains, mode d’emploi copieux, petits gants…

On pourra évidemment gagner en remplaçant les tubes d’entrée et driver par d’autres références, mais ceux fournis par Audio Hungary (des Electro-Harmonix) sont de bonne facture.

Ecoute menée en compagnie de : Kuzma Stabi S + Stogi S + Hana Umami Blue, Grandinote Celio, EERA Andante III et Majestuoso III, Atlantis Lab AT23, Living Voice R25, hORNS Aria 3 Mk3, FP12 Mk2, FP15Mk2, ppfff Ava 2.5, câbles Neodio Fractal 8 et 16, Wing 2.1, David Laboga.

 

DSCF9751 AC

 

 

Qualité du swing, de la vitalité, de la dynamique :

 

Autant vous prévenir tout de suite, nous avons écouté pas mal de musiques densément complexes !

Pourquoi ?

D’abord parce qu’on aime ça.

Euh, pas le patron, mais il n’était pas là. Il a du boulot.

Et parce que le Qualiton A75, par sa capacité rarissime (à ce prix et bien au-delà sans aucun doute !) à décortiquer les fragments sensitifs - comme on hume le mets raffiné qu’une sommité de la restauration étoilée vient de poser solennellement sur votre table, avide d’en détecter sensuellement les ingrédients et mystères avant de savourer langoureusement chaque bouchée, délicatement mastiquée - procure l’envie immédiate de se rapprocher des grands moments des musiques parmi les plus intenses, les plus alambiquées, en apparence

Est-ce une raison pour bousculer encore l’ordre des rubriques ?

Oui, car lorsque nous avons reçu l’appareil, je l’ai déballé avec impatience, l’ai tubé et ai tout bonnement remplacé l’amplificateur branché sur le système en route. A savoir un DAC Eera Andante et des hORNS Aria 3. Puis relancé le fichier qui tournait préalablement, « Belly of the Beast » extrait de Unflesh de Gazelle Twins

Contact...

... outch ! Percuté par Pasilio Tosi * en pleine charge !!!

Ou un autobus. C’est pareil…

tant l’énergie – incandescente et endiablée - déployée par un appareil pourtant pas très gros et sur des enceintes à rendement moyen nous a instantanément interloqués !

* Pilier des All Blacks, 140 kg fonçant comme une locomotive.

Et ce, en couvrant l’intégralité du spectre dans une homogénéité dynamique sans faille chauffant à blanc une fournée peu complaisante de Gazelle Twin.

Ecouter « Belly of the Beast » dopé à l’érythropoïétine (E.P.O, oui, bon…) qui circule nativement dans les veines de l’intégré hongrois martèle aussi ardemment qu’une volée exutoire de coups droits gavés de testostérone (et d’alcool !) balancés dans un mur de briques par un hooligan dont l’équipe idolâtrée vient de se faire massacrer lamentablement *, fortifiant une charge d'acier musicale déjà abondamment retrempé par l’apocalyptique compositrice.

* le 21e siècle est une ère de lumière.

Gazelle Twin, il faut que je développe car, si certes la dame est dans le circuit depuis quelques années, je ne l’ai découverte qu’il y a un peu plus d’un an en farfouillant dans les nouveautés BoQuz, via son dernier album en date : Black Dog !

Un chef d’œuvre ! Immortel.

Premier, tels les nombres premiers, indivisibles sauf par 1 et lui-même.

Ce qui est aussi vrai pour The Entire City (2011), Unflesh (2014) ou Pastoral (2018).

Miracles gravés par une musicienne que je qualifie sans hésitation aucune de pur(e) génie.

A classer auprès (ou au-dessus) des incontestables grandes novatrices depuis Hildegard Von Bingen qui, depuis quelques années, submergent la production masculine ; à quelques exceptions près, peut-être.

Oh, son cosmos ténébreux, chamanique et surréaliste ne plaira pas à tous et en renverra même beaucoup à leurs contradictions ou limites d’audace et d’acceptation face à l’art brut !

Peut-on imaginer le bond sans transition de ceux qui, ayant à peine digéré l’impressionnisme, se trouvaient soudainement confrontés au Picasso des Demoiselles d’Avignon ?

 Black Dog

 

Elizabeth Bernholz (Gazelle Twin) submerge une Tamara Łempicka puissance 10, identité forte et indépendante - une divinité dans ma planète artistique, qui relève de l’oxygène -, dont l’expression(nisme ?) ne ressemble à nul(le) autre, donc incopiable, triomphant cependant par un abondant renouvellement au fil de ses ultimes chefs-d’œuvre, chacun semblant un concept en soi dont les seuls points communs sont le refus de la posture, du dogme, du laxisme, de la concession ou de la paresse duplicative, alors qu’embringués dans des obsessions récurrentes pointant des thèmes multipolaires, les frénésies intérieures, les illusions de la nature face aux vaniteux mensonges de la civilisation, la mort et la résurrection, l’approche de son propre au-delà s’opposant à la sournoiserie du déni…

L’imagination aussi torturée que débridée d’une indéfinissable Muse, sa rigueur maniaque dans les compositions et manigances sonores, ferveurs rythmiques et arrangements synthétiques, la minutie de la production, modèlent le cocon prodigieux et enchanteur sublimant une musicienne accomplie puisqu’elle est en outre une immense chanteuse, scarifiant de médiocrité les hurleuses chéries de la pop ou les paresseuses vénérées du jazz moderne : le morceau final piano distordu / voix, A Door Opens (tout un programme) cruellement difficile vocalement, délie un rêve surréaliste beau à pleurer transcendant la douleur de Lady Day. On surpasse en effet la virtuosité pour atteindre l’entéléchie.

En vérité, tout, dans ses ouvrages, est vigoureusement poignant, empoignant même, tel un massage exotique du cœur ; quel que soit le thème !

Maestria flirtant avec l’extrême de la Passion qui peut aussi bien épanouir que détruire quand elle piétine la Raison.

Black Dog est un impudent voyage dans le cerveau intrônant l’Essence aussi inventive que torturée !

J’avoue que j’aimerais rencontrer cette compositrice aristocrate pour déchiffrer son processus créatif, tant on est loin de la succession chronologique standard : j’écris un texte pour lequel je compose une mélodie, ou vice-versa, et je vais bricoler des arrangements pour le tout…

Bon, quand c’est Schubert, ça offre des instants intemporels, alors que dans… euh… une très vaste part de la variété française, le R&B ou la pop internationaux, ça crée du rien. Une soupe insipide maquillée par l’industrie alimentaire.

Je suppose qu’il s’agit ici (chère Gazelle) d’une conception d’ensemble, complète, viscérale, distançant le fantasme Wagnérien d’un art total tel que Björk l’a expérimenté à ses dépens. Je pense à Biopholia !

Black Dog forme une sorte de cycle (d’où la référence à Schubert), commençant par un long cri bouleversant (I Disappear), pour finir (avant-dernière piste Walk Throug Walls) par une puissante imprécation retournée : « I Reappear », nous ayant entraînés dans l’intervalle au cœur brûlant d’un intime – impudique ? - maelström frénétique vigoureux ; et épuisant, tant l’album est impressionnant de dirigisme, étouffant, impitoyable, éprouvant et sans doute même effrayant, camisole claustrophobique nous imbriquant dans les errances névrotiques (démons intérieurs ou dépression : black dog) d’une âme torturée en recherche de paix face aux angoisses de l’enfance centrée sur la prémonition de la mort, mais si incroyablement beau à l’arrivée, qui nous balade dans un univers psychotique ensorcelant, profondément expressif, symbolisme éloquent utilisant un arsenal instrumental plus éblouissant, ingénieux et dangereux pour nos nerfs que la panoplie des menaces nucléaires réunies par les plus agressives nations d’un fanatisme impérialiste, économique ou religieux.

Beau, oui, sans aucun doute, bondé de boucles, fantaisies harmoniques, nappes surhumaines, chœurs vampiriques, échos de l’au-delà, ronflements magmatiques pilonnés aussi implacablement que lors d’une phase fondatrice de l’éonothème hadéen, gorgé de chimères jamais redondantes, concentrées au contraire vers la quintessence parachevée au profit d’idées marquées, palpitantes, intelligentes ou intuitives, sans le moindre laisser aller, la moindre facilité, nous immergeant vigoureusement dans un chaos épais, parfois goudronneux, d’autre fois lumineux, fracassé de vertigineux impératifs psychologiques magnifiés par l’esthétique vertueuse, au risque que celle-ci soit distordue par nos pires hallucinations…

La magistrale démiurge nous embarque dans une entreprise ancrée sous des fondations de rythmiques martelées où tout fait voix, Opéra dont la scénographie touffue ne tolère pas un millimètre d’écart aux acteurs sonores (notamment au système de reproduction), innombrables figurants voisés, rusés artéfacts acolytes, foisonnants comburants ou harmonieux phlogistiques, imperceptibles détails du décor…

Nous laissant à peine quelques courtes plages de respiration pour nous abîmer dans une abyssale plongée au sein d’un poisseux labyrinthe aspirant.

Avant la libération finale.

Un an que nous écoutons régulièrement ce spicilège de la grâce éreintée (et les autres opus de la dame supérieure) sans la moindre lassitude… de ces albums qui se comptent en moins d’une centaine en plus de 20 siècles sur les doigts incommensurables de la Création, ceux qui rendent difficile d’en trouver un à suivre.

Et que nous goûtons plus savoureusement encore, plus enivrés de folie ardente sous l’égide du petit A75 décortiquant les méandres filandreux en nous enfouissant la tête au sein des ténèbres de la nébuleuse organique de l’immense Gazelle, implantant un noyau au cœur de chaque fraction sonore, nous interdisant de nous échapper de l’emprise, et ce, quelle que soit l’enceinte branchée

Oui bon, on n’a évidemment pas choisi des bouses non plus.

DSCF9741 AC

 

… En passant d’un Opéra à un autre, la vigueur énergétique du joujou hongrois est telle que, en le branchant sur une armoire funa-dansu, c’est Luciano Pavarotti qui en a jailli dans l’ochaya de Madama Butterfly.

Rugissant, frais, sémillant, épanoui !

Puccini, Mirella Freni, Pavarotti, Ludwig, Karajan, vinyle 1973. J’éprouve une grande passion pour l’atemporel talent de Mirella Freni

C’était quand même une grande époque pour l’Opéra…

Soit, la version de Karajan est peu scénique, cependant qu’un orchestre surnaturel (le Wiener Philharmoniker, au fait) nous immerge de faste et splendeur !!!

Freni, en quelques notes, admoneste une atmosphère psychologique sinistre de candeur intemporelle, un peu moins approfondie par Pavarotti ; pour être plus précis, on a connu des Pinkerton plus cyniques. Ou plus cons.

Mais que dire de la présence inouïe de Christa Ludwig incarnant une Suzuki d’un symbolisme « Me Too » avant-gardiste face à la femme-enfant qu’est tout bonnement l’innocente Cio-Cio San, victime d’un carcan culturel, proie du machiavélisme inconscient de l’impérialisme sous toutes ses formes. Pire que les roueries de la Grande-Hifi-Internationale. Hi hi…

Quel casting quand même, quel grand art pyrotechnique.

Le conquérant Qualiton A75, comme dans l’exercice précédent, sculpte, malaxe, grave l’espace de notre salon de musique, implémentant une figuration charnelle autochtone surnaturelle d’autorité et de naturel jamais grasse ou flasque… La prise de son particulièrement réussie d’une bouleversante proposition artistique nous invite dans l’intimité directe, presque dérangeante, des musiciens, tangibles, palpables, sur la scène même !

Du tube tout sauf mou ! Si si !

Indignement aguicheur ? Oh que non. C'est tout le contraire : la vénusté est celle des musiciens, pas celle de l'appareil !

Mais ne me serais-je pas déjà engagé dans la rubrique expressivité ? Aïe…

Je vais trouver le temps de replonger dans la version Angela GheorghiuJonas Kaufmann, Enkelejda Shkosa, Pappano, probablement une référence moderne plus engagée dramatiquement, frôlant parfois l’hystérie straussienne. La captation est hélas un peu étriquée ; qu’importe…

En terme de plénitude, cet engin nous fait comprendre que la plupart des amplis du marché (même à pas de prix) transforment l’espace sonore et tonal en successions de barres ou lignes plus ou moins serrées et d’une densité inégale ou prosaïque, tandis que l’A75 multiplie les strates et surtout comble les intervalles par une affirmation énergétique relevant de l’architectonique (au sens aristotélicien), incluant une armature musicale épargnée de toute mise en avant malencontreuse, de saillies peu ou prou gueulardes pour autant que l’enceinte suive, aucune outrance mais une prise de possession de l’environnement avec une tranquillité patriarcale sure de son rang, de la digne verticalité de sa lignée

Dès lors les questions de dynamique, swing, groove etc. mutent en vaines interrogations ayant fait place à l’évidence du vrai…

Le plus surprenant est que ces vertus contredisent le manque d’universalité statistiquement observé à l’écoute de machins dont la personnalité est aussi affirmée.

Ainsi, le constat d’un sculpteur à l’œuvre - marbre, argile, terre, pâte à modeler ou fondeur de bronze - vaut pour des enceintes aussi différentes en comportement que les hORNS Aria 3 (86 dB), FP15 (96 dB), Atlantis AT23 (rarement aussi éblouissantes), les Ava 2 dont il révèle des qualités de transparence stupéfiantes tout en respectant enfin (Kondo Overture 2i ou ensemble Alef Prima + la Musica mis à part) leur ferveur à explorer l’extrême grave, point qui surprend également avec les FP15.

Branché sur des Living Voice A25, il transporte celles-là vers une tout autre justification, et c’est proprement saisissant.

Le swing ? On s’est vraiment enflammés, en compagnie de visiteurs de passage, en écoutant un exercice pourtant pas aisé : Enter the PlusTet (2016). Taylor Ho Bynum, épaulé par Stephanie Richards, Nate Wooley, Vincent Chancey, Steve Swell, Bill Lowe, Jim Hobbs, Ingrid Laubrock, Mat Bauder, Jason Kao Hwang, Tomeka Reid, Jay Hoggard, Mary Halvorson (pas toujours aussi inspirée) Ken Filiano et Tomas Fujiwara réinventant le Big Band.

Où l’ex-complice du très dogmatique référent du free-jazz Anthony Braxton, pulvérise le genre en un moment ludique nonobstant sa complexité auditive, accumulant les fulgurances d’idées individuelles - cependant heuristiques -, explosions délirantes en roue libre, ou recentrées - en d’autres moments - en urbanisme plus rigoureux que des barres d’immeubles soviétiques paradoxalement orné d’un humour contradictoire (pas très Braxton tout ça (ni soviétique) !) qui se rit des arguties…

Toutes figures acrobatiques où la Patrouille de France carburerait au mélange TGV * aromatisé kérosène / globules rouges, au moment de se coltiner aux méchants pilotes Sith de Star Wars, que l’intégré hongrois détortille en rythmes et couleurs insensés mais finement détourés pour séduire vos oreilles, votre cœur, votre cerveau qui en amèneront certains à la nausée, puisqu’aucune des virevoltes ou ruades de voltige ne vous sera épargnée par le joyeux et époustouflant Qualiton A75.

* TGV : Téquila Gin Vodka

DIAMs 6 ROUGEs+DIAMANT Isolé ROSEDIAMANT Isolé ROSE

 

DSCF9804 AC

 

Réalisme des détails :

 

 Toujours dans le désordre des rubriques, je continue sur la lancée entamée ci-dessus pour raconter la transparence qui nous a médusés.

Capacité résolvante sans extraction ou surexposition, soyons clairs, bel et bien liée à la capacité du faussement humble intégré Qualiton à matérialiser l’énergie sur toute l’étendue du spectre, sans jamais forcer, impliquant une insolente vélocité aussi bien perceptible par d’inénarrables variations des fronts d’onde que lors d’interminables extinctions de notes

Il y aura surement des limites ou des contradictions. Auquel cas, changez d’enceintes.

Les deux disques précédemment décrits ont été clairs à ce sujet, car ils sont particulièrement exigeants, pouvant facilement s’agglutiner en indigeste bouillie…

Allan Pettersson, altiste, mais surtout immense compositeur, est l’exemple même de l’artiste maudit, avatar idéal du Sturm und Drang façon Goethe. Son héritage, ses rencontres, sa santé précaire, l’incompréhension de ses contemporains (pas tous : à preuve Antal Dorati, créateur de la 7e Symphonie) d’une écriture poussant à fond l’abstraction et la symbolique, intellectuellement (et, subséquemment, dogmatiquement) dépassée par la dictature de l’atonalité, qu’il compense par la colère et l’ekphrasis de l’angoisse existentielle.

Goethe croyait « en » Dieu (se promenant entre le Christianisme et une forme floue d’agnosticisme cependant), ou, à tout le moins, « en » Méphisto, à qui il reproche, somme toute, sa propre quête de l’éternel féminin. Auquel cas, la malédiction s’acharnant sur Pettersson relève du divin.

Quand bien même sa 7e Symphonie est la plus « immédiate » de son œuvre ardue, elle exige à minima un A75 pour exister sans méprise quant à sa complexité introvertie.

Opportunément, le label Bis (hélas passé récemment sous les griffes tyranniques (méphistophéliques ?) d’Apple Music) s’est évertué à produire l’intégralité de l’œuvre d’un génie malmené (incomplète à ce jour), labeur engagé par Leif Segertam et repris par Christian Lindberg à la tête du Norrköping SO, sans doute pas le meilleur orchestre du monde qui, nonobstant, par son application et probablement son abnégation, met en exergue des moments de grâce.

Car, dans le même « disque » de 2017 nous sont proposées la 7e, où l’efficace intégré du jour révèle la volonté de Lindberg de souligner (pas surligner) tout pouillème de parcelle douloureuse d’orchestration dans sa plus subtile couleur sans jamais perdre une vision globale, soit ; mais surtout la 5e !

Beaucoup plus complexe, exigeante, égarant parfois même les rares adulateurs de l’ignoré Suédois, quand bien même elle n’atteint pas la violence démoniaque de la 10e aussi menaçante que l’ouragan hystérique d’une imprécation divine courroucée… Quasi introuvable. Sauf Dorati en vinyle (1975, EMI, Stockholm PO) ; 10 & 11, Alun Francis (NDR RP, CPO), la 11e (Leif Segertam avec le Norrköping).

Est-ce dû à l’utilisation systématique d’un seul intervalle (le second), sous des formes diverses et divergentes, amenant une complexité rythmique accaparante ?

Oui ? Non ?

Ou les répétitions monomaniaques de notes dans un même intervalle, où consonances directes affrontent de brutales dissonances…

Oui ? Non ?

Ou comment développer 40 mn à partir d’un matériau basique dans une organisation complexe ?

Euh… Oui ? Non ?

Pas de réponse ? Je vous remercie de votre aide.

Autant d’arguments qui, bâtissant une œuvre de référence, incarnent sans aucun doute la terminaison métaphysique de Pettersson ou – plus compromettant encore - de l’expression ontologique de la désespérance * : un minutieux contrôle de la sinistre pression exercée sur l’auditeur, pétrie par les mains lentes d’un laborieux bourreau – l’inexorable cheminement de la vie -, accédant à d’imprévisibles climax d’une violence inouïe qui écorchent notre esprit d’une blessure difficile à refermer.

* plus intimement métaphysique que le désespoir,

Et encore, Lindberg évite de forcer la dose, préférant accoter les nombreuses idées orchestrales tout en préservant magnifiquement la vaste charpente de l’édifice culminée par deux tours asymétriques d’une cathédrale digne de décors d’Heroic Fantasy tourmentée façon Torquedara Varenkor, vecteur – même si ce n’est pas la rubrique – d’admiration de la foultitude de couleurs, nuances harmoniques nourries de matériaux concrets, que burine l’intégré hongrois.

Et, tout aussi soutenu, le parcours millimétré particulièrement intelligible par l’intermédiaire du A75 qui déroule harmonieusement des reliefs internes topographiques supérieurement affutés, les prolongements infinis ou les « amortis » de notes, tout en dégageant beaucoup d’air autour des musiciens surmontant une prise de son un tantinet compacte.

L’ampleur orchestrale est dès lors remarquable et, via les Ava 2 de ppfff, nous sommes subjugués par la transparence de la restitution qui respecte placements, couleurs, grains, articulations les plus délicieuses dans une perspective d’un rare réalisme, sans jamais se perdre au détour des variations dynamiques les plus folles, des instants subliminaux d’une densité matérialisée, des explosions fatales parfaitement maintenues à leur place, leur échelle, leur résolution.

Au passage, je précise qu’un essai dans la même configuration en remplaçant les KT120 par des KT150 ne change guère les timbres, tend un peu plus l’équilibre tonal et affine un soupçon de transparence (après rodage, parce que, au début, c’est raide !)

Je suis, à propos de ces tubes (les KT150 ou 170), étonné d’entendre çà et là des avis définitifs d’individus qui affirment : je n’aime pas la KT 150, elle est comme-ci ou comme ça…

Pour l’avoir écoutée affectée à des appareils très différents j’en ai retiré des sensations très variées et ne peux rien en conclure de définitif.

Oui, bien sûr, divers amplis étudiés pour la KT88 où l’on remplace simplement une KT88 un peu redondante (il en existe beaucoup) par une KT150, ne va certainement convenir à toutes les oreilles. De là à « savoir » !

DIAMs 6 ROUGEs+DIAMANT Isolé ROSEDIAMANT Isolé ROSE

 

DSCF9736 AC

 

Richesse des timbres et équilibre tonal :

 

 

Ce qui détermine le mieux le caractère de l’intégré Audio Hungary, c’est la verticalité.

Cette capacité que l’on cherche tant (vainement) dans la hifi à charpenter une colonne vertébrale aux « sons », dépourvue de toute scoliose, un ancrage évident dans le sol où l’aigu puise sa densité, sa plausibilité harmonique dans le grave.

Tout le monde (mouais, bon, je sais) connait le fameux cycle de lieder de Schubert : Der Winterreise D.911.

Nombreuses sont les versions d’attachantes à inoubliables, l’énumération prendrait quatre pages alors qu’il en faudra nettement moins pour compter celles de l’adaptation du même cycle par Hans Zender en 1993, qu’il a lui-même appelée « interprétation composée ».

La version Zender (interprétée par Hans Peter Blochtwiz) est évidemment indispensable ; toutefois celle de Sylvain Cambreling et Christoph Pregardien et le Klanforum Wien (Kairos 1999) s’impose, particulièrement remarquable de vénusté, imprimant un tissu émotionnel d’une dérangeante gravité…

D’abord par la sensualité radieuse de Christoph Pregardien, dont la maestria de conteur et la sublime expansion aquarelliste jouit de l’épanouissement plus libre autorisé par la « recomposition » de Zender, véritable théâtre musical, ou plus précisément mise en onde sonore scénographiant le texte avec brio, illumination de timbres, où les instruments jouent parfois en s’aventurant hors de leur sonorité naturelle…

La délicatesse du geste de Cambreling tout comme le somptueux raffinement des teintes et carnations de la palette orchestrale sont plus exaltés encore par la quasi-magie de l’A75 (en KT150 à ce moment) branché alors sur les FP15.

Quasi-magie parce qu’il doit bien avoir des défauts !

Pas alors en tout cas…  

L’introduction de Gute Nacht est piégeuse, les pas dans la neige du voyageur émergeant de loin, très lentement, du froid brouillard du silence, tracés par des frottements de balais de percussions idéalement concrétisées, donnant l’envie, pour percer le sfumato, de monter le volume, ce qui se révèlera une erreur au 2/3 du lied éclatant d’une dynamique hallucinante qui n’effraye cependant pas l’A75 le moins du monde… Il faut plusieurs minutes d’une émergence patiente ponctuée de quelques éclats de cuivre particulièrement burinés par l’intégré hongrois, matière éclatante, rutilante, coruscante, avant de pouvoir identifier la rythmique caractéristique du lied, jouée ici par une cajoleuse guitare. Le thème sera lancé par une flûte chevrotante avant que le génial Pregardien (père) n’entre en scène…

Pour info, quand Gute Nacht, par exemple, demande 6 mn 02 à Andrè Schuèn, la version Cambreling requiert 10 mn 10.

Dans un exercice sans le moindre lien mais objectivement grandiose, Fossora de Björk (extrait de Fossora de Björk), la complexe structure de la piste, ses multiples clarinettes, clarinettes basses, hautbois et percussions très sèches plus claquantes qu’un fouet, superposés à la voix acérée de l’icône islandaise, peinturlure un bariolage qui pourrait tourner illico au fouillis, voire à l’agression, sans la capacité de l’intégré Qualiton à décrypter la palette harmonique intriquée, déterminer les matériaux pourtant enchevêtrés et la sureté rythmique indispensable

Par ailleurs, via une promenade parmi des personnalités que nous admirons, à commencer par Gazelle Twin, Liesa van der Aa, FKA Twiggs, Maria Uzor, Dani Siciliano, Malina, Marina Topley-Bird ou St Vincent, nous constatons avec surprise une bande-passante plus étendue que d’habitude (en dépit des quantités d’appareils qui nous sont passés entre les oreilles), procurant notamment aux FP12 et aux Ava 2 un extrême grave certes tendu mais spectaculaire, incluant des robustes vagues d’arrière fond créant une sensation d’espace inusité, une définition de modulations enthousiasmantes dans le bas et très bas du spectre, ainsi, sur toutes les enceintes, qu’une extension de l’aigu, pas tant par la hauteur retranscrite que par le maintien de ses énergie et substance.

Ce qui nous a donné envie d’écouter un orgue, une fois n’est pas coutume, en l’occurrence Nicolas de Grigny, Récit de Tierce en Taille langueurs et cadences, vitesses et mouvements »), une œuvre sans éclat dynamique violent, mais où le soutien du pédalier est constant, parfois déroutant, révélé avec aplomb par le Grand Orgue de St Eustache (Jean Guillou, Dorian 1998) … Et par le petit A75 ne redoutant décidemment aucun exercice qui semble un défi à ses dimensions très contenues et son poids pas dingue (21 kg pour mémoire).

Et puis, pour d’autres sensations couleurs, nous avons choisi les morceaux parallèles – quand on connait le reste de leur répertoire – The Brain Dance et Apeirophobia par Tosin Abasi et Javier Reyes (Animals as Leaders) à la guitare acoustique (amplifiée) susurrant (dans l’introduction et le pont pour The Brain Dance et la totalité du morceau dans le suivant) des fluctuations délicates de pastels et boisés absolument exquises aussi légères que le vol éphémère d’une mouche des fruits.

Suis-je étourdi… Ce paragraphe relève de la rubrique : Réalisme des détails. Non ?

Patron, qu’en dis-tu ?

Ah pardon, je te dérange, tu bosses, Boss…

Équilibre tonal : 

DIAMs 6 ROUGEs+DIAMANT Isolé ROSE

 Richesse des timbres :

DIAMs 6 ROUGEs ?

 

Scène sonore :

 

La phénoménale remasterisation du Requiem de Verdi, Mirella Freni (qu’y puis-je ?) Christa Ludwig, Carlo Cossutta, Nikolaï Ghiaurov, Berliner Philharmoniker et Karajan (qu’y puis-je ?) en 1972 a révélé une grandiose version (que je ne connaissais pas ! J’ai honte) ramenant l’œuvre vers le sacré quand beaucoup s’égarent dans un mélange de grand spectacle et d’opéra.

Si Cossutta est un peu en dessous (déployant un timbre magnifique cependant) au sens de moins inspiré, un peu coincé dans le belcanto, ses partenaires solistes sont admirables en tout point, eux aussi (je fais référence au Maestro) respectant la liturgie.

Mais, dans le cadre de cet essai, ce qui rassure, c’est la vastitude de la scène sonore aérée dans toutes les dimensions par le Qualiton A75 (avec les Aria 3 (la combinaison est idéale !)).

Une scène d’une grande stabilité tandis que débordant du cadre des enceintes et naissant loin en arrière pour révéler une atmosphère de salle très naturelle.

Et les chœurs !!!! (Wiener Singverein). Narguant leur vigueur souvent sollicitée (Dies Irae jusqu’au Confutatis), jamais la moindre dureté ne vient heurter l’oreille alors que la répartition céleste en est suprême…

Chamber Quintet, autour des frères Oleś, Bartłomiej Brat (batterie) et Marcin (contrebasse), Emmanuelle Somer (hautbois, cor anglais), Michael Rabinovitz (basson), Erik Friedlander (violoncelle) complètent cette formation atypique.

Jazz ô combien imaginatif dont aussi bien les harmonies que les séquences rythmiques peuvent s’avérer ardues, il est quand même d’un abord détendu, truffé de moments de grâce exaltée… bourlinguant de luxuriantes parcelles fortement structurées à des séquences d’impro sous contrôle, la plastique de l’ensemble est d’une grande élégance, comme celle, naturelle, des frangins polonais, légers ou graves, vifs ou usant de fonds de temps ciblés, leur jeu est exquis entre les touchers décontractés de Bartłomiej et les suites habiles de Marcin, ne cédant jamais à la moindre faiblesse de démonstration.

Leçon de swing par l’A75 pour la totalité d’un album très varié, parfois dramatique mais le plus souvent relax ou cocasse décrivant une totale complicité dans un exercice exploratoire qui aurait aussi bien pu être cérébral confié à l’infamante majorité des entremetteurs galvaudés de la Grande Hifi louangée.

Dans les croisements harmoniques volontairement indécryptables comme pour former des instruments n’existant pas, la capacité de l’ensemble du moment (A75 + FP12) à aposter les intervenants par une totale stabilité, verticalité comme dit plus haut, permet, si on en a envie, de sonder les charades, comprendre avec délectation qui fait quoi dans cet épanchement de couleurs inimitables…

Deux exemples grandioses de l’humanité, la vie, la chair et le sang exposés crument par le petit A75

Et de ces exercices qui prouvent définitivement que lorsqu’un appareil est réussi, il est difficile de dissocier les critères. Tout étant intimement lié…

Scène sonore :

DIAMs 6 ROUGEs

 

DSCF9746 AC

 

Expressivité :

 Je ne sais pas si l’éclat donné par le Qualiton à Black Tie White Noise (le premier des trois titres éponymes dans ce long recueil, édition De Luxe, double album), extrait de l’album éponyme (eh oui !) de David Bowie, résurrection artistique en 1993, est une démonstration d’expressivité, mais pour moi oui quand même, car j’avais souvenir d’une production sophistiquée pour ne pas dire alambiquée (partant un peu dans tous les sens et virant au pensum) mais d’une qualité sonore finale platouille et compressée.

Si, compressé, l’album l’est toujours, le relief gravé dans une dynamique de 3 dB dopé par notre nouveau copain analeptique (et probablement référent) chamarre hautement un plaisir généralement terni par une masterisation pas vraiment digne de l’Etoile britannique. Beau Oui, come Bowie

Révélant des irrévérences musicales que je n’avais jusqu’alors qu’effleurées dans un album qui, pré-Outside (1995), chef d’œuvre absolu dévoyé par la tyrannie naïve et indirecte de Brian Eno, dérangeant pour l’égocentrisme bowinien, ramenait déjà la Shining Star à un besoin cérébral fondamental de renouveler son statut de marginal.

Le Qualiton A75 se délecte d’un niveau moyen de masterisation pour en déployer le gigantisme fécond, certes morcelé en instants inégaux, le talent féerique anabolisant de l’intégré du jour n’ayant pas pour vocation de se substituer à d’errantes indigences humaines : il ne truque pas et se contente de ne rien retrancher. Avec panache.

J’ai raconté longuement plus haut la puissance émotionnelle poignardée par la lame de Black Dog affilée par Gazelle Twin : même si l’éventail fertile d’une performance aussi atypique et dérangeante pourra surprendre dans cette rubrique, franchement, fidèlement retranscrit, ça secoue les entrailles, la cérébralité et les convictions culturelles !

A condition d’accepter de se remettre en question, soit.

Lors d’un précédent BE, nous avons évoqué le plaisir immense surgi de l’extrême et foldingue album Mercedes de la française Malvina (Meinier) Malvina Mercedes dont le titre phare est probablement Brat, cinglerie singulière et fondamentalement corrosive techno/électro/métal, d’où n’en jaillit pas moins - par l’entremise de l’A75 et en dépit de son acharnement de troupeau de bisons défonçant le cœur d’une centrale nucléaire - une tellurique charge sensible

La dame, euh... délicieusement provocatrice ?... a eu la très bonne idée d’en enregistrer une version live piano / voix au Studio Ferber.

Or, cette lecture très calme, sereine, le plus souvent psalmodiée d’une voix grave étayée par un piano dont les notes caverneuses enfoncent le tempo, tient de la gifle, prouvant si c’était nécessaire quelle grande interprète vocale elle est ; son texte traduit en français révèle une crudité plus ardue encore, pour ne pas dire assassine, que la version originale. Le ressenti est plus que captivant d’entendre telle poésie concrète apparemment apaisée, fouaillant en premier lieu le cœur (creux ?) de notre vulnérabilité d’homme, quand bien même le poème emblématique – déconseillé aux hypocrites oreilles chastes ou celles des enfants - s’adresse probablement à un seul, un amant dont le minable comportement devrait raviver de nombreux souvenirs chez bon nombre de nos contemporains mâles.

Là encore, le héros du jour nous interdit d’échapper à la déclamation féministe si évidemment juste sans jamais sombrer dans quelques excès du politiquement correct.

Bon allez, je vous accorde trois trucs plus cools :

- le premier album de Nina Simone, publié en 1959 : Jazz Played as in an Exclusive Side Street Club, en vinyle…

J’avoue que cet ouvrage qui me laissait indifférent depuis un bon moment, m’a procuré des frissons inattendus ! grâce à l’ensemble alors sous tension.

Que j’arrive à retrouver du plaisir et surtout des tremblements avec ce genre de romance que je pensais avoir remisé définitivement, en dit long quant à l’évidence expressive de notre copain hongrois.

Mon collaborateur, plus jeune (nettement plus jeune, m’énerve celui-là) et encore pas franchement concerné par ce style de jazz (il y a quelques exceptions dans sa non-liste) est lui aussi resté muet, agrippé sans façon par un morceau pourtant pas le plus dégoulinant de mélancolie de la planète disque : He Needs Me

- piochant plus profondément encore dans le pot de miel, j’en ressors Pride

Oh, tout le monde connaît le riff (ré-la-mi-ré-la (pas sûr) majeur et mineur, une suite aussi géniale que celles de Keith Richards si ce n’est plus) entonné à la guitare finement « chorusée » et le texte (somme toute simplement avenant) :

« Ton sourire brille d’un petit éclat, très bien ;

Alors ne te cache pas, brille d’un petit éclat !

Renonce à ta fierté… »

Moins nombreux ceux qui ont eu la curiosité de découvrir que cette chanson est extraite d’un album intitulé Meccano Mind du groupe londonien Syntax en 2003.

Ce titre, quand il s'extirpe des clichées larmoyants des podiums télévisuels, sait être infiniment bouleversant par lui-même, offrant à la désignation même - chanson de pop internationale - ses lettres de noblesse.

Le riff, soit, mais aussi la voix basse, sépulcrale, blindée de sensualité, de Jan Burton, envoûtante à souhait, et son incarnation voluptueuse par le judicieux intégré hongrois d’Audio Hungary, propulse une anecdote de la musique de variété vers les sommets, sublimant l’évolution du morceau - pas tout à fait à la hauteur de l’intro – que, cependant, le lyrisme en lâcher-prise de ? Claudia Fontaine ? hisse jusqu’à une louable stratosphère émotionnelle, certes un peu maladroite. Comme l’humanité.

- Et puis, ne me demandez pas pourquoi (crise mystique tardive face à la faillite musicale de la hifi ? Face aux fétichistes de la fausse idole  Devialet *), j’ai soufflé sur la poussière (c’est une image) du 33 tours de All Things Must Pass, George Harrison 1970 (Apple Records (aucun rapport avec la petite boite d’informatique qui ne réussira jamais à percer)) pour déguster My Sweet Lord.

Si le quart des Fab Four a eu besoin de plus de dix minutes pour écrire le texte, c’est qu’il cabotait encore sous l’influence de substances prohibées.

Mais, perfusée par le cœur du petit costaud tendre belliqueux A75, Dieu que cette chanson est belle, touchante de sincérité, explorant soudain sous la surface pour nous rapprocher d’un humble musicien dont la spiritualité est sincère, interdisant même au plus iconoclaste d’entre nous (probablement moi, en l’occurrence) de s’arc-bouter sur la goguenardise.

Quand la musique et ses transmetteurs nous rapprochent de Dieu, ça devient inquiétant.

Je sais : Alain (Emile-Auguste Chartier) a dit « c’est la foi même qui est Dieu ». Où Georges Bataille (Georges Albert Maurice) pensait dans son rapport complexe et paradoxal à la religiosité : « Dieu est pire ou plus loin que le mal, c'est l'innocence du mal ».

Mais, à tout prendre, j’aime la sentence irrévérencieuse de Frank Zappa : « si Dieu nous a fait à son image, il est bête et laid ».

Pour autant, je préfère la suivante : « je ne crois pas en Dieu, mais j’espère en lui. On ne sait jamais ». Or, je ne sais plus d’où viennent ces citations… Mélange de Jean d’Ormesson et Woody Allen ?

Je n’en reviens pas de voir où 4 minutes 40 secondes d’un Top Ten des années 70 nous transportent par les voies impénétrables (une droite et une gauche pourtant, le paradis en stéréophonie) de l’A75.

* Devialet enfin contraint à révéler les faces cachées de la vérité économique d’un honteux foutage de gueule, une mascarade plus opaque encore que le grand et seul D en personne confronté aux mécréants simplistes ? Babel s’écroulerait-elle enfin, toujours encagée dans le mensonge et le flou ? Hélas plus de 200 personnes menacées… Un peu plus que les brevets. 160 ? Foutage de gueule, je l’ai dit déjà. Ou alors on brevette une tête de vis ? Ou bien on inclut le même dépôt dans des dizaines de pays ? Devialet a possiblement tué la confiance des candides dans la haute-fidélité ; oh, ils ne sont pas les seuls responsables du désastre du haut-de-gamme qui hélas n’a pas de compte à rendre à la trahison artistique. Je devrais peut-être en faire un article ? Mmmh ? Ben, je l'ai déjà ébauché à de multiples reprises. Ici par exemple : Munich 2024

Pour revenir à la musique, est-ce utile alors d’ajouter le violon de Franziska Pietsch accompagnée, ou plutôt secondée par Maki Hayashida jouant les sonates n° 1 Sz 75 et 2 Sz 76 de Béla Bartók (Odradek Records 2021) ?

Oui.

 

Bartók The Quiet Revolution

 

En premier lieu parce que le compositeur est hongrois, c’est un minimum.

Et euh… en deuxième ou premier premier lieu parce que l’A75 métamorphose en éloquence exaltante l’engagement hardi et particulièrement intense des deux virtuoses, la séduisante Allemande (née en RDA) déployant la panoplie incommensurable de son art magistral au service d’une musique âpre qui en devient fondatrice, surmontant les difficultés techniques qu’elle sait habilement vêtir de jeux de boisés, inflexions goûteuses, vibratos onctueux, virgules rythmiques ou flèches incisives pour illustrer l’essence même de la pensée bartokienne – par opposition au lourd archet qu’elle affirme souverainement dans Prokofiev par la vocalité multiple du même Carlo Antonio Testore de 1571 - et l’impétueuse pianiste japonaise (européenne) se jouant des exigences d’une partition quasi indépendante – « pensum » écrit par un pianiste, ne l’oublions pas ! - qu’elle réussit cependant à rallier sans effort à la trame commune, entrelaçant complicité et autonomie au service d’un infaillible hommage, d’une grande sensibilité, rendu au compositeur dont l’intransigeance de son compatriote amplificateur ne retranche pas la moindre zeptoseconde.

Cependant que l’injustice subie par la naïve Geisha Cio-Cio San (retour à Madama Butterfly si vous aviez un doute) matérialisée de désespoir poignant par la vocalité chancelante, au moment du seppuku, de Mirella Freni – qui de nos jours serait politiquement incorrecte car assimilée à l’abêtissement du whitewashing * - dans la géniale écriture de Puccini, attrape le cœur aussi impitoyablement qu’un Pitbull dévore un Chihuahua…

* Abêtissement car personnellement j’avais plus été surpris de voir deux chinoises, Gong Li et Michelle Yeoh, irréprochables, interprétant des rôles majeurs de Geishas dans « Mémoires d’une Geisha » (2005) sans que personne ne s’en offusque.

N’empêche, ce BE frôle le mysticisme. Ouh là… Pourtant, j’ai été vacciné récemment contre la grippe et le Covid. Serais-je atteint par le complotisme Hifi ? Face auquel il n’y a de vaccin autre que la mélomaniaquerie !

Oui c’est un néologisme.

DIAMs 6 ROUGEs+DIAMANT Isolé ROSEDIAMANT Isolé ROSE

 

DSCF9760 AC

 

Plaisir subjectif :

Je vais faire court afin d’éviter la redondance (ouais, bon, d’accord, là, vous avez le droit de rire) : concernant ce critère, l’A75 a largement transcendé nos attentes les plus folles et surtout nous réconforte dans notre serment que la rigueur éloquente ne nécessite pas toujours un sacrifice financier relevant du divorce.

Allez, si : j’en rajoute une couche. Pendant que je termine l’écriture du BE tourne le Concerto n° 2 pour Piano et Orchestre Opus 16 de Prokofiev par Stewart Goodyear et Andrew Litton dirigeant le BBC SO : l’A75 nous dit tout du talent de Litton à pourvoir de couleurs slaves des orchestres qui ne le sont pas, à porter le Drama par des interventions mordantes que le jeu engagé, intensif, d’une rapidité folle du pianiste canadien exige… La maîtrise d’icelui de la Cadence est stupéfiante et si bien portée par la fougue du Qualiton !

Goodyear, Litton, A75 : le refus de la chosification hifiste !

Oui, bon, j’arrête, on ne va pas y passer la journée non plus…

 

DIAMs 6 ROUGEs+DIAMANT Isolé ROSEDIAMANT Isolé ROSE

 

Rapport Qualité/Prix :

 

J’avoue que c’est un point qui m’enthousiasme particulièrement. Cet appareil, certes d’apparence soignée, ne semble pas embarquer les meilleurs composants du monde, et si le schéma d’entrée est un peu particulier, pour le reste il s’agit d’un push/pull de Pentodes, pas même classe A, plutôt puissant…

Alors quelles sont les recettes pour obtenir une telle merveille, non seulement à ce prix, mais même dans l’absolu puisqu’il regroupe des qualités prolixes qu’on a certes pu adorer de-ci de-là, issues d’engins souvent nettement plus coûteux, volumineux ou capricieux ?

Quand même surpris par ce que nous constations, nous avons décidé d’ouvrir l’appareil. L’intérieur est soigné, cartes industrielles, pistes épaisses revernies, composants de qualité plus qu’honorable pourtant pas extrême tandis que des concurrents qui en sont pourvus ne vont pas aussi loin dans la justesse, la justice rendue aux musiciens…

Les transformateurs maisons, encapsulés et noyés dans la résine ? Oui probablement…

Des gens qui ont enfin compris comment faire une alimentation qui ne soit pas que théorie cumulative ? Oui probablement.

What Else ?

Un référent dans cette rubrique. Sans aucun doute un de nos plus grands « Diamant sur Canapé » d’autant plus accablant si on inclut le prix.

DIAMs 6 ROUGEs+DIAMANT Isolé ROSEDIAMANT Isolé ROSE

 

DSCF9759 AC

Banc ecoute