Sofiä Ğobäydullinä - in Tempus Praesens – Anne-Sophie Mutter
Deutsche Grammophon 2008
Par LeBeauson juin 2024 dans un BE de l'enceinte TUNE AUDIO Anima
Je n’ignore pas qu’il est souvent de bon ton de ne considérer d'Anne-Sophie Mutter que ses excès, sa hauteur supposée dédaigneuse, ses dérapages artistiques où une sonate de Beethoven devient une sonate d’ASM !
Il y a peut-être un fond de justesse dans tout cela. Personnellement, j’estime qu’elle se permet des audaces parce qu’elle le peut tout simplement. Le geste est sûr, n'hésite jamais, la technique infaillible, et côté expressivité, que lui reste-t-il à prouver ?
Ainsi, dans un album apparemment consacré à Bach en 2008 via les Concertos (pour violon, bien vu) BWV 1041 et 1042 en compagnie des Trondheim Soloists, pourra-t-on pérorer qu’elle n’a rien compris à l’immense Johann Sebastian… Oui oui, peut-être. Pour tout dire, peu me chaut.
L’intérêt majeur du disque en question est une œuvre dont elle est dédicataire : in Tempus Praesens de Sofiä Ğobäydullinä, la logique du programme tenant à l’attachement d’icelle pour Bach et des fréquentes variations autour de certaines des figures de l’ancêtre vénéré.
Pour cette offrande supérieure (est-ce un live ?), ASM (c’est devenu un label !) est accompagnée par le LSO, sous la baguette pyromane de Valery Gergiev
Composition foisonnante, ardente, détournant tous les codes, pas joyeuse joyeuse et pourtant réellement envoûtante, dont la livrée sidérante balaye la crainte que deux tempéraments aussi forts (Mutter et Gergiev) n’enflamment l’œuvre en brasiers antagonistes.
Non : les alternances entre turbulences et contemplation, enfer et paradis, suivent scrupuleusement les évolutions permanentes d’un violon divinement inspiré, de pleur ou d’aplomb, sans jamais le submerger (mouais, on parle quand même d’ASM, pas exactement une biche effarouchée) y compris dans les répétitions périodiques martelées avec emphase dans un crescendo culminant saisissant (vers la 18e minute, oppressante affectation dynamique) d’une œuvre sincèrement bouleversante à condition d’en respecter les nuances, alunages, impacts et flux angéliques…
S'en dégage dès lors une forme intense de religiosité - au sens premier - sous-tendant un flot de musique plus expressif qu'une gifle embrasée où la performance ne prend jamais le pas sur l'absolue ferveur.
Un moment majeur du contemporain qui refuse toute forme de posture ou de cliché.