à l’oreille

NB : code couleur de nos Diamants pour ce modèle : Vert (100 à 1600 €)

L’arrivée de la marque écossaise Fyne Audio sur le sol français n’est pas passée inaperçue. Les premières écoutes remarquables sur les salons ont fait rapidement naître les premiers émois et louer leur musicalité engagée. En ce qui nous concerne, la F303 nous a fait une excellente impression, surtout quand on nous a révélé son prix et nous étions donc impatients de pouvoir les écouter rien que pour nous.

Si certains modèles de la marque vous rappellent quelques particularités des Tannoy, ne soyez pas étonnés : Fyne Audio a été créée par des membres importants de Tannoy plus du tout à leur aise avec l’évolution de la marque quand ils n’ont pas été purement et simplement remerciés alors qu’ils étaient à l’origine de quelques singularités marquantes de la marque.

Marque pourtant récente, elle présente d’ores et déjà un panel incroyablement large allant de 250 à 33 000 € la paire, avec d’ailleurs des croisements de gammes pas toujours simples à suivre. Adressez-vous à des spécialistes qui décrypteront la cartographie.

La F303 : cette colonne 2 voies est la plus grande de la gamme d’entrée, dites Série F300. Deux voies mais trois haut-parleurs, dont deux haut-parleurs de médium / grave de 150 mm en papier multifibre et un tweeter à dôme en polyester de 25 mm en montage d'Appolito ; le filtre est prévu pour le bi-câblage ; la charge, de type Bass-reflex comme le montre l’évent circulaire à l’arrière, est constituée d’une combinaison interne de croisements de panneaux MDF. L’aimant des haut-parleurs de grave est couplé à l’ébénisterie à l’aide d’un mastic pour absorber les résonances.

La F303 se décline en 3 finitions de placage bois vinyle : noir, noyer et chêne clair. Les inserts plastiques de la façade qui encerclent le tweeter ou composent les socles n’enlèvent rien à l’esthétique globale. Les caches amovibles et aimantés permettent d’écouter la jeune écossaise sans entrave, puis de protéger les haut-parleurs des attaques des bambins.

Elle est annoncée pour une sensibilité de 91 dB et d’une impédance de 8 Ohms. Ce qui, compte tenu du montage, est surprenant, mais bon.

La puissance d'ampli recommandée se situe entre 35 et 150 W.

190 x 962 x 271 pour les dimensions et 14.6 kgs sur la balance.

Ah détail important : s’intégrant dans une série complète, on peut l’envisager comme enceinte principale d’un système Home-Cinéma.

Enfin, ses dimensions et ses prétentions la prédestinent à des pièces de taille moyenne à grande (20 m² mini). Dans une trop petite pièce, elle risquera de provoquer un grave trop prononcé et flou.

Une esthétique classique et de bon goût, une enceinte d’emblée intéressante et amusante pour 820 € la paire (PPI).

Les écoutes ont été effectuées via des combinaisons diverses, BlueSound et Eera, Pro-ject 2Xperience SB DC et MC Hana SL, préampli phono Jolida JD9 SE, amplis Exposure 2510, Taga Harmony HTA-700B V3, Atoll IN200 Signature, Jolida JD202, câblages Absolue Créations, Neodio, Mudra.

RICHESSE DES TITI

TMBRES ET ÉQUILIBRE TONAL

Toms de batterie et guitares saturées semblent profiter du tempérament de la jeune née, plus extravertie que réservée, plus Dr. Martens que Church’s (ni l’un ni l’autre n’étant écossais, soit).

Les percussions de l’introduction du « Better Living Through Chemistry » des Queens of the Stone Age sont tout à fait plausibles. Les notes grasses de guitare qui martèlent le riff également. L’épaisseur de la note de « gratte » qui s’étire vers 1’36“ dans le break, avant la reprise en explosion, est vraiment chouette.

Le piano d’Anna Vinnitskaya interprétant la Chaconne de Sofia Gubaïdoulina en revanche ne raconte pas toute l’étendue de la palette chromatique, mais trouve une forme de réalisme dans son expression d’autorité, de poids et dimensions. L’intention de l’artiste est prégnante. Et sous ses mains, l’instrument n’est pas tronqué contre un avatar anorexique. Saluons au passage un disque remarquable, au programme difficile et exigeant où la pianiste russe déroule une Sonate Op 38 de Medtner très inspirée et une Sonate n°7 de Prokofiev (final épuisant pour les poignets en particulier) plutôt dans la marge. Sa Chaconne vaut anthologie. Un fort beau disque donc.

La F303 de Fyne Audio livre les fondements des timbres, dépeint les couleurs premières des instruments, mais ne fouille pas à fond, évidemment, les caractéristiques harmoniques sur la longueur ou dans l’infinie complexité des nuances et des matières. Cette simplification est une des limites de l’entrée de gamme, rien de criminel. Il faut bien admettre la réalité hiérarchique d’une gamme. Mais j’insiste : cette colonne offre un avant-goût des saveurs que proposeront des Divas, et surprend avantageusement.

Certes les voix semblent résumées et pas idéalement retranscrites, les instruments acoustiques d’un quintet n’expriment pas toutes les nuances de teintes mais ne manquent pas de variété.

On détecte en quelques disques un équilibre tonal pas absolument régulier, haut du spectre quand même un poil policé, haut médium bien présent, s’estompant un peu dans le bas-médium au profit d’un grave légèrement en avant qui, pas fainéant, contribue au tonus. Ce sont là des traits de caractères plus que des défauts marqués au point de devenir dérangeants.

Sur les jolies ballades folks de Joan Shelley (album éponyme en 2017), la voix et les guitares distillent tout le charme paisible des prairies du Kentucky et respirent très naturellement.

Et, parallèlement, lancez les F303 sur un titre comme « Exit 16 » de Roosevelt Collier, c’est une rasade de bourbon qui embrase vos entrailles. Ce qui vaut mieux d’ailleurs parce que le gus n’a pas forcément grand-chose de nouveau à dire sur la longueur, mais l’assène vigoureusement ! Et ça marche : excellente correspondance avec ce que nous ressentons des Fyne F303.

Georgia de Brittanny Howard sur son album solo bénéficie d’une ampleur appréciable où la voix semble gagner en fragilité au milieu de nimbes ouatées des notes graves des guitare et basse.

Le “Chocolate Samurai” de Fantastic Negrito première plage de l’album « Have You Lost Your Mind Yet? »  est enjoué, vigoureusement soutenu par une solide assise.

Si, amateurs de Rock, Pop, R&B,… Jazz, la F303 est une prétendante avantageuse, pour ne pas dire aguicheuse, il ne faut pas craindre le classique ! A preuve, en passant par le vinyle avec l’enregistrement de 1964 du Deuxième Concerto Pour Piano de Rachmaninov sous les mains d’Ashkenazy (Kondrashin à la baguette), les petites imperfections s’oublient dès lors qu’on se laisse immerger dans le flot musical, l’œuvre fait preuve d’une belle délicatesse. Même si l’ensemble est surligné par la légère coloration du haut du spectre, le piano revendique son imposante densité. Démonstration qu’avec une source souple et le bon ampli, on gomme grandement les errances tonales.

A propos de combinaison, les Fyne F303 s’accommodent bien d’un ampli qui ne les déborde pas : évitez les coupeurs de cheveux en quatre.

Je précise que je crains de les avoir testées alors qu’elles n’avaient pas complètement fini leur rodage. Les timbres et l’équilibre tonal s’améliorant au fil des écoutes pour préciser un peu mieux les graves et offrir globalement un peu plus de matière.

SCENE SONORE

Voilà LA force de ces enceintes !

Et c’est aussi ce que j’attendais suite aux premières impressions sur les salons : une scène large, crédible en hauteur, sans trou central. Aucun flottement, les musiciens sont en places et n’en bougent plus ! Les perspectives respirent un peu moins, sans pour autant que la scène ne soit ni projetée, ni plate.

Pas mal, pas mal !

Le sens du spectacle pour un budget abordable, nonobstant un relatif tassement des perspectives, une répartition des plans en profondeur plus réduite.

Toujours plongé dans l’interprétation du Rachmaninov, les grappes de cordes se déploient en largeur, se distinguent sans s’amalgamer façon chewing-gum, effet positif redevable probablement aussi à une forme bienvenue de rapidité. Le positionnement et la précision du piano participent de cette sensation de « live ».

                                           
Et de plain-pied dans le terrain de prédilection de ces enceintes : la BO de Shaft (le premier, par Isaac Hayes), là-encore en vinyle, la situation des musiciens découpée dans un espace artificiel les sépare par bulles, caractérisant avec une acuité pas si fréquente les particularités acoustiques du studio Stax. La concentration pour suivre isolément le jeu de l’un ou de l’autre ne requiert aucun effort. Très chouette.

Attention, c’est un plaisir compulsif…

RÉALISME DES DÉTAILS

Dans les Concertos 1 et 2 pour violoncelle de Nino Rota, sous l’archet de Silvia Chiesa, l’instrument ne manque certes pas de présence, de tonus ni de corps, mais on reste sur sa faim par un manque de piqué, ou plutôt d’homogénéité de la résolution, escamotant quelques effets de la caisse de résonance, le boisé, simplifiant la sensation des matières du violoncelle et sans doute aussi les timbres. Ce trait de caractère n’entache pas la perception d’ensemble qui fait facilement illusion puisque, même « stylisés », les instruments sont bien définis par une présence affirmée, des lignes de couleur nettes, et une joie de vivre (ne vous trompez pas d’amplificateur, ne flinguez pas l’enthousiasme !) communicative.

C’est pour le moins curieux de constater que si la résolution ne présente pas le piqué le plus incisif, la transparence est très convenable. Une contradiction théorique ? Pas forcément, la sensation est probablement le résultat, comme évoqué plus haut, d’une bonne notion des attaques de notes qui transmet bon nombre d’informations dans un dosage entre finesse et matité cohérent. Ce qu’il manque ne porte pas préjudice à la compréhension du message musical, ni à l’expressivité.

On vérifie cette particularité sur Half Light de Rostam (Batmanglij) - ex tête pensante de Vampire Week-end - où la production globalement softée, arrondie, à quelques éruptions près, ne devient absolument pas nébuleuse ou opaque, mais est mise en valeur par des variations de lumières, de traits, de suivi précis, cautionnant éventuellement le choix de réglage ondulant de l’équilibre tonal.

Quant au swing … Ah ben oui, j’en parle plus bas.

Ou plus ? 820 € la paire : ne jamais oublier de relativiser….

QUALITÉ DU SWING, DE LA VITALITÉ, DE LA DYNAMIQUE

Elle fait du bien cette F303. On lui donne une bonne, même une très bonne note sur ce critère, car elle respire la joie de vivre et l’envie de battre la mesure ou de participer, d’en être, au spectacle ou mieux : sur la scène.

Plaisir adolescent, l’hymne « No One Knows » encore des Queens of the Stone Age se déguste rageur en hochant compulsivement du chef. J’aborde ici une rubrique développée plus loin : celle de l’expressivité. C’est aussi pour souligner que la flatterie du bas du spectre ainsi que la présence dans le haut médium et l’aigu « typé » ajoutent un supplément d’âme à de nombreux styles musicaux.

Ce plaisir communicatif confère à ces modestes enceintes un tempérament de poids léger trépignant très agréable à vivre. Comme l’Ecosse*. Attention aux mariages avec l’ampli malgré tout.

Ce n’était pas l’humeur du moment mais les F303 m’ont tiré par la manche, pour m’inviter à plus de Rock, de Folk et de Funk… Du fait de leur instinct ludique ? Peut-être.

Le dernier Fleet Foxes, Shore, communique une entraînante hardiesse sur le titre « Young Man’s Game » par exemple. Alors que ce n’est pas forcément le dynamisme qui caractérise les compos du groupe. Vite ennuyeuses si le système d’écoute ne révèle pas à minima la délicatesse ou l’énergie contenue.

Ecouter The Way, sur le deuxième album de Me'Shell NdegéOcello, sans fondre sous l’inimitable groove de cette chanteuse-compositrice inclassable est impardonnable ! Mais hélas si fréquent. Fort heureusement, bien mariée la Fyne F303 accompagne sensuellement les ondoiements de l’Américaine en état de grâce.

Autre test : voix & piano, sur l’album pourtant daté mais intemporel où Elvis Costello croise la route et les compos d’Allen Toussaint ici au clavier. Même sur la balade « Ascension Day » le swing minimaliste des deux compères fait son effet. Et les morceaux s’enchainent à l’envi.

EXPRESSIVITÉ

Par son sens du rythme et sa capacité à transmettre l’énergie des enregistrements La Fyne F303 sait capter l’attention de l’auditeur. Portés par la mélodie et la musicalité de l’enceinte, on passe un moment joyeux s’apparentant à un retour à l’adolescence ou à tout le moins un plaisir élémentaire. Épris de riffs de ce cher vieux Hendrix, vous serez surpris de constater que vos cheveux poussent en bataille, la chemise s’échancre, les couleurs envahissent votre veste hallucinogène et les bonnes vieilles pattes d’eph vous aèrent les mollets.

Côté évasion romantique, c’est moins ça. La palette délimitée des timbres, la résolution perfectible, rendent moins flagrantes les envolées oniriques.

Sufjan Stevens - Ascension devient soudainement très pop.

La voix de Chet susurrant « My Funny Valentine » ne vibre pas tout à fait de cette sensibilité à fleur de peau qu’on lui connaît, une sorte de fragilité vaporeuse, alors que, paradoxalement, son phrasé à la trompette hypnotise sur Time On My Hands - Chet 

La Fyne Audio est plus à l’aise dans le « gros son » (ce n’est absolument pas péjoratif !) où les musiciens bombent le torse ou agitent frénétiquement la tête que pour décrypter des subtilités de fin de notes ou des lignes vibrantes dans la voix pourtant incontestablement puissante d’Elina Garanca dans l’Op 42 de Schumann. Ou plus exactement, ce qui en est proposé ne racontera pas tout de la tendre subtilité de la Mezzo lettone, ni celle de son remarquable accompagnateur, Malcolm Martineau.

Maintenant, connaissons-nous une enceinte à ce prix capable de remplir tous les exigeants compartiments de l’expressivité ? Non. Et on se situe quand même plusieurs crans au-dessus des petits machins connectés ou équivalents qui prétendent le contraire.

PLAISIR SUBJECTIF :

Avec le Rock,  de la Funk ou des musiques de ce type, je me suis vraiment amusé avec la Fyne 303.

Son sens du swing, un peu truqué soit, libère des facilités sur moult styles de Jazz, à condition évidemment de ne pas privilégier les vapeurs softs contemplatives qui caractérisent une partie du catalogue ECM, entre autres… J’ai pris aussi beaucoup de plaisir à retrouver la sincérité collégiale de vieux Beatles ou du Jaded Hearts Club naviguant entre les reprises des années 60 sur son : You’re  Always been here.

Et pour ceux qui acceptent que la haute-fidélité est, selon son budget, le choix de ce à quoi on est prêt à renoncer, Fyne (j’ai d’abord écrit « Fun ») F303 peut désigner un premier choix sans difficulté.

Je ne serais pas autrement surpris que sur des musiques très délicates, certains d’entre vous préfèrent nettement l’engagement outré de la petite colonne Fyne à l’ennui garanti par une majorité d’enceintes qui se contentent de vouloir faire joli, ou prétendre être « neutres », c’est-à-dire dépourvues de toute vie.

Autre point important : dans le cadre d’un système Home-Cinéma ou destiné aux jeux vidéo, je parie qu’elles trouveront une place immédiate !

RAPPORT QUALITÉ/PRIX :

Les Fyne Audio F303 sont de très belles candidates à considérer avec un amplificateur capable de leur apporter richesse harmonique et délicatesse, pas forcément coûteux lui non plus. On en connait. Pour leur scène sonore ouverte et précise, pour tout ce qu’elles apportent de joie de vivre et de plaisir, nous estimons que ces enceintes sont particulièrement bien placées !

Et comme nous préférons l’audace au refus de l’engagement, c’est carton plein.

* j’ai lu dans un bouquin de Philip Kerr (décédé bien trop tôt : il avait encore tant à nous offrir) une phrase (narquoise et donc injuste) qui m’a beaucoup fait rire et que j’ai oubliée… Zut !**

** mais qui disait en substance: « un écossais ivre est capable de se battre contre un mur de briques »***

*** mon collègue rédacteur a d’autres souvenirs, plus émouvants de la beauté inimitable de l’Ecosse.

**** Ça ne risque pas faire grincer des dents par procuration nos amis Ecossais ?

Disons, qu’ils ne manquent certainement pas de blagues sur nous français.