Yuja Wang - Le Récital de Vienne
Deutsche Grammophon 2024
Par LeBeauSon Juin 2024 dans le BE de l’enceinte TUNE AUDIO Anima
Certains considèrent – paillardement - que le vrai talent de la pianiste Yuja Wang tient à ses choix vestimentaires affriolants. C’est à la fois honteusement outrageant et incomparablement moins respectueux que ses interprétations de pièces d’origines très diverses dans le Récital de Vienne. Albéniz, Scriabin, Beethoven, Glass, Márques, Brahms, Gluck, Ligeti et Kapustin. Déjà, c’est un programme costaud. L’interprète aux robes seyantes semble apprécier ce genre de défi marathonien… Et les réussit ! Ecoutez donc le Récital de Berlin, entre toucher plumeux et majesté orchestrale. Notre sujet ici est le Récital de Vienne, tout aussi exaltant.
Car l’ensemble est admirable – sauf à être un barbon - ET affriolant !
D’abord par la précision technique, la fougue mathématique et l’imagination inextinguible de l’ardente chinoise, diaprées d’un élan chthonien qui rappelle et surclasse la flamboyance d’Argerich jeune.
Dieu, que la distance d’expression entre Yuja Wang et Lang Lang est astronomique.
Soit : la Sonate de Scriabin manque d’un soupçon de « profondeur dramatique » tout en opposant une séduisante verve texturale et une articulation rythmique qui fondent une interprétation à part entière, limite extatique.
Soit : la concurrence dans la 3e Sonate de l’Opus 31 de Beethoven est telle qu’on pourra davantage apprécier des contrastes moins sanglants, des syncopes moins jusqu’au-boutistes, des sforzando moins jubilatoires. D’un autre côté, Carl Czerny, élève de Ludwig Van célèbre pour le morceau de bravoure que sont ses Etudes, parlait à propos du 4e mouvement d’un « morceau destiné à la Chasse » …
Personnellement, ce débordement d’enthousiasme, de plaisir juvénile intempérant qui ne se relâche jamais et ne manque ni d’ampleur – non pléthorique - ni de générosité, me séduit abondamment.
Qu’importe ce que l’on attend de Scriabin ou Beethoven, la narration nous administre la preuve sans appel que la dame est rigoureusement incontestable pour Kapustin, Glass (bousculé et jeté dans la fosse du contemporain comme rarement) et surtout les Etudes de Ligeti où elle brode sans doute une référence par sa perfection technique tyrannique, sa rapidité et sa rigueur de métronome qui fourbit les prouesses virtuoses cossues (et l’éperonnage de glaçantes notes aigües) d’une force d’humanité inexpugnable, comme si trop souvent les Etudes avaient été « traduites » d’une langue étrangère mot à mot, dictionnaire en main, tandis que la vocalité de Yuja Wang surpasse même le flot ininterrompu narré par un exégète d’une culture supérieure pour tout simplement revenir à l’inimitable langue originelle.
Les linguistes me comprendront…