à l’oreille





Brinkmann Bardo + 10.0
Une seule mission : s’effacer au profit des artistes. Mission accomplie

par LeBeauSon - Avril 2022


Perception d’ensemble

Ce n’est quand même pas simple de donner un avis sur une combinaison irréprochable.

Ben voilà : Bardo + 10.0, ça fait le job, vous en avez pour votre argent.

Point.

La conclusion coule de source (ahem…) : une telle platine à ce prix vaut son « Diamant sur Canapé »

Ah oui, quand même : amoureux des platines au caractère sirupeux ou faussement chaleureux, passez votre chemin.

DIAMs 6 ROUGEs

 

Code couleur pour ce banc d’essai : Rose (de 6 500 à 12 000 €), la platine étant affichée à 8 990 € et le bras à 3 090 €.

Bardo 5
 

Brinkmann

Je suppose que dans l’esprit de beaucoup, la marque germanique Brinkmann évoque avant tout des électroniques, notamment amplificateurs et préamplificateurs, qui n’hésitent pas à exposer – sous verre – un agencement technique absolument parfait, comme dessiné pour les yeux par un urbaniste de science-fiction.

Pourtant, la société Brinkmann, fondée en 1985 par Helmut Brinkmann (bel effort de nom !) est aussi, à moins que ce ne soit avant tout, réputée pour ses platines vinyles d’exception, n’hésitant pas à recourir à des solutions techniques différentes suivant les modèles puisque certaines sont à entrainement par courroie et d’autres, telle la Bardo aujourd’hui testée, à entrainement direct.

Platines vinyles complètes puisque Brinkmann conçoit et fabrique aussi des bras renommés.

Commençons par la platine : le modèle Bardo est désormais l’entrée de la gamme et utilise un moteur entièrement conçu et fabriqué dans les locaux de Brinkmann dit moteur magnétique à entrainement direct.

L’entraînement direct magnétique utilise un seul palier pour le moteur et le plateau, un aimant circulaire étant monté dans le cœur du plateau, mu par des bobines directement installées sur le circuit imprimé. Un circuit électronique entraîne les bobines par l'intermédiaire de deux résistances magnétiques qui réagissent aux champs magnétiques en un mouvement circulaire lent et constant. Toutes innovations afin de pallier les limites de l’entraînement direct, à savoir des oscillations de vitesse du fait de moteur à couple élevé difficiles à maîtriser.

Ce moteur est capable de propulser le plateau de 10 kgs - réalisé en aluminium et couvert d’un plateau en verre poli - à sa vitesse finale (33⅓ tr/min) en 12 secondes, lequel n’a ensuite besoin que d’une faible quantité d’énergie pour une stabilisation au cordeau. A noter que si le mécanisme d’entraînement est de type direct, la puissance est transférée sans aucun contact.

Il suffit de mesurer les presque 3 minutes nécessaires au plateau pour s’arrêter complètement et dans un silence total quand on a coupé le moteur pour comprendre la qualité de fabrication et d’ajustage de cet ensemble.

La Bardo est particulièrement compacte avec son plateau débordant d’un côté de la platine elle-même, qui a une forme de larme menant au support de bras. Ce châssis est en aluminium et le dessin en forme fuyante aide à maîtriser les résonances.

Parmi les détails singuliers, l’interrupteur de mise en marche dont l’extrémité est munie d’une LED verte (rouge en 45 tours) est une bonne idée car la rotation du plateau est si discrète qu’on pourrait aussi bien le laisser tourner toute la nuit. Le placement de ce même interrupteur quasiment dans l’axe du bras demande en revanche qu’on soit prudent pour ne pas risquer d’arracher la pointe en le manipulant.

On peut ajuster finement (+/- 10%) les vitesses par deux micro-vis.

La qualité de fabrication est un régal pour les yeux et, avant même de mettre en route, rassure pleinement sur un investissement bien dépensé ; et c’est tant mieux, car je devine que certains la trouveront un peu sobre face aux chromes coruscants ou bois flamboyants de diverses rivales à des prix comparables.

Sobriété et sérieux contre exhibition sculpturale.

La platine est fournie avec un palet presseur à serrage très efficace.

L’alimentation séparée prend place dans un luxueux boîtier en aluminium.

L’embase standard est prévue pour des bras de 9 à 10 pouces, sachant que, bien sûr, on peut obtenir sur option une embase pour bras 12 pouces.

Puisqu’on en est aux options, on peut choisir un bloc d’alimentation à tubes dit RöNt II. Nous ne l’avons pas testé, mais connaissant l’influence de l’alimentation sur une platine, aucun doute que ça ait du sens.

Il est clair cependant que l’alimentation fournie n’est pas un machin au rabais.

Il semble que Brinkmann propose aussi une base en granit

On peut enfin opter pour des sorties de type RCA (comme sur le modèle en essai), XLR ou DIN 5 broches.

Le bras est relié aux sorties par une prise de type SME.

Le modèle que nous avons eu pour essai s’appelle 10.0 et mesure, euh, 10 pouces ?

Le corps est en aluminium. Le porte-cellule n’est pas démontable mais son horizontalité ajustable.

Un roulement miniature monté sur une pointe en acier inoxydable assure le pivot horizontal tandis qu’un palier en céramique situé à la base empêche les dérives latérales. Un roulement identique assure le mouvement vertical.

Les réglages sont nombreux et précis.

A noter une rare initiative : une pièce en plastique est fournie pour régler sans hésitation le parallélisme de la coque.

Le VTA est ajustable par un vissage serré du corps du bras, mais aussi plus finement et en continu via une vis très dégagée.

Le réglage de l’antiskating se fait par un petit boulon latéral que l’on peut ensuite bloquer par un contre écrou. Malin et facile.

Le contrepoids de 140 g est aisément mobile grâce à un cylindre central en Teflon.

 

Bardo 1

Bardo 2

 

Pour comprendre la contenance musicale d’un ensemble platine bras, mieux vaut varier les cellules, ce que nous avons fait via 3 cellules, à savoir une Hana ML, une Lyra Kleos et une DS Audio 003. Pour le reste : Aurorasound VIDA mono, EAT E-Glo S, Kondo Ouverture II, Accuphase E800, Mulidine Harmonie V3, ppfff AVA II, câbles Wing, Legato, Kondo, Mudra.


RICHESSE DES TIMBRES ET ÉQUILIBRE TONAL :

Soyons honnêtes : décrire les timbres d’une platine vinyle et d’un bras est quand même un pari audacieux. Sauf évidemment si l’ensemble est honteusement déformant.

Pour cerner au mieux l’éventuelle personnalité de cette platine et son bras, nous avons donc utilisé 3 cellules quand même assez différentes.

Pour constater que le couple Brinkmann Bardo + 10.0 n’a pas de personnalité…

C’est un compliment !

Platine et bras jouent leur rôle à merveille : disparaître au profit de l’individualité des cellules et pré-phono et, dès lors que ceux-ci sont transparents et équilibrés, de la musique.

Radu Lupu. Grand musicien que, je l’avoue, j’ai un peu laissé de côté. Aussi quel bonheur de le redécouvrir sur la Bardo dans un disque consacré à Schubert, les Sonates D557 et D959 en 1976.

L’admirable profondeur - l’ampleur du grave - du piano, les déliés délicats en disent long sur l’immuabilité de rotation et de suivi du bras… On constate, via les réponses diverses des cellules, que l’aigu est d’une richesse très subtile, très respirante ne détournant jamais l’équilibre par une quelconque brillance.

Image tonale et silence de fonctionnement sont aussi imperturbables que l’encéphalogramme d’une momie, certifiés à l’écoute de La Valse Triste, suivie du Cygne de Tuonela (euh… Sibelius) situé en fin de plage pour vérifier le « tracking ». Karajan, Berliner Philharmoniker, 1967.

Les timbres déploient une saisissante beauté dans une auguste version de La Valse Triste qui, sous l’inspiration intériorisée du chef autrichien, tient de la marche funèbre tant la solennité en est bouleversante, sereinement irriguée par des pupitres qui sont autant de solistes, comme transportés eux-mêmes par des émotions qu’ils transmuent en apothéose artistique.

Corrélativement, silence et stabilité de fonctionnement du bijou Brinkmann servent évidemment l’aplomb, la tenue et la plénitude du bas du spectre, voire de l’extrême grave, même si les microsillons qui en sont pourvus ne sont pas légion.

Le majestueux adagio-allegretto de la Symphonie n°3 de Saint-Saëns par le Detroit SO, Paul Paray et Marcel Dupré, déroule un tranquille grondement de grave d’orgue sans la moindre bavure, parfaitement plausible, où l’on sent l’air s’écoulant dans les tuyaux…

Mais pour aller plus loin dans l’exploration d’un comportement où bon nombre de platines dégoulinent, un petit passage par Vulnicura (Björk) s’impose ; disque de rupture (intime et artistique), de narration des douleurs et catharsis, cet album peut facilement tourner à la torture de l’auditeur si la reproduction n’en est pas optimale. Tout va bien en ces jours de test : aussi bien les séquences rythmiques engoncées dans l’infra (Black Lake ou le foudroyant Family et les coups portés à l’âme d’une femme blessée) que les nappes qui semblent rouler sous le sol et que beaucoup de systèmes transforment en mélasse, sont transcrites ici avec la tranquillité et l’autorité naturelles d’un colosse sûr de lui et sa force.

On profite également d’une incommensurable palette de nuances de teintes et matières sur les cordes que l’ensemble Brinkmann dissémine à la perfection : les distinctions entre les divers intervenants, les boisés vibrants, leur rôle dans l’ensemble font merveille. On constate au passage une excellente séparation des harmoniques supérieures qui évitent - sur un vinyle dont le pressage (comme la plupart des pressages modernes) n’est pas idéal - un pénible amalgame des notes tirées de violons faisant parfois penser qu’elles sont synthétiques.

Pressage discutable, disais-je, mais la conception graphique de l’objet en fait un collector !

Timbres et équilibre tonal :

DIAMs 6 ROUGEs

 

 

 

RÉALISME DES DÉTAILS :

Le premier Quatuor de Schumann, Op 41.1 par le Musikverein-Quartett chez Decca (pressage Teldec en 1977) pullule de pépites d’informations révélant la facilité de la platine à aller fouir profondément dans le sillon sans interférence, une qualité de silence irréprochable nous déposant avec grâce au cœur des passages les plus subliminaux.

Quelques variations de couleurs des tables d’harmonie nous laissent pantois lors de l’écoute avec la Lyra à ce moment-là, matières, corps et exactitude des plus infimes vibrations catapultent cette œuvre facilement banale vers un sommet d’idées. Le Quatuor viennois nous embarque autant par son unité - qui peut en faire une machine - que par ces touts petits écarts d’appuis ou de tirés qui ornementent à merveille les passages les plus répétitifs.

Petite précision au passage : les cellules Lyra sont reconnues pour leur haute résolution, pas toujours pour le sens des matières ou du corps : écoutez-en une sur une platine Brinkmann et on en reparle.

La production limoneuse d’Emerson, Lake and Palmer, premier album de : Emerson, Lake and Palmer (whaouh…), est ici transfigurée par la distinction spontanée de chaque évènement sonore, jamais extrait par un quelconque artifice arrangeant, un excès de luminosité, uniquement par la capacité à séparer chaque infime part du message, liée à une excellente rapidité loin de tout émollient engourdissant moult platines chères au cœur de mélomanes nostalgiques.

On apprécie particulièrement que, tout en offrant une perception physique des trois virtuoses, le pack Brinkmann sache débrouiller le magma basse/batterie, exercice d’autant plus difficile que Carl Palmer (le moissonneur-batteur) n’est pas avare de mitraillages de tous calibres.

On apprécie tout autant l’infinie délicatesse sur les cordes frottées du piano ouvrant Take a Pebble ainsi que le perlé des notes lumineuses du même piano lyriquement déployées quelques mesures plus tard par Keith Emerson maladivement démonstratif, dénotant la belle unité du Steinway sur tout le spectre ; quant aux vibratos de Greg Lake, ils sont particulièrement savoureux. De surcroît, selon les cellules, indubitablement, on pourra bénéficier d’une guitare acoustique d’une rare douceur sur le solo de Greg Lake, où silence de fonctionnement et bruit de fond reculé sont indispensables. Et obtenus ici.

En 1972, Zubin Mehta enregistre 3 œuvres majeures d’Edgar Varèse, Arcana, Intégrales et Ionisation (re-pressage London de 1985).

Par une construction rythmique parfois emphatique mais si prodigieusement structurée, certains musicologues considèrent que Varèse a amalgamé des procédés stravinskiens et viennois tout en précisant qu’il a clairement rejeté l’hystérie viennoise comme moyen d’expressionnisme, ou l’utilisation des percussions comme ponctuation à la Stravinsky (le Sacre) : Varèse implante une construction rythmique novatrice en évolutions ou disjonctions permanentes. Pas étonnant que Frank Zappa ait adoré. D’autant que ce sont ces mêmes structures rythmiques qui, par enchainement harmoniques non pas en legato mais en figures verticales, créent la continuité lyrique en rendant autonome le rôle des percussions, nombreuses dans Arcana sur lequel je me suis concentré pour cette écoute. Percussions nombreuses, oui, mais pas seulement ! Songez donc : 3 flûtes piccolos, 2 flûtes, 3 hautbois, 1 cor anglais, 1 heckelphone, 2 petites clarinettes, 2 clarinettes, 1 clarinette basse, 3 bassons, 2 contrebassons, 8 cors, 5 trompettes en ut, 2 trombones, 1 trombone basse, 2 trombones contrebasse, 1 tuba, 2 tubas contrebasse, 16 violons, 16 seconds violons, 14 altos, 12 violoncelles, 10 contrebasses, 3 timbales pour un percussionniste et 6 autres percussionnistes pour gong moyen, chinois (ou cymbale crash), tam-tam élevé, grosse caisse, triangle, tam-tam bas, clapper, grosse caisse, triangle, tambourin, caisse claire, guïro, triangle, chinese blocks (hauts et bas avec pilons et bâtons métalliques), tambour latéral, tambourin, cymbale suspendue, cymbales, tambour à cordes, noix de coco, xylophone, glockenspiel, hochet, tambourin, cloches.*

Sur un pressage qui n’est pas le plus exceptionnel de l’histoire, l’ensemble Bardo + 10.0 scrute scrupuleusement le labeur et l’existence de chaque participant, délinéant, détourant ou teintant chaque ligne avec le respect du vrai qui permet à l’esprit soit de percevoir l’œuvre en musicologue, soit de se balader au gré de l’envie entre timbres, structures et liens, soit de la recevoir au premier degré émotionnel.

DIAMs 6 ROUGEs

Bardo 7

SCÈNE SONORE :

La version Mehta d’Arcana, par rapport à celle, inflexible, de Boulez - qui deviendra une (des ?) référence(s) dès 1977 -, accorde une grande part à la théâtralité, au mystère, prétend raconter une histoire ; intention superbement portée par une captation en trois dimensions de l’apostement dans un large espace des divers pupitres qui, en dépit du grand nombre de participants (116 ?), interviennent avec la ponctualité d’un orchestre de chambre aux pointages millimétrés, y compris dans les passages qui relèvent du fracas.

L’ensemble Brinkmann encense à merveille les contenances des divers cellules et pré-phono employés qui, alors que tous jouent leur rôle d’assistant metteur en scène à merveille, le font avec des postures différentes, plus ou moins avancés dans un espace plus ou moins large, plus ou moins pourvu d’air.

Mais dans tous les cas Bardo + 10.0 ne se mêle de rien, assure la stabilité, le tranquille déroulement du travail des artistes, tel un infaillible régisseur.

Quitte à voguer dans un monde influencé par les percussions je vais oser un 180° qui va désorienter mes camarades (et me discréditer à jamais) : Cerrone III (Supernature) en 1977 (Quand Boulez sort du Varèse… Le monde est petit !). Je ne leur ai pas avoué que j’ai même vu un concert (très généreux) du même Cerrone en 1978 où il parvenait à jouer de ses petits bras sur les dizaines de fûts de sa batterie répartis sur 6 mètres. En revanche, je n’ai jamais réussi à assister à un concert Varèse !

Sweet Drums et In The Smoke sont intéressants à plus d’un titre (hum), la sensation ou non des peaux, les cymbales qui font facilement ppssshit ainsi que les mouvements dans l’espace, que ce soit la balade sur les divers caisses et toms, leur tension, les résonances de fûts, le mouvement spatial étourdissant mais minutieux imprimé au mixage, pas d’une totale plausibilité mais très parlant et supposant un total verrouillage par le système de reproduction, le beat qui apparaîtra dans certains cas comme issu d’un séquenceur à deux balles et dans d’autre comme un vrai pied de (petite) grosse caisse, variations impact et peau incluses, tout comme les vagues de synthés dont les coups de langues frappent plus ou moins l’imagination, et plus encore dans In The Smoke où l’ambiance des synthés peut aussi bien paraître petits sons pourris verrouillés dans une époque pauvre ou au contraire très individués, nuancés, créatifs (je persiste et signe) au point même de pourvoir, si platine, bras, cellule, préamp le permettent, un degré de mystère et poésie par un lien bien plus organique qu’on peut le supposer à une musique moins mécanique qu’en première apparence.

J’ai dû oublier une ou deux virgules dans l’enthousiasme.

Ce que ne fera jamais la platine Brinkmann.

Ainsi peut-on passer d’un pensum lourdingue à un moment de ressentis prégnants et même impliquants qu’on n’attend pas forcément à la vue de la pochette d’un mauvais goût d’anthologie.

La Brinkmann respectera admirablement l’univers imprévisible que délivrera le reste de l’équipement avec un aplomb et une maîtrise qui évincent du concours bon nombre de rivales.

DIAMs 6 ROUGEs

Bardo 3

QUALITÉ DU SWING, DE LA VITALITÉ, DE LA DYNAMIQUE :

Parfois un retour aux sources (euh) s’impose : Miles Davis, Relaxin’ With, édition Barclay 58.

Red Garland dans I Could Write a Book nous livre, entre deux passages magiques du Maître, quelques mesures hautement remarquables ; mais dès que Coltrane démarre… il laisse tout le monde sur place et soudain la rythmique devient ornementale… A cette époque déjà, il est le vrai patron, inaccessible, intouchable.

Altitude que la platine, munie de la bonne cellule, révèle sans possible contestation et quand bien même la rythmique est en effet un peu ornementale, le swing en est incroyablement glissant, suave, envoûtant, à la hauteur du groove de Miles.

Constat identique sur Ray (Charles) Sings Basie Swings (2006), un truc pourtant hybride puisque regroupant des pistes enregistrées en 1973 par Ray Charles et un orchestre capté des décennies plus tard. Mais ça fonctionne plutôt bien (pas sur tous les morceaux où les arrangements sont quelquefois excessifs) et on constate que, avec son sérieux habituel, la platine Brinkmann, aussi inébranlable et tranquille qu’un chêne séculaire accueillant les mouvements du vent et des oiseaux, se contente de révéler l’entraînant travail des artisans, qu’ils soient musiciens ou créateurs de cellules phono.

1970. « Premier enregistrement dans les Pays de l’Ouest » dit la couverture de la fort belle 13e Symphonie (Babi Yar) de Chostakovitch sur des poèmes de Evgueny Evtouchenko « créée » donc par Eugene Ormandy, le Philadelphia Orchestra, Tom Krause et le chœur d’hommes du Mendelssohn Club (RCA Red Seal).

Outre la majesté du geste d’Ormandy, ce disque a la particularité de durer près de 60 minutes. Inutile donc de dire que le sillon est serré. Or, comme souvent dans les symphonies de Chosta, la dynamique est parfois phénoménale, mettant à mal le suivi de piste sur quelques platines + bras.

Rien de tout cela ici : lors de la complainte solennelle et franchement bouleversante instaurant une tension douloureuse sur  « At the Store » (titre du mouvement dans la version américaine mais chanté en russe) où les chuintements très sensibles de passages demandant une méticulosité de microscope, tout autant que lors de la puissante montée dramatique précédant les éclats de déflagration d’un terrible destin où, sur un sillon aussi compact, le bras peut facilement décrocher (au sens de créer une moindre lisibilité ou des distorsions), l’ensemble Bardo + 10.0 est, on s’en doute et on s’en réjouit, absolument souverain.

Soit, si la version d’Ormandy n’est pas celle de Bernard Haitink (une des plus équilibrées et subtiles), elle est cependant moins outrancière que Kondrashin (qui, pour une fois, ne nous épargne pas des petites vulgarités de quelques manies du compositeur), alors bon sang, quel choc quand même !

DIAMs 61 rouges

 

Bardo 8

EXPRESSIVITÉ :

Que celui qui a un doute sur ce critère, après ce que nous venons de décrire lève la main : je lui jetterai la première pierre.

Comment retenir les pleurs lors du final de Carmen, incarnée par Leontyne Price (on devine que la cantatrice a assumé l’apport de la tragédienne Maria Callas) lorsqu’elle figure une libre et fière espagnole jusque dans le mépris refusant - au prix de sa vie - la domination de l’amour éternel qui a empoisonné le sang de Don José, dans une si absolument prenante offrande de Karajan en 63 avec le Wiener Philharmoniker où Franco Corelli (Don José) reste anachroniquement ancré dans le bel canto.

Pure incarnation et lien organique immédiat à une Espagne en Cinémascope, les fulgurantes poussées d’un orchestre sublimé quand la belle succombe, cependant que l’amant toréador triomphe, sont autant de coups de poignard portés au cœur des mélomanes, dont l’ensemble Brinkmann ne nous épargne aucune éclaboussure…

Nous incitant aussitôt à écouter la BO de Psycho et ses miaulements de scie glaçants, inoubliables, par Herrmann lui-même dirigeant le LSO en 1969 !

Et comment ne pas être secoué lorsque Michael Hutchence (INXS) enchaînant Devil Inside, Need You Tonight, Mediate (des diamants bruts de groove et tempérament !) nous frappe par l’intensité de son talent, sa sensualité, ses élans félins de chant prodigieux le propulsant sur le podium des plus grands chanteurs de tous les temps ; de même que le groupe nous embarque dans une vitale évidence que la musique n’appartient pas aux performers et nous rappelle ce qu’un critique drôle et avisé avait écrit à l’époque de la parution de ce petit bijou en 1987 : « le meilleur album des Stones depuis une décennie » !

La platine Brinkmann confirme que si les frères Farris et compagnie ne sont pas les meilleurs musiciens du monde, ils compensent par la révélation, si le reste suit, de l’engagement d’un swing qui atteint des sommets ! Et d’une créativité à la hauteur. Et quelle classe !

Et puis somme toute, les Rolling Stones ne sont pas des virtuoses non plus.

Difficile de comprendre pourquoi une icône telle que Michael Hutchence, beau gosse, bourré de talent et de réussite, décide un jour de se suicider.

C’est à se flinguer, non ?

Diamant, bijou ? Un exemple parmi d’autres qui justifie qu’on réclame au patron un « Diamant sur Canapé ».

L’ensemble Brinkmann est capable de nous prendre aux tripes du moment que le reste suit, toujours par cette attention obsessionnelle à ne pas se mêler de ce qui ne le regarde pas : l’expression des musiciens et du reste de la chaine. A ce stade, une telle prouesse ne mérite que des éloges.

DIAMs 6 ROUGEs

 

Bardo 6

PLAISIR SUBJECTIF :

Ce chapitre n’a plus guère de sens et ne dépendra que de votre goût en matière de cellule ou le reste de votre chaîne bien-aimée.

De notre côté, on se dit que, peut-être à ce prix, Brinkmann risque le miscasting en proposant un objet très sobre et fonctionnel, plastiquement débarrassé de l’esthétique coruscante de la plupart des platines attrape-mouches de cette catégorie.

Ça fait partie de la subjectivité.

Pour le reste, faudrait être de mauvaise foi.

Ça existe aussi.

DIAMs 6 ROUGEs

 

RAPPORT QUALITÉ/PRIX :

Ce n’est quand même pas simple de donner un avis sur un objet irréprochable.

Ben voilà : Bardo + 10.0, ça fait le job, vous en avez pour votre argent. Point.

Ah oui, quand même : amoureux des platines au caractère sirupeux ou faussement chaleureux, passez votre chemin.

DIAMs 6 ROUGEs

 

 

* ne m’opposez pas Wikipedia. Néanmoins, je précise que trois triangles sont utilisés dans l’œuvre.

 

Bardo 4Trophée copie

 

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