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Soirée pyjama avec Billie Eilish…

par LeBeauSon - Octobre 2020


Hier soir 24 octobre, à minuit heure française, se tenait le concert « Livestream » de l’artiste devant une poignée de spectateurs invisibles, familles, techniciens, quelques privilégiés... mais sans doute des millions de fans transis derrière leur écran.

Passée la grosse demi-heure d’un reportage sur Billie dans son quotidien, entrecoupé de publicités et de spots invitant tous les US à voter, le concert démarre.

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Le look de la miss, T-shirt ample et short long inspire le titre de ce post, comme l’atmosphère irréelle du concert sur écran TV pour mes ados en pyjama…

Mesures sanitaires, Covid planétaire, Billie intègre sans sourciller ce nouveau mode de vie masqué, et nous convie à un spectacle du troisième millénaire sur canapé sans la ferveur du partage, mais aussi sans embarras.

Sur une scène quasi-vide, l’incrustation de décors 3D est permanente.

2 musiciens, son frère et un batteur, et samples accompagnent Billie…  Aux rêveries auxquelles nous invite sa musique se mêlent des décors changeants, entre les pattes d’une araignée géante, sur une stèle baignée d’étoiles, au milieu des menhirs d’un Stone Age de 3D. 

Billie chante et se déplace, danse, intégrée aux décors simplifiés de jeux vidéo des années 2000 comme dans un vieux clip sur MTV.

 

Un faux concert ou un autre spectacle ? 

Pour un vieux comme moi, ce type d’évènement à quelque chose de déstabilisant.

La qualité de l’écoute est certes bien meilleure qu’au spectacle. Mon équipement me permet de ne rien rater des effets des arrangements. Et je ne subis pas les basses lourdes, ou une sono criarde. Je me sais privilégié, confortablement installé dans mon canapé. Je me permets même ce que le domicile autorise, comme de profiter d’un café, des petits gâteaux improvisés.

Pourtant, quelque chose manque, ou quelqu’un…

Je pense à la majorité des internautes fans de la demoiselle, suivant le show sur leur smartphone, casqués, pour ne rien rater. Drôle de sensation. Un concert loin les uns des autres… Isolés, mais connectés, grâce à un espace tchat accolé, permettant de commenter le concert afin de retrouver un sentiment de communion… 

Plus loin, pendant le concert, une myriade d’écrans ouvre des vignettes sur les auditeurs en visio. On découvre devant leur micro-webcam bougeant la tête en rythme, des « spectateurs » seuls, mais réunis fenêtres juxtaposées.

Pas de rappel, aucun applaudissement, absents les chants et les cris des fans. Billie explore ce monde que nous engendrons distant, virtuel … mais « safe ». 

Je ne sais quoi en penser.

 

Le lendemain, je croise l’aînée de la famille proche - elle a 16 ans - et l’interroge sur sa soirée. Sa réponse me stupéfait. Elle a préféré cette expérience à celle de son premier concert live vécu à l’Accor Arena, show lumières, chorégraphies et musiciens.

Mais comme elle l’expliquait : la sono trop forte, l’attente interminable, les bousculades, l’inconfort des voisins trop agités, obligée de rester debout pour essayer d’apercevoir au loin son artiste, ainsi que les déplacements inhérents à tous les spectacles vivants.

Elle a préféré l’expérience au chaud, confortablement installée en pyjama dans son salon avec ses cousines.

A cela, impossible de ne pas ajouter la comparaison des investissements :

30 dollars pour le Livestream de Billie pour que les 4 jeunes filles profitent de la soirée à côté de leurs parents.

Ce n’est pas le prix d’une place au concert, vendue souvent 10 ou 20 fois plus chère dont le concert unique d’une artiste internationale ne se produisant qu’à la capitale, aura nécessité en plus billets de train, chambres d’hôtel, restau …   

 

Pas question d’opposer ce type d’évènement désincarné à la fête d’un spectacle vivant.

Mais comme pour ces films qui sortent en streaming sans attendre d’avoir vécu en salles de cinéma, j’ai peur que la nécessité de toute forme de confinement, que je comprends et accepte, nous conduise - toutes générations confondues et artistes comme spectateurs - à devoir réévaluer trop brutalement nos valeurs essentielles du partage et de la création par interaction autre que celle des réseaux sociaux.

Banc ecoute